M. Roland du LUART

V. LE PROGRAMME 101  « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

A. UN PROGRAMME DOMINÉ PAR LE POIDS DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

Bien qu'il ne contienne que 5,1 % des moyens de la mission « Justice » (crédits de paiement), le programme « Accès au droit et à la justice » revêt une importance singulière, car il correspond, précisément, à l'aspiration croissante de la population à mieux connaître ses droits et à agir en justice .

L'aide juridictionnelle constitue la première action du présent programme, avec 95 % de ses moyens. Le « passage en limitatif » des crédits d'aide juridictionnelle, à compter du 1 er janvier 2006 avec l'entrée en vigueur de la LOLF, a marqué une étape essentielle pour ces dépenses dont, d'une certaine manière, « l'ordonnateur est le justiciable », puisque l'aide juridictionnelle est un droit pour ceux qui répondent aux conditions légales.

L'aide juridictionnelle (totale ou partielle) concerne les personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice , en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense, devant toute juridiction, et s'applique aux procédures, actes ou mesures d'exécution. Les prestations sont versées aux avocats par l'intermédiaire des caisses de règlement pécuniaires des avocats (CARPA) et directement pour les autres auxiliaires de justice.

Le développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité , objet de l'action 2 du présent programme, est mis en oeuvre par les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), actuellement au nombre de 86 et dont l'implantation sur l'ensemble du territoire se poursuit. Ces groupements d'intérêt public sont des opérateurs de l'Etat chargés, notamment, de coordonner les activités des « Maisons de la justice et du droit » (MJD), implantées principalement dans les zones urbaines sensibles (ZUS) ainsi que les « Points d'accès au droit ». Cette action dispose de 1,1 % des moyens du programme.

La politique d'aide aux victimes (action 3, dotée de 3,2 % des crédits de paiement du programme) consiste essentiellement dans le soutien des associations d'aide aux victimes, dont le réseau assure l'accueil, l'information et l'orientation auprès des 181 TGI.

Enfin, l'action 4 « Médiation familiale et espaces de rencontre » représente 0,7 % des crédits de paiement du programme et s'inscrit dans les orientations du ministère de la justice qui visent à maintenir les liens familiaux au-delà des séparations et des divorces. L'intégration de dispositions spécifiques sur la médiation familiale dans le code civil et le nouveau code de procédure civile 31 ( * ) a, en effet, été l'occasion de promouvoir ce mode de résolution amiable des conflits et de mieux prévenir les conflits ou leur multiplication. La mise en oeuvre de ces dispositions repose essentiellement sur le réseau des associations et services de médiation familiale.

Gérés par des associations, des espaces de rencontre parent(s) / enfants , organisent, le plus souvent sur décision du juge aux affaires familiales (JAF), un droit de visite entre un enfant et l'un de ses parents, lorsqu'un accompagnement particulier est requis. La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l'enfance permet au JAF de recourir à un tel espace.

B. DES CRÉDITS D'INTERVENTION À 99,9 %

Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent en autorisations d'engagement de - 1,3 %, en passant de 373 millions d'euros à 368 millions d'euros, et de - 2 % en crédits de paiement , en passant de 342 millions d'euros à 335 millions d'euros .

Etant donnée la nature des différentes actions composant le programme, il apparaît logique que 99,9 % des moyens du programme soient constitués de crédits d'intervention (aide juridictionnelle, subventions aux associations d'aide aux victimes, associations de médiation familiale...) .

Depuis le 1 er janvier 2007 et afin d'assurer une meilleure gestion des personnels des services judiciaires, il a été décidé de transférer les ETPT servant le présent programme au programme « Justice judiciaire » 32 ( * ) . En conséquence, le programme « Accès au droit et à la justice » ne comprend aucune dépense de personnel (titre 2).

Seules les dotations de premier équipement allouées à six MJD créées en 2008 viennent abonder le titre 3 des dépenses de fonctionnement (68.730 euros pour 2008).

Il résulte de cette spécificité que les marges du gestionnaire sont quasi inexistantes au regard des nouvelles règles de fongibilité introduites par la LOLF .

C. LA RÉFORME DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE EST URGENTE

L'action 1 « Aide juridictionnelle » voit passer sa dotation de 326,9 millions d'euros en 2007 à 318,2 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances.

Cette baisse de 2,7 % pourrait susciter l'inquiétude au vu de la dynamique de ce poste de dépense au cours des dernières années et des revendications récurrentes de la profession d'avocat à propos de l'insuffisance de la rétribution attachée aux missions d'aide juridictionnelle (AJ).

Pour autant, les hypothèses retenues par la chancellerie pour établir le budget de cette action permettent a priori de dissiper d'éventuelles craintes. Ainsi, le nombre de bénéficiaires de l'AJ prévu en 2008 est-il stable par rapport à 2007 et s'élève à 905.000 admissions . Ce total se décompose en 390.000 admissions pour des affaires au pénal et 515.000 admissions au civil et pour les autres types de contentieux (contentieux administratifs hors reconduites à la frontière, et conditions de séjour des étrangers dont reconduites à la frontière).

En outre, la chancellerie anticipe un rétablissement de crédits à hauteur de 8,9 millions d'euros au titre d'un meilleur recouvrement des dépenses d'AJ 33 ( * ) . Cette prévision est conforme à l'estimation théorique réalisée par l'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ, paru en février 2007, à condition d'améliorer l'efficacité dudit recouvrement .

Les principales recommandations de l'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ (février 2007)

Les principales conclusions de l'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ tendent à préconiser de :

- finaliser une circulaire commune au garde des Sceaux et au ministre des finances donnant des instructions précises sur les conditions requises pour un recouvrement efficace ;

- s'appuyer sur des comités de pilotage locaux constitués entre les SAR et les services du Trésor ;

- prévoir un doublement des montants de recouvrement émis par les SAR aux trésoreries ;

- focaliser la politique de recette sur les cours d'appel, dans la mesure où leur rendement potentiel en euros est le plus important parmi l'ensemble des juridictions ;

- inciter tous les TGI à procéder à l'émission de titres ;

- faire des SAR le pivot de l'organisation de la chaîne de recette de recouvrement dans sa phase relevant des juridictions ;

- conduire une expérimentation permettant d'apprécier le dispositif centralisé faisant intervenir le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) attaché au ministère de la justice ;

- mettre en place un dispositif permettant de corriger l'insuffisance ou l'inexactitude des renseignements identifiant le redevable ;

- sensibiliser les acteurs à l'importance du processus de recette ;

- introduire des objectifs et des indicateurs mobilisateurs pour la recette dans les programmes 101 « Accès au droit et à la justice » et 156 « Gestion fiscale » ;

- diffuser auprès des juridictions un guide pratique de la recette établi avec le concours de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) ;

- renforcer la formation des greffiers et des magistrats sur le processus de recette de l'AJ ;

- développer une approche client auprès des redevables visant à mieux informer du caractère potentiellement remboursable de l'AJ, de son montant, de son fondement et des conditions de reversement.

Dans cette perspective, votre rapporteur spécial se félicite de la création à l'occasion du projet annuel de performances pour 2008 d'un nouvel objectif « Améliorer le taux de recouvrement des frais de justice par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle » et de l'indicateur qui lui est associé : « Taux de mise en recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ».

Cette innovation pour 2008 répond d'ailleurs à la recommandation de votre rapporteur spécial, formulée dans son récent rapport « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle » 34 ( * ) .

Dans ce même rapport, votre rapporteur spécial préconise par ailleurs d'enrichir l'évaluation de la performance du programme « Accès au droit et à la justice » par un indicateur mesurant le délai de délivrance de l'attestation de fin de mission (AFM) à l'avocat , qui conditionne son règlement par la CARPA.

Sans revenir sur le diagnostic et les propositions présentés dans le rapport précité, votre rapporteur spécial rappelle toutefois que, confronté à un accroissement considérable du nombre des bénéficiaires depuis l'entrée en application de la loi précitée du 10 juillet 1991 (+ 159,5 %) et à une explosion de la dépense (+ 391,3 %), le système de l'AJ appelle une réforme en profondeur .

Au-delà de la stricte équation budgétaire, il convient en effet de préserver le « contrat social » noué autour de l'AJ et d'assurer la pérennité d'un système garantissant l'accès au droit et à la justice des plus démunis des justiciables, en redonnant tout leur sens aux principes de transparence et de responsabilité dans le contexte de ce dispositif d'aide.

Devant l'urgence, votre rapporteur spécial estime que l'année 2008 doit être celle de la réforme de l'AJ .

D. UNE MESURE DE LA PERFORMANCE CENTRÉE SUR L'AIDE JURIDICTIONNELLE ET L'AIDE AUX VICTIMES

Le projet annuel de performances du programme « Accès au droit et à la justice » est essentiellement accès sur deux problématiques : l'AJ et l'aide aux victimes.

Concernant le fonctionnement système de l'AJ , la mesure de la performance s'articule autour trois objectifs :

- « Améliorer le délai de traitement des demandes d'AJ » ;

- « Maîtriser les coûts de gestion d'un dossier de demande d'AJ » ;

- « Améliorer le taux de recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'AJ ».

Il convient, tout d'abord, de relever une certaine stabilité du délai moyen de traitement des demandes d'AJ . De 60 jours en 2005 et de 63 jours en 2006, il est à nouveau estimé à 60 jours en prévision pour 2007 et 2008.

Votre rapporteur spécial déplore, par ailleurs, que les indicateurs mesurant le « coût de traitement d'une décision d'AJ » (16,43 euros en 2006) et le « taux de recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'AJ » (8 % en cible pour 2008) ne présentent que des séries statistiques très partiellement renseignées, ce qui empêche toute comparaison dans le temps . Il souhaite qu'à l'avenir ces informations soient disponibles dans le projet annuel de performances.

Concernant l'aide apportée aux victimes, l'indice de satisfaction des victimes d'infraction progresse entre 2006 et 2007 , passant de 46 % à 50 % (prévision actualisée). Votre rapporteur spécial note toutefois qu'en la matière des marges de progrès doivent encore être exploitées .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 101 « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

- Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent de 2 % en crédits de paiement , en passant de 342 millions d'euros à 335 millions d'euros .

- 99,9 % des moyens de ce programme sont constitués de crédits d'intervention (aide juridictionnelle, subventions aux associations d'aide aux victimes, associations de médiation familiale...).

- L'action « Aide juridictionnelle » voit passer sa dotation de 326,9 millions d'euros en 2007 à 318,2 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances, soit une baisse de 2,7 %.

- Cette baisse pourrait susciter l'inquiétude au vu de la dynamique de ce poste de dépense au cours des dernières années et des revendications récurrentes de la profession d'avocat à propos de l'insuffisance de la rétribution attachée aux missions d'aide juridictionnelle (AJ). Pour autant, les hypothèses retenues par la chancellerie pour établir le budget de cette action permettent a priori de dissiper d'éventuelles craintes. Ainsi, le nombre de bénéficiaires de l'AJ prévu en 2008 est-il stable par rapport à 2007 et s'élève à 905.000 admissions . En outre, la chancellerie anticipe un rétablissement de crédits à hauteur de 8,9 millions d'euros au titre d'un meilleur recouvrement des dépenses d'AJ . Cette prévision est conforme à l'estimation théorique réalisée par l'audit de modernisation sur le recouvrement de l'AJ, paru en février 2007, à condition d'améliorer l'efficacité dudit recouvrement .

- Votre rapporteur spécial se félicite de la création d'un nouvel objectif « Améliorer le taux de recouvrement des frais de justice par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle » et de l'indicateur qui lui est associé.

- Il préconise par ailleurs d'enrichir l'évaluation de la performance du programme « Accès au droit et à la justice » par un indicateur mesurant le délai de délivrance de l'attestation de fin de mission (AFM) à l'avocat , qui conditionne son règlement par la CARPA.

- Prolongeant les conclusions de son récent rapport d'information « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle », votre rapporteur spécial estime que l'année 2008 doit être celle de la réforme de l'AJ .

* 31 Loi n° 2002-305 du 2 mars 2002 sur l'autorité parentale et loi n° 2004-439 du 26 avril 2004 sur le divorce.

* 32 Sénat, rapport spécial n° 78 (2006-2007) - Tome III - annexe 15.

* 33 L'article 43 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 prévoit que les frais avancés au titre de l'AJ sont recouvrables contre l'adversaire du bénéficiaire de l'AJ condamné aux dépens et qui ne bénéficie pas lui-même de l'AJ. Ce dernier est tenu, sauf dispense totale ou partielle du juge, de rembourser au Trésor public, dans la proportion des dépens mis à sa charge, les sommes avancées par l'Etat au titre de l'AJ.

* 34 Sénat, rapport d'information n° 23 (2007-2008).