M. Roland du LUART

VI. LE PROGRAMME 213 « CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE ET ORGANISMES RATTACHÉS »

A. UN PROGRAMME À DOUBLE VISAGE

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés », comme son intitulé l'indique, comporte deux axes.

D'une part, il contient les moyens nécessaires à la gestion administrative commune de la mission « Justice », qui correspond à celle de la chancellerie.

Correspondent à cet axe, les quatre premières actions du programme 35 ( * ) .

L'action 4 « Gestion administrative commune », à elle seule, représente 77 % des moyens du présent programme . Elle concerne principalement la politique immobilière et la logistique de l'administration centrale, la politique informatique (maintien de l'existant, renouvellement des matériels, conduite de projet) et l'action sociale du ministère de la justice.

D'autre part, le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés » inclut les crédits consacrés au fonctionnement deux organismes rattaché : la commission nationale informatique et libertés (CNIL) et le Haut conseil au commissariat aux comptes 36 ( * ) .

Dans ce cadre, le présent programme connaît une modification de son périmètre pour 2008. Les actions relatives à la Grande chancellerie de l'Ordre de la Légion d'Honneur et à la Chancellerie de l'ordre de la Libération relèvent désormais, à leur demande, de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » 37 ( * ) .

Il s'agit donc d'un « programme à deux visages », puisqu'il comporte à la fois la logistique de la mission « Justice » et les crédits de deux institutions qui se trouvent « dépendantes » de cette mission et donc de la chancellerie, du moins sur le plan budgétaire.

Cela peut soulever une question de principe, singulièrement pour la CNIL , dont l'importance n'a pas à être soulignée. En effet, la fongibilité asymétrique autorise, en principe, le responsable de programme, en l'occurrence le directeur de l'administration générale et de l'équipement (DAGE) à la chancellerie, à prélever, en cours d'exercice, des crédits de la CNIL, par exemple, pour alimenter des projets informatiques pris en charge financièrement par l'action 4 du présent programme.

C'est en réponse à des préoccupations de cette nature que votre président et votre rapporteur général 38 ( * ) ont suggéré, sans succès, la création d'un programme « Autorités administratives indépendantes » qui aurait figuré au sein d'une mission « Transparence et régulation de l'action publique », au côté d'un second programme « Juridictions financières » 39 ( * ) :

« Le programme « Autorités administratives indépendantes », regrouperait un ensemble d'organismes comme l'Autorité de régulation des télécommunications, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ou le Conseil de la concurrence, traités de manière hétérogène dans la nomenclature présentée par le gouvernement le 21 janvier 2004. On rappellera que le gouvernement avait souhaité faire figurer les autorités administratives indépendantes dans les programmes de politiques correspondant à leurs finalités. Toutefois, ce n'était pas le cas de l'ensemble des autorités administratives indépendantes (...).

« Compte tenu de cette diversité et du statut spécifique des autorités administratives indépendantes, il semble que le responsable de ce programme pourrait relever des services du Premier ministre. La mission « Transparence et régulation de l'action publique » revêtirait ainsi un caractère interministériel .

« Le regroupement des autorités administratives indépendantes dans un même programme assurerait la séparation des crédits du régulateur et des administrations compétentes, en évitant que la règle de fongibilité au sein d'un programme ne s'opère au détriment du régulateur. Cette option serait ainsi de nature à conforter et à harmoniser le statut d'autonomie dont jouissent les autorités administratives indépendantes. »

Tout en rappelant qu'il n'entre pas dans la compétence du Parlement de redéfinir la « maquette budgétaire » présentée en loi de finances, votre rapporteur spécial considère que la création d'un tel programme « Autorités administratives indépendantes » demeure une piste à explorer, et cela d'autant plus que les actions relatives à la Grande chancellerie de l'Ordre de la Légion d'Honneur et à la Chancellerie de l'ordre de la Libération viennent elles-mêmes d'être transférées sur un autre programme.

B. LES CRÉDITS ET LES EFFECTIFS DU PROGRAMME : LE POIDS DE L'ACTION « GESTION ADMINISTRATIVE COMMUNE »

Le présent programme comporte, hors fonds de concours 40 ( * ) , 273,8 millions d'euros d'autorisations d'engagement (montant en baisse de 0,6 million d'euro par rapport à 2007) et 261,8 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de + 3 % .

En outre, le programme s'appuie sur 1.579 ETPT , en recul de 40 ETPT par rapport à 2007.

Les crédits correspondants à la « logistique de la chancellerie » (actions 1 à 4) constituent 95,1 % du programme , dont 76,8 % pour l'action 4.

Les moyens des « Organismes rattachés » (actions 5 et 6) représentent 4,9 % de ce programme .

Compte tenu des caractéristiques particulières, ci-dessus évoquées, de ce programme, votre rapporteur spécial a choisi de vous présenter action par action les principaux axes des crédits proposés.

Action 1 « Etat major »

Cette action dispose de 12,9 millions d'euros, dont 3,5 millions d'euros hors crédits de personnel, ainsi que de 183 ETPT.

Ces 3,5 millions d'euros de crédits de fonctionnement sont destinés à la politique de communication de la mission « Justice » . Outre les activités traditionnelles de communication (création, réalisation et diffusion de supports de communication, suivi des médias et gestion des relations presse, suivi de l'opinion publique), deux grands événements seront organisés en 2008 : la Présidence française de l'Union européenne et la réunion des ministres francophones de la justice.

Action 2 « Activité normative »

Cette action ne comporte que des crédits de personnel : 21,5 millions d'euros de crédits de paiement pour 339 ETPT, dont 112 magistrats, cette enveloppe incluant les rémunérations, les cotisations sociales, vieillesse y compris, et les prestations sociales.

Les activités normatives concernent les domaines civil, pénal et de droit public, tant en plan interne que par ses aspects européens et internationaux.

Action 3 « Evaluation, contrôle, études et recherche »

Cette action est dotée de 13,5 millions d'euros, dont 2,4 millions d'euros hors crédits de personnel, ainsi que de 170 ETPT (dont 32 ETPT de magistrat).

Elle supporte les dépenses relatives à la statistique et à la documentation de la chancellerie, ainsi que celles du service central de prévention de la corruption (SCPC). Elle comporte également des subventions pour la mission « Droit et justice » (0,8 million d'euros) et pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), en faveur notamment de son unité de recherche dans le domaine de la justice : 0,2 million d'euros.

Action 4 « Gestion administrative commune »

Il s'agit de l'action principale de la branche « soutien » du présent programme. Elle est dotée de 201,5 millions d'euros de crédits de paiement, dont 148,3 millions d'euros en dehors des crédits de personnel.

Cette action, qui s'appuie sur 762 ETPT , comporte en particulier les moyens nécessaires à la politique informatique de la chancellerie.

Parmi les grands projets informatiques du ministère de la justice, le projet Cassiopée 41 ( * ) (10,7 millions d'euros en crédits de paiement pour 2007 ), notamment, a pour objet de fournir un système complet d'automatisation de la chaîne de traitement des affaires pénales dans les TGI.

Les gains attendus de ce projet sont évalués à 162 ETPT après achèvement du projet en 2009. La dépense totale initialement prévue avait été évaluée à 40 millions d'euros, répartis entre 2001 et 2007. Elle est désormais actualisée à 45,8 millions d'euros 42 ( * ) , échelonnés entre 2001 et 2009.

Le projet de système d'information pour la gestion des ressources humaines (SIRH) concerne aussi bien l'administration centrale et déconcentrée que les services extérieurs.

La dépense prévisionnelle totale, répartie entre 2004 et 2009 / 2010, s'élève à 21,1 millions d'euros 43 ( * ) .

Les crédits de paiement pour 2007 se chiffrent à 3,9 millions d'euros.

L'action fournit également les moyens de la politique immobilière de la chancellerie et ceux de la politique sociale pour le personnel.

Action 5 « Commission nationale informatique et libertés » (CNIL)

La CNIL est dotée de 11,3 millions d'euros de crédits de paiement, dont 4,6 millions d'euros hors dépenses de personnel. Elle dispose de 113 ETPT (+ 13 ETPT par rapport à 2007).

Avec 570 % d'augmentation de son activité en trois ans et plus de 70.000 fichiers déclarés chaque année, la CNIL connaît un développement très fort de son champ d'action.

La loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, en particulier, a étendu les missions de la CNIL, notamment dans le cadre des contrôles a posteriori et pour l'animation d'un réseau de « correspondants informatiques et liberté ».

Face à cette montée en puissance, votre rapporteur spécial souligne que, même si un effort significatif est réalisé à l'occasion du présent projet de loi de finances pour renforcer les moyens humains (+ 13 ETPT) et financiers (augmentation du budget de la CNIL de + 14,1 % des crédits de paiement de l'action), le budget de fonctionnement par agent de cette institution (36.773,23 euros) reste inférieur en 2008 à celui d'autres autorités administratives indépendantes telles que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) ou le médiateur de la République, dont le budget de fonctionnement par agent s'élève, respectivement, à 67.500 euros et 55.190,11 euros 44 ( * ) .

Action 6 « Haut conseil au commissariat aux comptes »

Le Haut conseil au commissariat aux comptes est chargé d'assurer la surveillance de la profession et de veiller au respect de la déontologie et de l'indépendance de ces professionnels (article L. 821-6 du code de commerce).

Il disposera en 2008 de 1 million d'euros, dont 0,3 million d'euros hors dépenses de personnel, ainsi que de 12 ETPT.

C. UNE MESURE DE LA PERFORMANCE EN COURS D'AMÉLIORATION

Le projet annuel de performances pour 2008 du présent fait l'objet d' évolutions sensibles en matière d'évaluation de la performance.

Certains indicateurs, présentant peu d'intérêt, ont ainsi été supprimés , comme par exemple celui portant sur le « délai moyen d'affectation d'un agent par type de recrutement ».

D'autres ont été perfectionnés afin de proposer une analyse plus fine de la performance. Ainsi, notamment, l'indicateur relatif au coût du m² construit et rénové a été dédoublé afin de mesurer distinctement le coût du m² rénové et construit des bâtiments judiciaires et pénitentiaires.

Enfin, un nouvel objectif, associé à un nouvel indicateur , fait son apparition au sein du programme et porte sur l'activité de la CNIL. Ainsi, l'objectif 7 « Améliorer la communication sur les principes de la loi informatique et libertés pour permettre aux citoyens une meilleure connaissance de leurs droits en matière de protection des données personnelles », mesuré par l'indicateur 7.1 « Pourcentage de citoyens qui s'estiment suffisamment informés de leurs droits en matière de protection des informations personnelles les concernant », permet une première approche de l'efficience de la CNIL .

Pour autant, comme le souligne d'ailleurs le projet annuel de performances pour 2008, cet unique indicateur ne saurait être suffisant pour parfaitement appréhender la performance de cette institution.

Dès lors , votre rapporteur spécial estime nécessaire de le compléter à l'avenir par d'autres éléments permettant d'apprécier la qualité de la gestion de la CNIL .

Enfin, il apparaît difficile de porter un jugement sur la gestion des grands projets informatiques menés par le ministère de la justice. En effet, l'un des deux indicateurs s'y rapportant dans le projet annuel de performances pour 2007 (« Pourcentage de respect de la durée de livraison des opérations (supérieures à 1 million d'euros) pour les opérations livrées dans l'année ») a disparu du projet annuel de performances pour 2008, tandis que l'autre (« Pourcentage de dépassement du coût contractuel pour les projets d'un montant supérieur à 3 millions d'euros ») ne présente de données significatives que sur 2007 et ne porte que sur un seul projet (Cassiopée).

Eu égard à l'importance des systèmes d'information dans la politique de modernisation de la justice et aux coûts de ces opérations, votre rapporteur spécial regrette qu'aucun indicateur ne porte sur le respect des délais dans le cadre de ces projets .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 213 « CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE ET ORGANISMES RATTACHÉS »

- Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés » connaît une modification de son périmètre pour 2008. Les actions relatives à la Grande chancellerie de l'Ordre de la Légion d'Honneur et à la Chancellerie de l'ordre de la Libération relèvent désormais, à leur demande, de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » .

- Votre rapporteur spécial rappelle la suggestion avancée, en 2004, par votre commission de créer un programme regroupant l'ensemble des autorités administratives indépendantes au sein de la mission « Transparence et régulation de l'action publique » et intégrant notamment la CNIL.

- Face à la montée en puissance de l'activité de la CNIL , votre rapporteur spécial souligne que, même si un effort significatif est réalisé à l'occasion du présent projet de loi de finances pour renforcer les moyens humains (+ 13 ETPT) et financiers (augmentation du budget de la CNIL de 14,1 %) de cette institution, le budget de fonctionnement par agent de la CNIL (36.773,23 euros) reste inférieur en 2008 à celui d'autres autorités administratives indépendantes.

- Un nouvel objectif, associé à un nouvel indicateur, fait son apparition au sein du programme et porte sur l'activité de la CNIL. Ainsi, l'objectif 7 « Améliorer la communication sur les principes de la loi informatique et libertés pour permettre aux citoyens une meilleure connaissance de leurs droits en matière de protection des données personnelles », mesuré par l'indicateur « Pourcentage de citoyens qui s'estiment suffisamment informés de leurs droits en matière de protection des informations personnelles les concernant », permet une première approche de l'efficience de la CNIL.

- Pour autant, cet unique indicateur ne saurait être suffisant pour parfaitement appréhender la performance de cette institution. Votre rapporteur spécial estime nécessaire de le compléter à l'avenir par d'autres éléments permettant d' apprécier la qualité de la gestion de la CNIL .

- Il apparaît difficile de porter un jugement sur la gestion des grands projets informatiques menés par le ministère de la justice. En particulier, votre rapporteur spécial regrette qu' aucun indicateur ne porte sur le respect des délais dans le cadre de ces projets .

* 35 Part de ces 4 actions dans les crédits de paiement du programme :

- Action 1 « Etat major» : 4,9 % ;

- Action 2 « Activité normative » : 8,2 % ;

- Action 3 « Evaluation, contrôle, études et recherche » : 5,2 % ;

- Action 4 « Gestion administrative commune » : 77 %.

* 36 Part de ces institutions dans les crédits de paiement du programme :

- Action 5 « Commission nationale informatique et libertés » : 4,3 % ;

- Action 6 « Haut conseil au commissariat aux comptes » : 0,4 %.

* 37 L'action « Ordre de la Légion d'Honneur » représentait en loi de finances pour 2007 7,4 % des crédits de paiement du programme, tandis que l'action « Ordre de la Libération » représentait 0,3 % de ces crédits.

* 38 Rapport d'information n° 292 (2003-2004) présenté par nos collègues, Jean Arthuis, président et Philippe Marini, rapporteur général : « La nouvelle architecture des lois de finances. Transparence et lisibilité du budget de l'Etat pour moderniser la gestion publique » : page 41.

* 39 Regroupant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, afin de les « sortir » d'une mission relevant de la « sphère de Bercy », compte tenu en particulier du rôle de certification des comptes de l'Etat conféré à la Cour des comptes par le 5° de l'article 58 de la LOLF.

* 40 0,6 million d'euros sont inscrits au titre de fonds de concours relevant de l'action 5 « Commission nationale informatique et libertés ».

* 41 Chaîne applicative supportant le système d'information orientée procédure pénale et enfants.

* 42 Soit 3,4 millions d'euros de rémunération de personnels travaillant directement sur le projet ; 13 millions d'euros pour la conception de l'application ; 21 millions d'euros pour le développement, 5,1 millions d'euros pour son déploiement et 3,3 millions d'euros pour les matériels.

* 43 Soit 2,3 millions d'euros de frais d'étude, 7,1 millions d'euros pour l'acquisition et le paramétrage, 1 million d'euros pour le personnel, 11,2 millions d'euro pour les logiciels et 0,4 million d'euros de frais divers.

* 44 Calcul réalisé par votre rapporteur spécial d'après le projet annuel de performances de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».