M. Marc Massion

II. LE PROGRAMME 220 « STATISTIQUES ET ETUDES ECONOMIQUES »

A. UNE PRÉVISIBILITÉ BUDGÉTAIRE ACCRUE GRÂCE À UN CONTRAT PLURIANNUEL DE PERFORMANCES

Le programme 220 est essentiellement tourné vers la fourniture d' informations macroéconomiques, sectorielles, démographiques et sociales , aux pouvoirs publics, aux agents économiques et au grand public.

A ce titre, il comprend l'ensemble des tâches assurées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) de collecte, de traitement et de commentaire des statistiques . L'une de ses dimensions les plus importantes renvoie à la tenue du recensement annuel de la population , selon des modalités rénovées qui porteront leur fruit en 2008 2 ( * ) .

Alors que le programme 305 « Politique économique et de l'emploi » se caractérise par une très grande hétérogénéité, tant des directions concernées que des objectifs poursuivis (cf. infra , partie III), le programme 220 est plus homogène tout en comportant deux entités d'importance inégale . Ainsi, l'INSEE y tient un rôle prééminent, tandis que le service des études et des statistiques industrielles (SESSI) y est plus en retrait même si, d'une part, ses attributions ne peuvent, évidemment, être regardées comme secondaires et que, d'autre part, le chef du SESSI est associé aux décisions de gestion le concernant dans le programme.

Le 27 février 2007, un contrat pluriannuel de performances, portant sur la période allant de 2007 à 2009 , a été signé entre le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (Minéfi), le directeur du budget et le directeur général de l'INSEE, prévoyant notamment une réduction des ETPT de 5,4 % sur trois ans .

Votre rapporteur spécial se félicite d'une telle démarche permettant d'accroître la visibilité à moyen terme de la gestion et du pilotage de ce programme, tout en préservant ses marges de manoeuvre .

Le responsable du programme était M. Jean-Michel Charpin, directeur général de l'INSEE. Toutefois, le 17 octobre 2007, un changement est intervenu à la tête de l'INSEE avec la nomination de M. Jean-Philippe Cotis, en remplacement de M. Jean-Michel Charpin.

B. LA PRÉÉMINENCE DES ACTIONS « INFRASTRUCTURE STATISTIQUE » ET « SOUTIEN » : 35 % ET 29,3 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME

Le présent programme est composé de cinq actions, parmi lesquelles les actions « Infrastructure statistique » et « Soutien » se distinguent de par leurs poids budgétaires respectifs : 151 millions d'euros en crédits de paiement pour la première (soit 33,4 % du programme) et 132,3 millions d'euros pour la seconde (soit 29,3 % du programme) .

Il convient de rappeler que l'action « Infrastructure statistique » regroupe les activités à caractère régalien ou normatif : comptabilité nationale et indice des prix à la consommation, registre des personnes physiques et des entreprises (SIRENE), fichier électoral, recensement annuel de la population, action internationale et mise à disposition de l'information.

L'action « Soutien », pour sa part, renvoie aux fonctions de direction, de gestion des moyens, de communication et de formation continue lorsqu'elles bénéficient indistinctement à l'ensemble des actions.

Les cinq actions du programme « Statistiques et études économiques »

(en millions d'euros)

Action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Infrastructure statistique

150,6

151

Information sur les entreprises et synthèses économiques

78,2

78,1

Information démographique et sociale

65,5

65,5

Formation

24,6

24,6

Soutien

129,8

132,3

Total

448,7

451,5

Source : projet annuel de performances pour 2008

C. LA PART PRÉPONDÉRANTE DES DÉPENSES DE PERSONNEL : 83,7 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME

Le programme connaît une légère progression de son enveloppe budgétaire au regard des crédits ouverts en loi de finances pour 2007. Ainsi, hors fonds de concours, les autorisations d'engagement s'élèvent à 448,7 millions d'euros (+ 0,5 % par rapport à 2007) et les crédits de paiement à 451,5 millions d'euros (+ 1,3 % par rapport à 2007) .

Les fonds de concours passent, quant à eux, de 20 millions d'euros à 17,5 millions d'euros 3 ( * ) .

Les crédits de ce programme sont à 83,7 % composés de dépenses de personnel (titre 2) , soit 377,9 millions d'euros de crédits de paiement sur un total de 451,5 millions d'euros. Ces dépenses de personnel connaissent une hausse de 1,9 % par rapport à leur niveau fixé par le projet de loi de finances pour 2007.

Pour autant, le programme connaît une réduction de ses emplois , son plafond passant de 6.242 ETPT en 2007 à 6.131 ETPT en 2008. Cette baisse significative de 111 ETPT prolonge celle déjà enregistrée entre 2006 et 2007 (- 241 ETPT). Elle n'est cependant pas tout à fait de même nature, puisque ne relevant pas essentiellement d'un transfert d'ETPT entre programmes (cas en 2007) mais s'inscrivant dans la logique du plan de réduction des effectifs fixé par le contrat pluriannuel de performances évoqué précédemment.

Les emplois du présent programme se répartissent entre l'INSEE (5.884 ETPT) et le SESSI (247 ETPT).

Au sein de l'enveloppe budgétaire dédiée aux dépenses de personnel, il convient de noter que 5,1 millions d'euros ont été prévus au titre de mesures catégorielles. Ces mesures correspondent, notamment, à la mise en oeuvre d' un plan de requalification des emplois , destiné à adapter la structure des emplois aux besoins du programme, et à la prise en compte de la performance par un intéressement lié aux résultats 4 ( * ) .

D. LES ENJEUX BUDGÉTAIRES DU PROGRAMME

1. D'éventuels doublons entre l'INSEE et la Banque de France ?

Au sein du programme, l'action 2 « Information sur les entreprises et synthèses économiques » s'intéresse à la fourniture de données essentielles sur les entreprises, notamment les statistiques conjoncturelles (niveau des stocks, prix à la production...) et structurelles (enquête annuelle d'entreprises). 78 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus à cet effet par le projet de loi de finances pour 2008.

A cet égard, on peut rappeler, comme le fait votre commission depuis maintenant plusieurs années, que les différentes enquêtes de conjoncture de l'INSEE, dont la qualité est reconnue, sont souvent concurrencées par celles menées par la Banque de France . Votre commission avait notamment soulevé cette question à l'occasion de la publication de son rapport faisant suite à l'enquête de la Cour des comptes consacré au réseau de la Banque de France 5 ( * ) .

Même si certaines complémentarités peuvent être soulignées entre ces enquêtes de conjoncture (les enquêtes de l'INSEE mettant à disposition une information rapide sur le mouvement macroéconomique d'ensemble, tandis que les enquêtes de la Banque de France perçoivent mieux le sens du mouvement de la production sur le mois précédent), le débat autour d'un éventuel « doublon » entre ces enquêtes n'en demeure pas moins toujours d'actualité .

2. L'urgence de la mise en place d'une comptabilité analytique : l'exemple du centre de recherche en économie statistique (CREST)

L'action 4 « Formation » est constituée des deux écoles du groupe des écoles nationales d'économie et de statistique (GENES) : l'Ecole nationale de la statistique et des études économiques (ENSAE) et l'Ecole nationale de la statistique et de l'analyse de l'information (ENSAI). Les crédits de paiement de cette action (24,6 millions d'euros) concernent, également, le centre de recherche en économie statistique (CREST), qui couvre les domaines de recherche des deux écoles et de l'INSEE. En économie, ce centre se place parmi les trois premiers centres français et les dix premiers en Europe.

Cependant, ce centre n'est pas rattaché à l'ENSAE, ce qu'il devrait logiquement être, mais est inclus dans l'action 4. En outre, il ne fait l'objet, dans le projet annuel de performances, d'aucune ligne spécifique, ce qui ne permet pas d'en isoler les crédits .

A l'heure où la recherche constitue un avantage comparatif essentiel dans le contexte d'une économie mondialisée, il serait pourtant intéressant de connaître le coût du CREST .

Cette absence d'information spécifique permettant de mieux cerner le coût du CREST trouve une partie de son origine dans la difficulté à distinguer son activité de celle de l'ENSAE, les deux structures étant étroitement liées pour des raisons d'efficacité évidentes. Elle s'explique, toutefois, également par les lacunes en matière de comptabilité analytique du présent programme , aucun système de suivi des coûts n'ayant jusqu'à présent été mis en place.

Une réflexion est toutefois en cours pour déterminer les modalités de mise en oeuvre de l'analyse des coûts de l'INSEE. Une unité d'appui au contrôle de gestion de trois personnes a d'ailleurs été mise en place auprès de son directeur général. En outre, la future mise en place du progiciel de gestion intégrée CHORUS devrait être l'occasion de parfaire le système de comptabilité analytique devant s'implanter au sein du programme « Statistiques et études économiques ».

3. La relocalisation de l'école nationale de la statistique et des études économiques (ENSAE) doit être menée à son terme

Alors que l'ENSAI a été délocalisée à Rennes en 1996, dans les meilleures conditions, l'ENSAE, située dans le bâtiment de l'INSEE à Malakoff, souffre à l'évidence de locaux peu adaptés compte tenu des contraintes et des effectifs de l'école. Un terrain avait été acheté, dès les années 1980, à Marne-la-Vallée, et un concours d'architecture avait même été lancé. Aucune suite concrète n'a, néanmoins, été donnée à cette initiative.

Après de nombreux atermoiement, la question de la relocalisation de l'ENSAE semble en passe de trouver un aboutissement. En réponse au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur spécial, le responsable du présent programme indique en effet que « le dossier budgétaire et immobilier est en cours d'instruction entre la direction générale de l'INSEE et le secrétariat général du Minéfe ». L'emplacement de la construction du futur bâtiment a été déterminé avec la direction de l'école Polytechnique , sur son emprise , et il a été entériné par le conseil d'administration de cette école, en mars 2007.

La direction générale de l'INSEE, après l'avis des instances de conseil de l'ENSAE et de son centre de recherche, a choisi de localiser l'ENSAE à Palaiseau pour participer aux projets de développement du plateau de Saclay en matière d'enseignement supérieur et de recherche . Par sa place au sein de l'Institut des sciences et technologies de Paris (Pole de recherche et d'enseignement supérieur de ParisTech), l'ENSAE doit pouvoir participer pleinement aux synergies attendues, par un rapprochement géographique avec les universités et les institutions d'enseignement et de recherche du sud parisien (en particulier avec l'école Polytechnique et l'école des Hautes études commerciales). Des collaborations plus étroites se sont d'ailleurs déjà nouées ces dernières années entre l'ENSAE et ces grandes écoles. De telles collaborations sont de nature à être confortées par le développement du pôle de compétitivité mondial « Paris Europlace ».

Votre rapporteur spécial estime urgent de mettre un terme définitif à la question récurrente de la relocalisation de l'ENSAE et de parvenir à un projet donnant les moyens à l'ENSAE de conforter sa place éminente parmi les institutions d'enseignement supérieur.

E. DES PERFORMANCES SATISFAISANTES

L'analyse des indicateurs de performance attachés à ce programme se situe dans la continuité des conclusions tirées par votre rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007. Elle fait ressortir un résultat d'ensemble satisfaisant, témoignant d'une bonne prise en compte par les différents personnels de l'exigence de résultats .

Il convient, par ailleurs, de souligner l'extrême clarté de la construction de la « feuille de route » de ce programme : chacun des six objectifs fixés étant mesuré par un unique indicateur rendant suffisamment bien compte de l'efficience recherchée.

L'objectif 1 « Respecter les engagements de la France par rapport à l'Europe en termes de délais de diffusion des résultats économiques » vise la qualité et la rapidité de la production des informations de comptabilité nationale, deux éléments effectivement décisifs pour ce programme. L'indicateur qui lui est attaché témoigne, à cet égard, de livraisons trimestrielles respectant les délais prévus par les engagements européens de la France .

L'objectif 2 « Respecter les engagements de la France par rapport à l'Europe en termes de diffusion des indices économiques conjoncturels » souligne l'importance de la « fraîcheur » de l'information s'agissant d'enquêtes conjoncturelles.

Si l'indicateur associé à cet objectif montre une dégradation du résultat en la matière entre 2006 et 2007, celle-ci n'est qu'apparente et résulte, essentiellement, d'une modification du délai de diffusion prévu par la réglementation européenne 6 ( * ) . En 2007, le retard entre les dates de diffusion des indices économiques conjoncturels et les dates prévues par les engagements européens est de 12 jours (en prévision actualisée) et de 10 jours en prévision pour 2008, avec une cible de 8 jours en 2010.

L'objectif 3 « Publier chaque année, à partir de 2008, les populations légales de toutes les communes » connaît une double évolution par rapport au projet de loi de finances pour 2007. D'une part, il rend compte de la première publication de la population légale de toutes les communes, selon une nouvelle méthodologie de recensement 7 ( * ) . D'autre part, il intègre, dans le calcul de son indicateur, les communes de plus de 10.000 habitants pour lesquelles le calcul de la population se fonde sur le cumul de plusieurs années de collecte (cinq au maximum).

L'objectif 4 « Améliorer la rapidité d'immatriculation des entreprises au répertoire SIRENE » témoigne de l'attention apportée à la qualité du service rendu aux entreprises .

L'indicateur qui lui est associé correspond, en fraction de journée, au temps moyen qui serait nécessaire à l'INSEE pour traiter le stock de dossiers d'inscription au répertoire restant en fin de journée. Alors qu'en 2006 la performance (0,11) apparaissait comme un seuil très bas 8 ( * ) , la prévision actualisée pour 2007 (0,15), comme la prévision pour 2008 (0,14) , tiennent compte de l'impact sur le travail des équipes concernées du changement de nomenclature d'activité économique 9 ( * ) .

L'objectif 5 « Alléger la charge de réponse des entreprises aux enquêtes statistiques » s'inscrit dans la démarche de simplification administrative. Il correspond à un indicateur mesurant la propension des entreprises à remplir leurs formulaires sur internet et, en corollaire, la capacité de l'INSEE à mettre des enquêtes en ligne, à faire connaître les pages internet permettant de répondre et à faciliter l'utilisation de ces pages. Cet indicateur est en progression régulière depuis 2005 (41 % des entreprises en 2005, 47,4 % en 2006 et 48 % en prévision actualisée pour 2007), une telle évolution devant, toutefois, être rapprochée d'un phénomène plus général : la confiance grandissante des Français vis-à-vis des transactions sur internet.

L'objectif 6 « Maintenir le niveau de qualité des enquêtes auprès des ménages pour un coût maîtrisé » cherche à traduire la fiabilité des résultats obtenus, dans un contexte de difficultés croissantes à obtenir des réponses aux enquêtes adressées aux ménages. A ce titre, il reflète bien l'efficience globale des concepteurs, des informaticiens, des gestionnaires et des enquêteurs de l'INSEE. La stabilité de l'indicateur qui lui est associé témoigne du maintien de la qualité des enquêtes pour un coût donné.

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme 220 « Statistiques et études économiques »

- Un contrat pluriannuel de performances , signé en 2007 et portant sur la période 2007-2009, permet d'accroître la visibilité à moyen terme de ce programme, tout en préservant ses marges de manoeuvre.

- Le programme ne connaît qu' une légère progression de son enveloppe budgétaire + 0,5 % en autorisations d'engagement (448,7 millions d'euros) et + 1,3 % en crédits de paiement (451,5 millions d'euros).

- Les crédits de ce programme se caractérisent par une très forte proportion de dépenses de personnel : 83,7 % .

- Pour autant, son plafond d'emplois diminue de 111 ETPT pour se fixer à 6.131 ETPT en 2008, conformément à la logique du plan de réduction des effectifs fixé par le contrat pluriannuel de performances.

- La question des éventuels « doublons » entre les missions de l'INSEE et de la Banque de France , en ce qui concerne la production d'études de conjoncture, continue de se poser : les études menées apportent-elles des informations suffisamment différentes pour être justifiées ?

- Une comptabilité analytique doit être mise en place le plus rapidement possible au sein de ce programme .

- La relocalisation de l'école nationale de la statistique et des études économiques (ENSAE) à Palaiseau (école Polytechnique) doit permettre de mettre fin aux atermoiements qui ont jusque là freiné toute décision.

* 2 De nouvelles dispositions en matière de recensement ont été introduites par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

* 3 Les fonds de concours de ce programme proviennent de recettes commerciales et de partenariats, de travaux réalisés pour Eurostat (études et conception, enquêtes) et des droits d'inscriptions au concours de l'Ecole nationale de la statistique et des études économiques (ENSAE).

* 4 Cet intéressement en fonction des résultats s'appuie, pour chaque direction, sur une batterie de douze indicateurs, recoupant largement les indicateurs de performance du projet annuel de performances.

* 5 Rapport n° 254 (2002-2003) de M. Jean Arthuis « Réseau de la Banque de France : urgence et nécessité de la réforme ».

* 6 Règlement européen (EC) n° 1165/98 du 19 mai 1998.

* 7 L'enquête exhaustive conduite, de 2004 à 2007, par rotation sur 20 % des communes de moins de 10.000 habitants permettra dorénavant de publier l'effectif de population recensée de ces communes.

* 8 Certains dossiers comportent des anomalies bloquantes au regard de la qualité, qui empêchent un traitement dans la journée et dégradent mécaniquement l'indicateur de performance.

* 9 La période 2007-2008 correspond à la transition entre la nomenclature d'activité économique française (NAF Rév. 2) et la nomenclature européenne (NACE Rév. 2).