MM. Thierry Foucaud et Bertrand Auban

CHAPITRE PREMIER

LES MISSIONS « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » ET « PENSIONS », PRÉSENTATION DU CONTEXTE

I. LE « RENDEZ-VOUS DE 2008 » ET LA RÉFORME DES RÉGIMES SPÉCIAUX

L'examen, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » s'inscrit dans un contexte très particulier .

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites prévoit des rendez-vous quadriennaux destinés à faire un point régulier sur l'évolution des régimes de retraite, en fonction des données démographiques, sociales, économiques et financières. Le premier de ces rendez-vous, fixé pour 2008 , prévoit explicitement le traitement de trois questions majeures :

• l'allongement de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein ;

• le taux de revalorisation des pensions ;

• et l'objectif de minimum de pension.

Or, si la réforme de 2003 a modifié le régime de retraite des fonctionnaires dont le compte d'affectation spéciale « Pensions » retrace l'équilibre des recettes et des dépenses, elle a laissé inchangés les autres régimes spéciaux, notamment ceux des agents de la SNCF, de la RATP, des marins et des mineurs qui relèvent de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Le Conseil d'orientation des retraites (COR) avait indiqué en mars 2006 1 ( * ) que « dans une perspective d'équité entre cotisants, il est difficile de ne pas imaginer que la nouvelle étape de hausse de la durée d'assurance prévue en 2008 ne s'accompagne pas de questions sur l'évolution des régimes spéciaux des entreprises publiques dont la réglementation n'a jusqu'ici pas évolué » tout en précisant que la grande diversité de ces derniers justifiait que l'approche les concernant devait être différenciée.

Dans son 4 ème rapport 2 ( * ) , le COR a préconisé l'allongement des durées d'activité et des durées d'assurance requises dans les régimes non touchés par la réforme de 2003 pour tirer les conséquences de l'allongement de l'espérance de vie, en prenant en compte les situations de pénibilité qui sont intégrées dans les règles de certains régimes afin de déterminer l'âge de départ en retraite dans l'ensemble des régimes spéciaux.

A. LA RÉFORME DES RÉGIMES SPÉCIAUX

Le 18 septembre 2007 3 ( * ) , le Président de la République annonçait que l'harmonisation des régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP avec le régime de retraite de la fonction publique serait réalisée au cours du premier semestre 2008.

La Cour des comptes a souhaité que pour des raisons tant financières que d'équité, entre les retraités, voire de respect des règles européennes de concurrence, le « rendez-vous » de 2008 intègre les régimes spéciaux dans le champ des réformes 4 ( * ) . Elle indique, notamment, que les droits spécifiques ne sont pas financés par leurs bénéficiaires, voire entièrement mis à la charge du budget de l'Etat dans le cas de la RATP et que la charge du financement des droits spécifiques est appelée à croître.

Le tableau suivant fait apparaître, concernant la SNCF et la RATP, les âges moyens de départ à la retraite qui n'excédent guère 55 ans, quelle que soit la catégorie considérée:

Age moyen de départ à la retraite, durées moyennes d'activité et de service des pensions, des cheminots et des agents de la RATP

(en années)

Age moyen de départ à la retraite

Durée moyenne d'activité

Durée moyenne de service des pensions

SNCF

54,5

32,22

26,58

RATP

53,7

28,09

24,53

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2008

Ces chiffres constituent une moyenne et sont variables. Les conducteurs partent à 50 ans à la SNCF, 52 ans à la RATP, les autres salariés partent à 55 ans à la SNCF, 59 ans pour les cadres de la RATP.

De fait, les règles de liquidation et de calcul des pensions dans les régimes précités diffèrent sensiblement de celles du régime général ou des régimes de la fonction publique (Etat et CNRACL 5 ( * ) ), qu'il s'agisse :

- de l'age normal de la liquidation ;

- de la durée de service minimale à l'âge normal de la liquidation ;

- de la durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein ;

- de l'assiette de liquidation ;

- des taux de liquidation (taux plein) ;

- de la décote, absente pour les régimes précités ;

- des règles de revalorisation.

Votre commission des finances a dressé le tableau suivant, qui permet de comparer les droits des assurés des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP avec ceux relevant du régime général et avec ceux des fonctionnaires (de l'Etat, territoriale et hospitalière) :

REGLES DE LIQUIDATION

REGIME GENERAL

FONCTIONNAIRES (civils)

SNCF

RATP

Âge normal de la liquidation

60 ans

60 ans 6 ( * )

Droit commun : 55 ans

Agents de conduite 7 ( * ) : 50 ans

« Sédentaires » 8 ( * ) : 60 ans

(avec 30 ans de service)

Agents de maintenance 2 : 55 ans

Agents d'exploitation 2 : 50 ans

(avec 25 ans de service)

Durée de service minimale à l'âge normal de la liquidation

Sans objet

15 ans

Droit commun : 25 ans

Agents de conduite : 15 ans

Si plus de 55 ans : aucune

15 ans

Si âge limite de la catégorie : aucune

Durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein

« Durée d'assurance tous régimes » : 40 ans 9 ( * )

37,5 ans y compris les bonifications d'annuités 2

Assiette de liquidation

25 10 ( * ) meilleures années (moyenne)

6 derniers mois hors primes

Eléments de rémunération perçus les 6 derniers mois

Taux de liquidation (taux plein)

50 % 11 ( * )

75 %

Modu-lation

Proratisation en fonction de la durée de cotisation

Proratisation sur 40 ans 4 (160 trimestres)

Proratisation sur 37,5 ans (150 trimestres)

Décote (se superpose à la proratisation)

Décote 12 ( * ) de 5 % par année manquante pour atteindre la durée d'assurance tous régimes, soit 40 ans (ou pour atteindre l'âge de 65 ans, la décote étant alors plafonnée à 25 %)

Absence de décote

Surcote

Après 60 ans et 40 ans de cotisations , surcote de 3 % par an

idem dans la limite de 15 %

Absence de surcote

Activité après limite d'âge (65 ans sauf services actifs)

Possibilité de prolonger l'activité pour obtenir le taux plein

Dans la limite de 10 trimestres pour obtenir le taux plein

Sans objet

Revalorisation

Indice des prix à la consommation hors tabac

Mécanismes de péréquation selon lesquels toute modification des salaires des agents en activité se trouve répercutée sur les pensions

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Comparaison des modalités de liquidation et de revalorisation des pensions de la SNCF et de la RATP avec celles des principaux régimes

B. LE BESOIN DE FINANCEMENT DES PENSIONS DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT

La situation financière des régimes de retraites, tous régimes confondus, continuera à se dégrader. Les prévisions actualisées faites par le COR dans son rapport de janvier 2007 montrent qu'à court terme les déficits s'établiront en 2010 dans une fourchette de 3,3 milliards à 5,1 milliards d'euros. A plus long terme, les mesures prises en 2003 ne seront pas suffisantes pour assurer le financement des retraites. Le besoin de financement en 2020 s'établira à 0,7 % du PIB dans l'hypothèse d'un retour au plein emploi à partir de 2015.

A législation constante, le besoin de financement des pensions des fonctionnaires de l'Etat s'élèverait en 2050 à 251 milliards d'euros et, dans un siècle, à 423 milliards d'euros, soit 24 points de PIB. Tout en relativisant la portée à si long terme de ces informations, il reste que le déficit annuel des retraites entraîne mécaniquement l'alourdissement du déficit cumulé, ainsi qu'il ressort du tableau suivant.

Evolution du besoin de financement actualisé
du régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Enfin, la commission de garantie des retraites, instituée par la réforme de 2003 a confirmé, dans son avis du 29 octobre 2007, l'allongement progressif d'ici 2012 de 40 à 41 années de la durée de cotisation de l'ensemble des salariés pour avoir une retraite à taux plein, comme le prévoyait le gouvernement.

La préparation du « rendez-vous 2008 » de la réforme des retraites

Selon la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, la durée de cotisation devait être majorée d'un trimestre par an à partir de 2009 pour atteindre 41 annuités en 2012. Le « rendez-vous 2008 » de la réforme des retraites doit être précédé de trois éléments :

- l'avis de la commission de garantie des retraites ; celui-ci a été rendu. Il vise à « maintenir constant le rapport constaté en 2003 » entre l'espérance de vie à l'âge de 60 ans et le nombre d'années de cotisation exigées. Ainsi sur la base de données de l'INSEE, la commission précise que pour maintenir autour de 1,8 le rapport entre la durée de cotisation (40 ans) et l'espérance de vie à 60 ans étant de 22,39 ans, il faudra passer à 41 ans en 2012, date où l'espérance de vie à 60 ans aura augmenté à 23,74 ans ;

- le rapport du Conseil d'orientation sur les retraites sur les principaux sujets (durée de cotisation, montant des pensions, petites retraites) avant la fin novembre 2007 ;

- le rapport du gouvernement sur la situation financière du système de retraites , avant le 31 décembre 2007.

* 1 29 mars 2006, Troisième rapport du Conseil d'orientation des retraites, « Retraites : perspectives 2020 et 2050 ».

* 2 11 janvier 2007, Quatrième rapport du Conseil d'orientation des retraites, « Retraites : questions et orientations pour 2008 ».

* 3 Au Sénat, le 18 septembre 2007, discours d'ouverture de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République à l'occasion du 40 ème anniversaire de l'association des journalistes d'information sociale, en présence de M. Christian Poncelet, Président du Sénat.

* 4 Remarques de la Cour des comptes concernant les dépenses de retraite, juin 2007.

* 5 Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, dont relèvent les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

* 6 55 ans (ex : policier) voire 50 ans (ex : infirmière) pour les personnels en « service actif » (emplois dangereux ou pénibles, soit 40 % des recrutements).

* 7 Régime dit des « bonifications d'annuités » : jusqu'à 5 années de bonifications au titre de l'emploi occupé (ex : « bonification de traction » à la SNCF).

* 8 Catégorie concernant 15 % des emplois de la RATP.

* 9 Alignement progressif des fonctionnaires sur le régime général, avec une augmentation de la durée de cotisation de 37 ans et demi en 2003 à 40 ans en 2008. La loi portant réforme des retraites prévoit ensuite que la durée de cotisation sera portée progressivement à 41 années de 2008 à 2012, sous réserve de l'évolution des conditions démographiques, économiques et sociales. La durée de cotisation serait ensuite portée à 41 années et trois trimestres en 2020.

* 10 A partir de 2008 (nombre d'années majorée d'une unité par an depuis de la réforme du régime général en 1993, date à laquelle 10 années étaient prises en compte). Les salaires « portés en compte » sont indexés sur les prix à la consommation, et non sur le pouvoir d'achat.

* 11 Le régime général est complété par les régimes complémentaires obligatoires, AGIRC et ARRCO, qui fonctionnent selon la technique du « point » ; si, pour un profil de carrière identique, la prise en compte de la carrière aboutit à faire valider des salaires moins élevés que dans les régimes spéciaux publics, la base de calcul comprend l'intégralité de la rémunération, alors que les primes sont, dans l'ensemble, exclues de l'assiette de liquidation des régimes spéciaux.

* 12 Dans le régime général, le taux annuel de la décote doit être progressivement ramené de 10 % à 5 % jusqu'en 2013, au rythme de 0,5 point par an . Parallèlement, l'instauration de la décote dans les régimes de la fonction publique s'effectue progressivement de 2005 à 2020.