II. DES OPPORTUNITÉS DE RATTRAPAGE

Le contexte actuel, très ouvert et évolutif, apparaît propice à des changements de rapports de force entre concurrents. La France et l'Europe disposent dans cette situation d'un potentiel qui ne doit pas être sous-estimé.

A. Un contexte très ouvert

L'évolution actuelle des technologies d'information et de communication se caractérise, on l'a vu, par :

•  une très grande rapidité, offrant à de nouveaux acteurs des chances de succès fulgurants ;

•  une diversification des solutions de transport et de réception des signaux numériques autorisant des stratégies variées ;

•  enfin, un investissement intellectuel de plus en plus important, pour maîtriser la complexité résultant de l'hétérogénéité des offres des techniques et de la multiplication des services, qui donne toute leur chance à des P.M.E. innovantes.

1. De profondes innovations

L'irruption du multimédia et de l'informatique communicante ont entraîné de nouveaux besoins et, partant, le recours à de profondes innovations.

a) De nouveaux composants pour le multimédia

L'explosion du multimédia suppose, comme il a été montré, de nouvelles puces non seulement plus puissantes mais conçues différemment. Les futurs "média processeurs" devront pouvoir traiter simultanément les signaux afférents à l'image, au son et à d'autres données.

De plus en plus miniaturisés et puissants, on devrait les retrouver au cœur, non seulement des ordinateurs personnels, mais de toute une série de terminaux fixes ou portables (ordinateurs de réseaux, décodeurs de T.V., téléphones portables, assistants personnels numériques, etc.). Certains, cependant, estiment qu'il restera nécessaire de reporter sur le logiciel une partie des fonctionnalités de la puce, comme avec l'architecture RISC actuelle. Mais les logiciels peuvent être téléchargés.

b) Des systèmes partagés et conviviaux

Le développement de l'informatique en réseaux suppose de faire communiquer entre elles des machines hétérogènes, d'où le succès très rapide de solutions ouvertes allant dans ce sens, telles que :

•  les protocoles informatiques TCP/IP qui sont à la base du succès d'Internet ;

•  le langage Java qui permet de programmer des applications susceptibles d'être exécutées par n'importe quel terminal pourvu d'un interpréteur adéquat ;

•  des techniques "orientées objet" qui facilitent le travail sur des systèmes d'exploitation ou dans des environnements matériels différents.

La quête d'ouverture et de convivialité explique aussi l'importance des recherches menées dans les domaines tels que les connexions de machines et/ou d'applications différentes (logiciels Middleware ) ou les interfaces métaphoriques conçues pour des utilisateurs non spécialistes de l'informatique.

2. Les effets déstabilisateurs de la dynamique Internet

a) La maîtrise de la surabondance d'informations

L'explosion d'Internet a posé le problème de la maîtrise d'une masse surabondante de données susceptibles de submerger l'utilisateur. Les entreprises comme Netscape, qui ont proposé des solutions permettant de relever ce défi, ont connu un succès fulgurant.

Il reste encore à perfectionner, après les "navigateurs" et les "moteurs de recherche", les "agents intelligents" capables d'exploiter des données en les comparant, en établissant entre elles des corrélations ou en dégageant les tendances de certaines évolutions.

b) Des possibilités variées

La poursuite de l'essor d'Internet et l'utilisation des nouvelles technologies qui l'ont accompagné autorisent plusieurs scénarios :

•  soit une certaine "recentralisation" de l'informatique au niveau de serveurs de plus en plus puissants à partir desquels seraient téléchargés des logiciels dans des terminaux simplifiés (ceci pourrait être notamment le modèle des futurs Intranet d'entreprises) ;

•  soit, au contraire, des réseaux de plus en plus partagés dans lesquels chacun pourrait être à la fois client ou serveur et où la communication l'emporterait sur l'information ;

•  soit une "récupération" du Net par Microsoft et Intel intégrant des fonctions Web dans leurs logiciels et leurs microprocesseurs de façon à en renforcer la domination ;

•  soit des scénarios mixtes comportant, notamment, les trois tendances ci-dessus.

Ces différents schémas n'empêcheraient pas d'intégrer l'accès à certains services d'Internet (courrier électronique, consultation de pages Web ) dans des terminaux de plus en plus variés.

3. 3. Des chances pour tous

Cette dynamique de changement, d'ouverture et de diversification des techniques et des stratégies donne leur chance aux outsiders comme à l' establishment , aux grandes comme aux petites entreprises. Des "poids lourds" de l'électronique grand public ou de l'informatique comme IBM, NEC, Toshiba, Sony ont tiré parti des évolutions actuelles pour se renforcer ou rétablir une situation compromise.

Mais l'innovation est venue le plus souvent de P.M.E. émergentes ( start-up ) qui, soit ont réussi à croître en préservant leur indépendance (comme Netscape, Sun, Oracle), ou même à devenir gigantesques comme Microsoft, soit se sont fait absorber par plus puissantes qu'elles.

L'acquisition de start-up ayant su innover dans des technologies prometteuses est devenue une activité stratégique des grands groupes. Dans le logiciel ou dans le contenu (un serveur Web coûte à partir de 500.000 F et un jeu pour enfant peut être mis au point pour environ 400 000 F.), des réussites étonnantes sont possibles pour une mise de fonds initiale limitée.

Bien sûr, derrière la mise au point relativement peu coûteuse de logiciels parfois distribués gratuitement pour "prendre le marché, se dissimulent souvent des enjeux industriels colossaux (comme la domination du marché des serveurs et des terminaux).

Il est certes difficile aux P.M.E. de rivaliser avec des très grands dont les dépenses en recherche et développement se chiffrent en milliards annuels de francs ou de dollars. Mais l'imagination et la créativité peuvent y suppléer pour des secteurs bien ciblés. La France et l'Europe ne sont pas dépourvues d'atouts dans ce domaine.