Les blocages : ils sont encore nombreux

- Les enseignants sont encore très réservés et refusent, assez souvent encore, de consacrer un temps suffisant pour apprendre, et découvrir les satisfactions de l'usage le plus simple de l'ordinateur, qu'il s'agisse du traitement de texte et du cédérom ; ils ne sont pas pressés d'accéder au multimédia, ni de se brancher sur les réseaux ; ils invoquent des difficultés réelles : remplacement pendant le temps de formation, moments pris sur le temps libre et non rémunérés ; toutes ces raisons ont des solutions, mais elles rejoignent celles mises en avant par les autorités académiques comme celles des responsables des services ministériels concernés.

- Les réticences, voir les refus des divers échelons hiérarchiques depuis les inspecteurs départementaux jusqu'aux décideurs nationaux ; ils prennent appui sur l'absence de décision claire des ministres de l'éducation, s'abritent derrière les ordinaires et classiques prétextes : souci du budget et des personnels, intérêt discutable, non prouvé de ces nouvelles manières d'aider à l'accès aux connaissances, à la culture, investissements en ordinateurs, obligations d'en changer fréquemment, organisation délicate des stages de formation, facteurs de dépenses non prévues, recherche vaine de moyens financiers et de disponibilité. Trop rarement, par conviction ou accord discuté, s'envisagent des projets communs entre enseignants et inspecteurs.

- A ces résistances classiques s'en ajoute une autre : chaque nouveauté, matériel ou manière pédagogique ou matière à enseigner, s'ajoutent aux contenus existants ; les enseignants craignent - et on peut les comprendre ! - les couches successives devenant de véritables impedimenta.

Des ouvertures : il en existe

- Des expériences, à l'initiative d'enseignants des premiers cycles, mais aussi parfois dans le secondaire et les lycées, parfois limitées mais quelquefois très élaborées dans le projet et bien conduites à terme, ponctuent de points brillants la carte scolaire de France.

- Des incitations académiques ont le mérite de situer l'institution scolaire devant l'enjeu des TIC. La Direction des technologies nouvelles du Ministère de l'Education nationale encourage les initiatives académiques, niveau considéré comme pertinent pour mettre en oeuvre ces technologies.

Cette situation contrastée entre initiatives individuelles, académiques et blocages divers.... symbolise une insuffisante coordination ; le manque de lignes directrices générales mais précises tient, assez vraisemblablement, à l'indécision de tous les ministres de l'Éducation nationale de ces dernières années ; ils ne veulent pas imaginer le rôle de l'usage des nouveaux moyens d'accès aux connaissances. Ils n'adressent aucun signe tangible à une communauté éducative disparate dont les éléments les plus dynamiques sont vite découragés.

Ce manque d'initiative serait-il conséquence de méfiance justifiée ou d'interdit pour défendre des positions, comme au temps du "  roman de la rose ", de la naissance de l'imprimerie ou des évolutions du colportage ? Plus simplement est-ce crainte de voir s'effriter des corporatismes dépassés ?

Quoi qu'il en soit, tout retard deviendra faute : de plus en plus sensible, notamment du point de vue pédagogique, il aura des conséquences importantes dans l'organisation économique et sociale de notre pays par rapport à d'autres plus volontaires, plus décidés.

L'échec reconnu du plan informatique pour tous (IPT) en 1985 ne doit pas hypothéquer les chances d'une politique globale en matière d'informatique communicante et multimédia. Il ne peut servir de prétexte à retarder une nouvelle initiative nationale de même envergure ; les circonstances sociétales sont différentes et le matériel informatique aussi.

- Les ordinateurs ne ressemblent plus à ceux de 1985 : leur convivialité, les interfaces des " fenêtres ", l'intermédiaire de la souris, la taille et le poids des " portables " en font un matériel pratique et facile à utiliser, qu'il s'agisse du portable ou de l'ordinateur " lourd ". La familiarité d'usage peut vite s'acquérir. Alors que l'usage d'un ordinateur il y a dix ans impliquait une compétence technique en informatique... les machines d'aujourd'hui nécessitent d'abord une motivation ; l'usage a été formidablement simplifié et probablement se simplifiera-t-il encore par les avancées techniques rapides qui ne cessent de se produire.

- L'ordinateur n'est plus un outil inconnu et réservé à quelques spécialistes. Tous les supports d'information et à fortiori les supports commerciaux, en vantent l'intérêt, la nécessité : il est entré dans le paysage de la société comme la télévision ou le téléphone portable : tout le monde n'en possède pas, personne ne peut en ignorer l'existence.

- Les enseignants en poste en 1997 sont plus réceptifs que ceux de 1985 ; les promotions sortant des IUFM prennent leurs premiers postes. Surtout, ils devinent que cette évolution apparemment inéluctable, ne peut se réaliser sans que les établissements scolaires y prennent part.

- Si tous les enseignants ne sont pas aujourd'hui convaincus ni même motivés pour bouleverser leurs pratiques pédagogiques, beaucoup sentent bien le caractère irréversible de l'informatique communicante ; ils devinent de plus en plus que cette évolution ne peut pas rester à l'extérieur des établissements scolaires. Ils savent qu'à plus ou moins long terme, leur responsabilité sera engagée face à ces moyens différents d'accès aux savoirs.

Dans ce contexte, l'accueil de l'ordinateur dans le système éducatif est tout différent par rapport à 1985. A ne pas réagir, les enseignants pourraient accréditer l'idée d'une perspective américaine tendant à favoriser la scolarisation à domicile des enfants, beaucoup de parents considérant l'école plus nuisible que profitable [34] .