Chapitre II
Les démarches concurrentes du projet EPR

Une grande partie des pays engagés dans la production d'énergie nucléaire seront confrontés dans une vingtaine d'années au remplacement de leur parc et doivent d'ores et déjà commencer à réfléchir à cette perspective.

Je n'entrerai pas dans le débat sur le choix de l'énergie de remplacement car cela n'est pas l'objet de mon rapport. Je me situerai dans une perspective d'analyse scientifique des projets de réacteurs nucléaires, sans préjuger en aucune manière des choix qui seront effectués dans le domaine de la politique énergétique.

I Les démarches retenues

La plupart des projets étudiés reposent sur l'expérience acquise à travers les 6 000 années de réacteurs exploités dans le monde qui, du moins en Occident, ont permis d'atteindre un niveau de sécurité remarquable.

Toutefois, si la sûreté " absolue " est, comme la ligne d'horizon, une perspective que l'on ne peut jamais atteindre, tous les efforts doivent tendre vers cet objectif.

Aussi, la préparation du remplacement d'une partie du parc à l'horizon d'une vingtaine d'années a conduit les constructeurs et les autorités de sûreté à " penser " les centrales du futur, car il est toujours plus facile et moins coûteux d'intégrer dès la conception des dispositifs de sûreté plutôt que de les installer ultérieurement.

Deux démarches s'affrontent : la novatrice et l'évolutive.

L'approche évolutive vise à accroître les degrés de sûreté en intégrant dès la conception la protection contre la survenance d'accidents graves.

La voie de l'évolution repose sur un fondement solide dans la mesure où elle s'appuie sur l'expérience acquise dans les centrales en exploitation. Dans cette idée, et pour élever encore le degré de sûreté de la prochaine génération de réacteurs refroidis à l'eau, les recherches visent à améliorer les protections contre des événements tels que la fonte des éléments combustibles. Le projet EPR est un bon exemple de cette démarche .

Le thème de l'accident grave constitue l'un des grands thèmes d'étude dans le monde. Les chercheurs essaient de déterminer plus précisément toutes les atteintes possibles aux systèmes de confinement pour remédier, dès le stade de la conception, aux insuffisances qui ont pu être constatées, par exemple lors de l'accident de Three Miles Island. Le but ultime de ce travail est de démontrer que, sur le plan technique, aucune mesure d'urgence, telle que l'évacuation, ne devrait être nécessaire pour protéger la population, même après un accident nucléaire grave. Les conséquences d'un accident ne doivent affecter que le site lui-même et ne pas perturber la vie des populations aux alentours.

L'approche novatrice, ou révolutionnaire, conduit à privilégier des réacteurs reposant sur des procédés sensiblement différents des REP. Ils présentent des inconnues sur le plan de la technologie ou des coûts, mais permettent d'aborder différemment la question de la sûreté ou des déchets. Le projet de Carlo Rubbia, que j'ai examiné à travers mon rapport de l'an dernier, constitue un bon exemple de cette démarche.

Les partisans de cette approche novatrice partent du constat que les réacteurs évolutifs exigent des moyens techniques trop complexes qui alourdissent la tâche des opérateurs. Aussi préconisent-ils des centrales beaucoup plus simples que les REP, dont la sûreté ne dépend pas du bon fonctionnement des systèmes de sûreté et des réactions des opérateurs. Ils insistent sur la notion de passivité des systèmes qui rend impossible, par conception, une réaction nucléaire incontrôlée. Ils en concluent que ce concept nouveau de réacteur contribuerait à faire accepter le nucléaire par le public. Rien n'est moins sûr, toutefois.

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