D) Une collaboration fragile ?

Toutefois, je viens de vous décrire une coopération idéale qui, malgré des débuts difficiles, fonctionne bien, mais me paraît compromise par les accords entre le Britannique BNFL et SIEMENS. La comparaison des déclarations de M. Burkle et de M. Vignon, lors de l'audition ouverte à la presse que j'ai initiée le 4 mars 1998, me parait significative : Si M. Burkle, directeur général de SIEMENS , a déclaré :

"Dans un premier temps, la méfiance ou la défiance était de règle, c'était en 1989, je vous le rappelle, et il a fallu un peu de temps pour arriver à un véritable état de confiance mutuelle. Notre coopération aujourd'hui est fondamentalement différente de ce qu'elle était en 1989.

Lorsqu'une proposition est avancée, on ne demande plus, avant tout autre chose, s'il s'agit d'un projet ou d'une idée française ou d'une idée allemande, mais on regarde ce projet et on essaie de voir quels en sont les avantages et les inconvénients. On l'examine, on l'analyse en posant des questions très précises et, pas à pas, on en arrive à un développement commun. C'est la coopération à laquelle nous sommes arrivés depuis 1989 ; à la limite, on aurait pu aller plus vite si l'on avait procédé de façon séparée mais je crois que le caractère particulier de notre projet est que l'on franchit les particularismes régionaux et nationaux et que l'on arrive à conférer au projet un dynamisme dont on ne peut qu'espérer que, l'année prochaine, il nous permettra de dégager des résultats des travaux entrepris jusqu'à présent, et donc à passer à la réalisation de ce projet. Ce serait en quelque sorte le couronnement de notre coopération. [...]

J'aimerais également faire une ou deux remarques dans un contexte qui nous concerne plus directement, nous SIEMENS. Nous avons dit que nous entamions des négociations avec les Britanniques, que nous essayions d'engager une coopération avec eux. Or, souvent, ces tentatives que nous entreprenons avec les Britanniques sont mal comprises par la FRANCE, notamment. Pourquoi recherchons-nous une telle coopération ?

Cette coopération s'appliquerait à un domaine particulier qui est celui de la construction. Aujourd'hui, notre tâche essentielle est le développement de l'EPR. Par exemple, nous ne pouvons nous permettre les réacteurs à eau bouillante dans le domaine nucléaire que si nous accomplissons d'autres prestations de service en EUROPE, c'est-à-dire que si nous fournissons des assemblages au marché, que si nous fournissons des prestations d'ingénierie de reconstruction de centrales et cela au plan international, au plan mondial.

Ce sont autant de domaines d'activités qui existent depuis des années et qui ont fonctionné en parallèle avec le projet de développement EPR.

Tous ces travaux d'ingénierie et de construction ont permis de remplir les caisses et ont également permis de poursuivre les travaux avec FRAMATOME, parfois même en concurrence avec FRAMATOME. Autrement dit, le rapport est un peu contrasté avec FRAMATOME, ce qui n'empêche que, dans le cadre du projet EPR, la coopération ait été tout à fait excellente et, du côté de SIEMENS, nous espérons, en élargissant nos activités à un autre partenaire sur la base des activités existantes, pouvoir poursuivre néanmoins les travaux en commun avec FRAMATOME dans la même atmosphère que celle que nous sommes parvenus à établir au fil des années, et nous espérons, le moment venu, mener à bien ce projet."


M. Dominique Vignon, président de Framatome , a quant à lui souligné que : " Les alliances industrielles, les partenariats, se prêtent plutôt à des réflexions d'alcôve qu'à des grands débats publics. Cela étant, vous posez une question qui est réelle et que, je crois, il n'est pas raisonnable de traiter uniquement par la langue de bois. D'ailleurs, la façon dont vous animez ce débat, la réflexion sur le nucléaire, n'a jamais laissé place à la langue de bois.

Il est vrai que notre coopération avec SIEMENS n'inclut pas, depuis l'origine, depuis 1989, les domaines des services et du combustible. Il est donc tout à fait possible d'avoir une coopération avec un partenaire dans le domaine des réalisations nucléaires et avec un autre partenaire dans le domaine des services et du combustible. On peut même trouver des situations intermédiaires puisque, malgré le fait que notre accord avec SIEMENS n'incluait pas les services, nous coopérons dans les services et Monsieur BURKLE vient de rappeler que SIEMENS souhaite poursuivre cette coopération dans le domaine des services nucléaires, notamment dans le domaine des générateurs de vapeur vis-à-vis des pays de l'Est.

Le point néanmoins qu'on ne peut pas totalement occulter est qu'il y a une continuité dans la technologie entre la conception des réacteurs et le combustible. Le combustible est au coeur des réacteurs et il est un peu difficile de dire qu'on peut être totalement avec un partenaire dans le domaine des réacteurs et totalement avec un autre dans le domaine du combustible. Cela pose à l'évidence les questions de propriété, de savoir-faire que vous avez posées tout à l'heure.

Il est vrai - et j'ai relu avec attention le rapport que vous avez publié l'an passé à l'occasion du projet de rapprochement de FRAMATOME et de GEC ALSTHOM - qu'à cette époque, nos amis allemands avaient fait part de leurs préoccupations de voir les Britanniques un peu comme des intrus, ou des nouveaux venus tout au moins, dans le dispositif. Ces questions sont donc tout à fait réelles.

Je crois néanmoins qu'il faut les aborder avec beaucoup de sérénité et nous le ferons avec ce souci très fort qui a été dit tout au long de cette journée, et que le Président ALPHANDERY a rappelé, de l'intérêt d'un rapprochement franco-allemand, notamment de façon à être la vertèbre de l'harmonisation de sûreté franco-allemande. Ceci, j'en suis certain, demeurera et nous aurons toujours l'EPR présenté aux autorités de sûreté françaises et allemandes comme le point commun qui permettra progressivement de bâtir une sûreté européenne.

Là où la discussion aura lieu, ce sera pour savoir ce que sera effectivement cette Joint Venture entre BNFL et SIEMENS, et quel sera le poids de SIEMENS et celui de BNFL dans cette organisation. Il est légitime que SIEMENS ait besoin de faire son travail à la maison, du moins avant de nous en parler de façon précise.


Je terminerai ces propos par la continuation de votre métaphore. Au fond, l'EPR vise notamment à maintenir les compétences de l'industrie française et de l'industrie allemande ; l'industrie allemande est notre partenaire dans un certain nombre de domaines, mais peut être notre concurrent dans d'autres domaines.

Votre comparaison appliquée à cette question centrale de maintien des compétences est un peu la suivante : est-ce que l'épouse délaissée doit donner au mari infidèle l'aphrodisiaque qui lui permettra de rencontrer la maîtresse ?"


Cette dernière phrase illustre la perplexité que nous pouvons avoir sur la qualité de la coopération entre SIEMENS et Framatome.

Malheureusement, votre Rapporteur n'a pas à ce jour percé les secrets d'alcôve ...

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