Cogema transparente sur le plutonium : il suffisait de le demander

L'ordre de grandeur des stocks doit être discuté si l'on veut s'assurer de la plausibilité des chiffres affichés. A cet égard, il est intéressant de faire un parallèle entre les montants de stocks et les quantités retraitées. Ces quantités de combustibles irradiés sont indiquées dans le tableau suivant, fourni par Cogema.

Tableau 6 : quantités annuelles de combustibles retraités à UP2 et UP3 (La Hague) 17( * )

année - tonne

quantité retraitée à UP2

quantité retraitée à UP3

quantité de Mox retraité

quantité de combustible de RNR retraité

total

annuel

1976

14,6

-

-

-

14,6

1977

17,9

-

-

-

17,9

1978

38,3

-

-

-

38,3

1979

79,3

-

-

2,2

81,5

1980

104,9

-

-

1,5

106,4

1981

101,3

-

-

2,2

103,5

1982

153,5

-

-

-

153,5

1983

221,0

-

-

2,0

223,0

1984

255,1

-

-

2,1

257,2

1985

351,4

-

-

-

351,4

1986

332,6

-

-

-

332,6

1987

424,9

-

-

-

424,9

1988

345,7

-

-

-

345,7

1989

430,3

30,0

-

-

460,3

1990

331,0

195,0

-

-

526,0

1991

311,1

351,4

-

-

662,5

1992

219,9

448,0

4,5

-

672,4

1993

354,0

600,0

0,0

-

954,0

1994

575,9

700,4

0,0

-

1 276,3

1995

758,1

800,6

0,0

-

1 558,7

1996

862,0

818,9

0,0

-

1 680,9

1997

849,6

820,3

0,0

-

1 669,9

1998 (3 mois)

104,3

276,0

4,9

-

385,2

total

7 236,7

5 040,6

9,4

10,0

12 296,7

Le tableau suivant, fourni par Cogema, donne les chiffres précis relatifs à l'utilisation du plutonium issu du retraitement des réacteurs à eau légère. Ces chiffres excluent les quantités de plutonium de qualité militaire extraites par retraitement des combustibles UNGG.

Tableau 7 : fabrications, réexpéditions et stocks de plutonium provenant du retraitement à La Hague des combustibles à eau légère 18( * )

en tonnes de plutonium total

EDF

Clients étrangers

Total

Production cumulée de plutonium (76-97)

44,8

51,5

95,9

Total des expéditions pour fabrication de combustibles

28,6

22,1

50,7

Stock PuO2

16,2

29,0

45,2

Ainsi, au total, ce sont 95,9 tonnes de plutonium qui ont été fabriquées à La Hague de 1976 à 1997 par retraitement des combustibles irradiés des réacteurs à eau légère.

Ces données correspondent aux ordres de grandeur attendus. De 1976 à fin 1996, 10 241,6 t de combustibles irradiés ont été retraitées à La Hague. Or en première approximation, le plutonium issu du retraitement représente 0,9 % du tonnage retraité, ce qui représente 92 tonnes environ. Par différence, le plutonium extrait du combustible UNGG représente environ 3,7 tonnes.

Les réexpéditions se font à destination d'usines françaises ou étrangères de fabrication de combustibles. EDF a dans le passé repris une partie de son plutonium pour fabriquer du combustible pour Superphénix et Phénix et ne le fait plus que pour Phénix, ce qui représente des tonnages faibles. Le Japon continue de reprendre du plutonium pour ses RNR Joyo et Monju. Mais le débouché principal est bien entendu la fabrication de Mox.

S'agissant du plutonium provenant des combustibles EDF, la réexpédition se fait désormais vers l'usine Melox, à 100 % en 1997. Les expéditions de plutonium fabriqué à La Hague vers l'usine de Belgonucléaire à Dessel ont cessé depuis la fin 94. La part de l'usine de Cadarache s'est annulée en 1997. Le tonnage réexpédié vers Melox en 1997 a atteint 5,7 tonnes. Le tableau suivant présente l'évolution des réexpéditions de plutonium à partir de La Hague.

Tableau 8 : réexpéditions à partir de La Hague du plutonium issu du retraitement de combustibles des REP EDF vers des usines de fabrication de combustible 19( * )

tonne de Pu total

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

Belgonucléaire

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

0,2

Melox

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Cadarache

 
 
 
 

0,4

0,3

0,2

0,2

0,1

0,4

0,4

Total

 
 
 
 

0,4

0,3

0,2

0,2

0,1

0,4

0,6

tonne de Pu total

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

total

Belgonucléaire

0,9

0,9

1,2

2

1,1

0,8

1,4

0,4

 
 
 

8,9

Melox

 
 
 
 
 
 
 

0,4

2

3,5

5,7

11,6

Cadarache

0,3

0,6

 

0,5

 

0,7

0,9

0,8

2,1

0,2

0

8,1

Total

1,2

1,5

1,2

2,5

1,1

1,5

2,3

1,6

4,1

3,7

5,7

28,6

S'agissant du plutonium provenant du retraitement des combustibles étrangers, il faut signaler l'augmentation du stock entreposé à La Hague

La montée en charge de l'usine UP3 consacrée au retraitement des combustibles étrangers est en effet rapide depuis 1990. Les quantités produites ont donc augmenté rapidement. Or les réexpéditions ont été très lentes. Sur la période 1990-1997, la moyenne des tonnages réexpédiés atteint seulement 1,8 tonne par an, avec toutefois un doublement par rapport à ce chiffre en 1997. Le tableau suivant présente la chronique des réexpéditions vers l'étranger.

Tableau 9 : réexpéditions à partir de La Hague du plutonium issu du retraitement de combustibles étrangers (réacteurs à eau légère) vers des usines de fabrication de combustible


tonne de Pu total

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

Total

0,1

0

0,3

0

0,3

0,3

0,5

0,7

1

1,6

0,6

tonne de Pu total

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

total

Total

0,5

0,8

0,7

1,2

0,7

2,4

0,3

1,6

1,7

3,2

3,6

22,1

La loi du 30 décembre 1991 dispose dans son article 3 que " le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement. "

La réexpédition des verres contenant les actinides mineurs et les produits de fission est évidemment une obligation aux termes de la loi. On peut discuter du délai d'entreposage nécessaire pour la décroissance de leur charge thermique et radioactive. Pour le plutonium, les délais imposés par le retraitement sont courts. Au contraire d'imposer une attente, une bonne gestion technique du plutonium exige une réutilisation rapide, faute de quoi le plutonium s'empoisonne, du fait de la décroissance radioactive - spontanée du plutonium 241 qui se transforme en américium 241 avec une période de 14,4 années.

On conçoit bien le manque d'ardeur des clients étrangers à rapatrier leur plutonium. En réalité, ce sont plutôt les autorités politiques qui n'encouragent pas les retours, notamment en période d'élections. Le respect de la loi de 1991 commande que des calendriers clairs de réexpédition soient adoptés et respectés. Les retards risqueraient de ne jamais être rattrapés et La Hague n'a pas vocation à être un entrepôt de plutonium, ni pour EDF, ni pour les clients étrangers de Cogema.