5.2. remettre à l'honneur la rationalisation des choix d'investissement

L'analyse de la rentabilité de dépenses de recherche est un exercice par essence délicat. La recherche a pour but d'ouvrir de nouvelles voies et pour ce faire, il est indispensable d'investir des moyens dans des travaux dont on ne peut savoir à l'avance s'ils déboucheront sur des résultats valorisables.

L'évaluation économique directe des efforts conduits pour l'application de la loi de 1991 est d'autant plus difficile que l'on se trouve actuellement à mi-parcours du temps imparti. De surcroît, la pratique française dans la recherche et le développement sont souvent de considérer le chiffrage a priori des dépenses nécessaires et l'évaluation a posteriori de leur utilité comme une question d'intendance sans intérêt par rapport aux progrès à apporter à la connaissance.

C'est pourquoi, bien qu'ils aient trouvé, auprès de leurs interlocuteurs, le meilleur accueil à leurs demandes de précisions budgétaires, vos Rapporteurs ne se risqueront pas dans le cadre du premier tome de ce rapport à donner des chiffres définitifs, c'est-à-dire précis et exhaustifs, sur les dépenses actuellement faites. Mais quelques ordres de grandeur peuvent néanmoins être fournis, en précisant qu'il s'agit de données fragmentaires et dont les bases nécessiteraient d'être explicitées et vérifiées.

Le tableau suivant donne à cet égard les coûts de fonctionnement et d'investissement approximatifs de quelques programmes relatifs à la loi de 91.

Tableau 50 : éléments financiers relatifs aux recherches sur l'aval du cycle

installation

fonctions-modalités

budget annuel

coût d'investissement - études et construction

Axe 1 : séparation- transmutation

budget CEA

recherches sur la séparation et la transmutation

359 millions de F (1998)

90 millions de F (1998)

Atalante

laboratoire de recherche et développement de procédés sur la séparation

une part substantielle du budget CEA axe 1 correspond aux travaux conduits les 212 chercheurs

investissement cumulé de 1,5 milliard de F sur la période 1984-1998

investissements additionnels de 0,6 milliards sur la période 1996-2008

démonstrateur européen de réacteur hybride

réacteur spécialisé dans les études sur la transmutation

nd

2 à 3 milliards de F, dont 50 % à la charge de la France 111( * )

réacteur Jules Horowitz

réacteur d'irradiation pour la recherche adapté aux études sur la transmutation

nd

¼ du montant total d'un investissement de 2 à 3 milliards de F 112( * )

Axe 2 : stockage profond réversible ou irréversible

budget CEA

 

113 millions de F (1998)

8 millions de F (1998)

budget Andra

 

323 millions de F (1997)

 

Laboratoires souterrains de l'Andra sur les 3 sites de Bure, Marcoule et La Chapelle-Bâton

laboratoires d'étude du stockage réversible ou irréversible en couches géologiques

728 millions de F par an en moyenne sur la période 1998-2006 pour les 3 laboratoires

2,694 milliards de F

Axe 3 : conditionnement et entreposage de longue durée en surface ou en sub-surface

budget CEA

conditionnement et entreposage en surface

298 millions de F (1998)

31 millions de F (1998)

base de référence : Cascad - CEA Cadarache

entreposage à sec de combustibles usés

capacité :

durée de vie : 50 ans

8 millions de F (frais de personnel inclus)

100 millions de F

base de comparaison : CLAB (Suède)

entreposage en sub-surface de combustibles irradiés

capacité : 8000 tonnes de métal lourd

durée de vie : 60 ans

9,3 millions de F par an

5, 5 milliards de F

400 millions de F prévus pour le démantèlement

Ces éléments partiels doivent être mis en regard des évaluations globales dont on dispose sur le coût de l'aval du cycle. Selon certaines sources, au demeurant bien peu nombreuses, l'ordre de grandeur du coût d'investissement pour l'aval du cycle serait pour les quatre prochaines décennies de la centaine de milliards de francs. La marge d'incertitude serait très grande, dépendant des options qui seront ouvertes par la recherche. Les incertitudes majeures sont les suivantes : l'ouverture ou non d'un centre de stockage en profondeur, le renouvellement ou non des installations de La Hague, la construction ou la non-construction de réacteurs d'incinération des actinides mineurs. La base de référence reste toutefois le coût de production des 400 TWh produits annuellement en France, qui est aussi de l'ordre de la centaine de milliards de F.

On estime à l'heure actuelle que le coût de gestion de l'aval du cycle représente 5 à 10 % du coût du kilowattheure. Avec une gestion intégrée et complète de l'ensemble du cycle, la dépense devrait passer à environ 20 % du coût total.

Ce coût est évidemment à comparer à celui de la gestion des déchets produits dans d'autres filières énergétiques.

On ne dispose évidemment pas, pour le moment, de chiffres relatifs au coût de la nuisance occasionnée par le gaz carbonique. Ce chiffrage essentiel pour évaluer la compétitivité globale de l'électricité nucléaire reste à faire et restera sans doute longtemps dans l'ombre, compte tenu de la puissance des intérêts pétroliers en jeu.

La seule base de comparaison dont on peut faire état est celle du coût de désulfuration d'une centrale thermique à charbon qui est de l'ordre de 10 à 20 % du coût du kWh produit. L'aval du cycle nucléaire représenterait donc une dépense d'un ordre de grandeur parfaitement acceptable.

En tout état de cause, vos Rapporteurs estiment que des études économiques complètes doivent désormais être inscrites au premier rang des priorités de tous les acteurs de l'aval du cycle, et bien entendu, souhaitent les encourager.