Rapport d'information n° 218 (2000-2001) de MM. Henri REVOL et Jacques VALADE , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 7 février 2001

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N° 218

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 février 2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la sécurité d'approvisionnement en énergie de l'Union européenne , présenté au nom du groupe d'études de l'énergie (2),

Par MM. Henri REVOL et Jacques VALADE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

(2) Ce groupe d'étude est composé de : MM. Henri Revol, président ; Jacques Valade, Jean Faure, Jean Besson, Georges Berchet, Ladislas Poniatowski, Jean-François Le Grand, vice-présidents ; Pierre Hérisson, Jacques Bellanger, Roland du Luart, Pierre Lefebvre, Gérard César, secrétaires ; Philippe Adnot, Louis Althapé, Pierre André, Claude Belot, André Bohl, Jean Boyer, Louis Boyer, Auguste Cazalet, Michel Doublet, Hubert Durand-Chastel, Jean-Paul Émin, Jean-Paul Émorine, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Serge Godard, Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Mme Anne Heinis, MM. Rémi Herment, Jean Huchon, Lucien Lanier, Edmond Lauret, Henri Le Breton, Serge Lepeltier, Serge Mathieu, Gérard Miquel, Aymeri de Montesquiou, Philippe Nachbar, Lucien Neuwirth, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Piras, Jean-Marie Poirier, André Rouvière, Michel Souplet, René Trégouët, François Trucy, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Xavier de Villepin.

Énergie.

Mesdames, Messieurs,

La Commission des Communautés Européennes vient de publier - à l'initiative du Commissaire, Mme Loyola de PALACIO - un Livre Vert intitulé " Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique ".

Ce document ouvre la possibilité d'un débat voulu le plus large possible sur la nécessaire stratégie énergétique que l'Europe doit définir rapidement pour les décennies prochaines.

En effet, la dépendance énergétique de l'Europe est une réalité actuelle que personne ne peut contester et elle ne pourra que s'accroître.

L'initiative de la Commission Européenne est particulièrement intéressante et courageuse, le document de grande qualité. Il a en effet le mérite de bien poser les termes du débat sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique et d'analyser les différents aspects des problèmes soulevés.

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* *

Ce Livre Vert poursuit une réflexion analogue à celle que le Sénat avait menée en créant une commission d'enquête sur la politique énergétique de la France dont le rapport 1 ( * ) rendu public en mai 1998 et intitulé : " Politique énergétique : passion ou raison ? ", concluait que l' indépendance énergétique devait rester une priorité et qu'elle nécessitait une politique garantissant à la fois la sécurité d'approvisionnement, le respect de l'environnement dans le cadre des engagements internationaux et la compétitivité des entreprises.

Ses conclusions sont aujourd'hui confirmées par la récente crise pétrolière qui est venue rappeler l'importance de l'énergie pour la croissance économique.

Il convient de rappeler qu'à la suite du premier choc pétrolier, le Sénat avait décidé de créer un groupe d'études permanent, chargé de suivre les questions énergétiques. Ce groupe d'études, rattaché à la commission des Affaires économiques et du plan, a souhaité participer au débat ainsi ouvert par le biais d'une contribution écrite répondant au questionnaire de la Commission européenne.

Cette réflexion a été menée par MM. Henri REVOL, Président, et Jacques VALADE, Vice-Président du groupe d'études, qui ont procédé à une large consultation de l'ensemble des professionnels du secteur de l'énergie 2 ( * ) et se sont rendus à Bruxelles où ils ont rencontré des représentants de la Commission.

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Le groupe d'études de l'énergie apprécie l'initiative de la Commission européenne dont il salue la qualité des travaux et le courage. Les acteurs du secteur énergétique français consultés ont confirmé le caractère remarquable des analyses du Livre vert ainsi que la pertinence et la sagacité des considérations de la Commission.

Dans un contexte de mondialisation, d'ouverture à la concurrence et de progrès techniques pour la production d'électricité, force est de constater que l'objectif de sécurité d'approvisionnement énergétique a été parfois perdu de vue . Toutefois, à la lumière de la crise pétrolière de l'automne dernier et de la volatilité des prix du pétrole et du gaz, cet objectif retrouve une forte actualité.

C'est d'ailleurs ce qui ressort d'un sondage d'opinion que le ministère français de l'économie et des finances a fait réaliser en juin 2000 par le CREDOC, sur le thème : " Vous paraît-il possible qu'en France se produise une rupture d'approvisionnement en pétrole, gaz, électricité ? " Les résultats montrent que ce risque est très présent dans les esprits : pour 49 % de la population s'agissant du pétrole, pour 30 % en ce qui concerne le gaz et pour 21 % en ce qui concerne l'électricité (l'influence des tempêtes de décembre 1999 se ressentant nettement dans ce chiffre où le taux de personnes inquiètes est plus élevé dans les zones touchées).

Les auteurs du rapport se sont efforcés de respecter le cadre de la consultation lancée par la publication du Livre Vert, en répondant strictement aux questions formulées en conclusion de ce texte.

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* *

Lors de sa réunion du 6 février 2001, la commission des Affaires économiques et du Plan a entendu la communication de M. Jacques VALADE, au nom du groupe d'études de l'énergie, sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans le cadre communautaire.

Elle a décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication de la contribution du groupe d'études au débat ouvert par le Livre Vert de la Commission européenne sur la stratégie européenne dans ce domaine, à la suite des travaux menés par MM. Henri REVOL et Jacques VALADE, sous la forme d'un rapport d'information.

SYNTHESE DU LIVRE VERT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE :

"VERS UNE STRATÉGIE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ D'APPROVISIONNEMENT ÉNERGÉTIQUE"

L'Union européenne consomme de plus en plus d'énergie et importe de plus en plus de produits énergétiques. La production communautaire est insuffisante pour assurer les besoins énergétiques de l'Union. Ainsi, la dépendance énergétique externe est en croissance continue.

La hausse brutale des prix pétroliers qui pourrait saper la reprise de l'économie européenne que provoque le triplement du prix du pétrole brut, observé depuis mars 1999, révèle une fois encore les faiblesses d'approvisionnement énergétiques structurelles de l'Union européenne que sont le taux croissant de la dépendance énergétique de l'Europe, le rôle du pétrole en tant que prix directeur de l'énergie ainsi que les résultats décevants des politiques de maîtrise de la consommation. L'Union européenne ne saurait s'émanciper de sa dépendance énergétique croissante sans une politique énergétique active.

Si rien n'est entrepris, d'ici 20 à 30 ans, l'Union couvrira ses besoins énergétiques à 70 % par des produits importés contre 50 % actuellement. La dépendance se reflète dans tous les secteurs de l'économie. Ainsi, les transports, le secteur domestique et l'électricité sont largement tributaires des hydrocarbures et à la merci des variations erratiques des prix internationaux. L'élargissement va accentuer ces tendances. Les conséquences de la dépendance sont importantes en termes économiques. Elles représentent, en 1999, 240 milliards d'euros soit 6 % des importations totales et 1,2 % du PNB. En termes géopolitiques, 45 % des importations de pétrole proviennent du Moyen-Orient et 40 % des importations de gaz naturel de Russie. Or, l'Union européenne ne dispose pas encore de tous les moyens permettant d'infléchir le marché intemational.

La stratégie à long terme de sécurité des approvisionnements énergétiques de l'Union européenne doit viser à assurer, pour le bien être des citoyens et le bon fonctionnement de l'économie, la disponibilité physique et continue des produits énergétiques sur le marché, à un prix accessible à tous les consommateurs (privés et industriels) dans le respect des préoccupations environnementales et la perspective du développement durable que s'est assignée le Traité de l'Union européenne (article 2 et 6).

La sécurité d'approvisionnement ne vise pas à maximiser l'autonomie énergétique ou à minimiser la dépendance mais à réduire les risques qui seraient liés à celle-ci. Parmi les objectifs à poursuivre figurent l'équilibre et la diversification des différentes sources d'approvisionnement (par produits et par régions géographiques) et l'adhésion des pays producteurs à l'OMC.

Aujourd'hui, l'Union européenne doit faire face à de nouveaux défis caractéristiques d'une période de transition profonde de l'économie européenne.

Dans la décennie à venir, des investissements énergétiques tant de remplacement que pour répondre à des besoins énergétiques croissants, imposent aux économies européennes d'opérer des arbitrages entre les produits énergétiques, qui conditionneront, en raison de l'inertie des systèmes énergétiques, les 30 années suivantes.

Les choix énergétiques de l'Union européenne sont conditionnés, par le contexte mondial, par l'élargissement à peut-être 30 Etats membres aux structures énergétiques différenciées, mais principalement par le cadre nouveau de référence du marché de l'énergie : la libéralisation du secteur et les préoccupations environnementales.

Les préoccupations environnementales, aujourd'hui partagées par la majorité de l'opinion publique, que constituent les dommages causés par la chaîne énergétique - qu'ils soient d'origine accidentelle (marée noire, accident nucléaire, fuites de méthane) ou liés aux émissions polluantes ont mis en exergue les faiblesses des combustibles fossiles et les difficultés de l'énergie nucléaire. Quant à la lutte contre le changement climatique, c'est un défi. Le changement climatique est un combat à long terme pour la communauté intemationale. Les objectifs fixés dans le protocole de Kyoto ne sont qu'un première étape. L'Union européenne a stabilisé ses émissions de gaz à effet de serre en 2000, mais au-delà, ils sont en augmentation dans l'Union comme dans le reste du monde. L'inversion des tendances est bien plus ardue qu'il n'a pu sembler il y a trois ans. Le retour à une croissance économique soutenue, de part et d'autre de l'Atlantique et en Asie, ainsi que l'évolution de la structure de notre consommation énergétique, principalement celle de l'électricité et des transports, conséquence de notre mode de vie, contribue à l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre et du dioxyde de carbone en particulier. Cette situation est un frein majeur à une politique protectrice de l'environnement.

Par ailleurs, la réalisation du marché intérieur de l'énergie accorde une place et un rôle nouveaux à la demande. Des tensions nouvelles apparaissent, auxquelles nos sociétés devront trouver des compromis viables: la baisse des prix de l'électricité contrecarre les politiques d'encadrement de la croissance de la demande et la lutte contre le changement climatique ; la concurrence introduite par le marché intérieur change les conditions de concurrence des différentes filières énergétiques (charbon, nucléaire, gaz naturel, pétrole, renouvelables).

Aujourd'hui, les Etats membres sont interdépendants tant pour les questions de lutte contre le changement climatique que par la réalisation du marché intérieur de l'énergie. Toute décision de politique énergétique prise par un Etat membre aura inévitablement un effet récurrent sur le fonctionnement du marché dans les autres Etats membres. La politique énergétique a pris une dimension communautaire nouvelle sans que cela se traduise dans des compétences communautaires nouvelles. Dans ce contexte, il convient d'analyser l'opportunité d'appréhender la politique énergétique européenne autrement que par le biais du marché intérieur, de l'harmonisation, de l'environnement ou de la fiscalité. L'Union européenne doit mieux maîtriser son destin énergétique. Force est de constater, qu'en dépit des différentes crises qui ont émaillé l'économie européenne des trente dernières années, il n'y pas eu de véritable débat sur les choix des filières et encore moins de politique énergétique dans le contexte de la sécurité d'approvisionnement. Aujourd'hui, la double pression des préoccupations environnementales et du nouveau fonctionnement du marché européen de l'énergie rend ce débat inévitable. La crise, depuis 1999, des prix pétroliers, lui donne un caractère d'urgence.

Ce débat doit s'engager en tenant compte que la consommation énergétique actuelle est couverte pour 41 % de pétrole, 22% de gaz naturel, 16 % de combustibles solides (charbon, lignite, tourbe) , 15 % de nucléaire et 6 % de renouvelables. Si rien n'est entrepris, le bilan énergétique continuera à l'horizon 2030, à s'appuyer sur les combustibles fossiles : 38 % de pétrole, 29 % de gaz naturel, 19 % de combustibles solides, et à peine 6 % de nucléaire et 8 % de renouvelables.

Le Livre vert esquisse le schéma d'une stratégie énergétique à long terme selon lequel :

- l'Union doit rééquilibrer la politique de l'offre par des actions claires en faveur d'une politique de la demande. En effet, les marges de manoeuvre sur un accroissement de l'offre communautaire sont faibles au regard des besoins alors que celles sur la demande apparaissent plus prometteuses.

- au regard de la demande, le Livre vert appelle à un véritable changement des comportements des consommateurs, il met en lumière l'intérêt de l'instrument fiscal en vue d'orienter la demande vers des consommations mieux maîtrisées et plus respectueuses de l'environnement. Des prélèvements fiscaux ou parafiscaux sont préconisés en vue de pénaliser l'impact environnemental des énergies. Les secteurs des transports et du bâtiment devront faire l'objet d'une politique active d'économie d'énergie et de diversifications en faveur des énergies non polluantes.

Au regard de l'offre, priorité doit être donnée à la lutte contre le réchauffement climatique. Le développement des énergies nouvelles et renouvelables (y compris des biocarburants), est la clé du changement. Doubler leur part de 6 à 12 % dans le bilan énergétique et passer de 14 à 22 % pour la production d'électricité est un objectif à atteindre d'ici 2010. Dans les conditions actuelles, elles stagneront aux alentours de 7 % dans 10 ans. Seules des mesures financières (aides d'Etat, déductions fiscales, soutien financier) pourraient seconder un but aussi ambitieux. Parmi les pistes à explorer, on pourrait envisager que les énergies rentables (pétrole, gaz, nucléaire) financent le développement des énergies renouvelables qui n'ont pas bénéficié, à l'instar des autres énergies conventionnelles, d'appuis conséquents.

La contribution à moyen terme du nucléaire doit faire, à son tour, l'objet d'une analyse. Parmi les éléments qui feront certainement partie du débat figureront la décision de la plupart des Etats membres de se désengager de la filière, la lutte contre le réchauffement climatique et la sécurité des approvisionnements ainsi que le développement durable. Nonobstant les conclusions de cette réflexion, la recherche sur les technologies de gestion des déchets et mises en oeuvre pratiques dans les conditions optimales de sécurité doivent être activement poursuivies.

Pour les hydrocarbures, caractérisés par des importations croissantes, il convient de prévoir un dispositif renforcé de stocks stratégiques et également de prévoir de nouvelles routes d'importations.

Toute avancée technologique viendra renforcer les effets de cette nouvelle esquisse de stratégie énergétique.

L'analyse menée par le présent Livre vert entend montrer, de la façon la plus objective, que les marges de manoeuvre de l'Union européenne sur l'offre d'énergie sont réduites. Elle entend aussi démontrer, sans parti pris, que les efforts importants qu'il faut consentir en faveur des sources d'énergie renouvelables resteront, malgré tout, limités face à la croissance de la demande. La place des énergies conventionnelles demeure pour longtemps encore incontournable. L'effort devra porter sur l'orientation de la demande énergétique r espectueuse des engagements de Kyoto et soucieuse de la sécurité des approvisionnements.

Quelles mesures concrètes peuvent être prises en dehors des pétitions de principes ? Tel est le thème sur lequel le Livre vert souhaite engager un débat, en particulier à partir de la douzaine de questions qui concluent le document et qui, pour la facilité du lecteur, sont reprises ci-dessous.

Question n° 1

L'Union européenne peut-elle accepter une augmentation de sa dépendance vis-à-vis de sources extérieures d'énergies sans compromettre la sécurité d'approvisionnement et la compétitivité européenne ? Sur quelles sources d'énergie conviendrait-il, le cas échéant, d'envisager une politique d'encadrement des importations ? Dans ce contexte, faut-il privilégier une approche économique : le coût de l'énergie, ou géopolitique : le risque de rupture d'approvisionnement ?

Le Livre Vert de la Commission est né du constat de la dépendance énergétique de l'Union européenne qui couvrira ses besoins énergétiques à 70 % par des ressources importées contre 50 % actuellement, si aucune mesure n'était mise en oeuvre pour inverser cette tendance.

Or la croissance future de la demande énergétique européenne reposant sur les besoins en électricité et les transports portera, si rien n'est fait, presque exclusivement sur les combustibles fossiles. Compte tenu de la répartition de leurs réserves, cela entraînera une dépendance accrue envers un petit nombre de producteurs. Il existe donc un risque qu'à moyen terme l'Union européenne dépende fortement de l'extérieur pour son approvisionnement en énergie, particulièrement dans le domaine des énergies fossiles, avec tous les inconvénients que cela comporte en termes de contraintes économiques et environnementales.

Le groupe d'études de l'énergie tient à réaffirmer, comme l'avait fait la commission d'enquête du Sénat en 1998, que l'objectif d'indépendance doit guider les choix énergétiques, tant au niveau communautaire que national. Il considère donc que l'Union européenne ne peut accepter cette augmentation de sa dépendance et il propose de limiter cette dernière, faute de pouvoir la réduire, à son niveau actuel, soit environ 50 % à l'horizon 2020 . Cette limite constituerait un compromis tenant compte de l'augmentation de la consommation énergétique liée à la croissance et de la nature des sources d'énergie.

De quelle façon peut-on se mettre en situation de respecter cet objectif, compte tenu des taux de croissance économique prévisibles de l'Europe élargie ? Eventuellement par la diversification des approvisionnements et la nature des ressources.

Le groupe de l'énergie considère en effet que tout l'éventail des ressources énergétiques doit être ouvert et que toutes les sources d'énergie doivent pouvoir contribuer à l'indépendance énergétique , qu'il s'agisse du pétrole ou du gaz, du nucléaire, du charbon ou du lignite, de l'hydraulique ou des énergies renouvelables. C'est ce qu'a fait la Commission en examinant avec pertinence la situation de chaque source d'énergie.

Le groupe d'études partage l'analyse de la Commission selon laquelle les efforts pour réduire la dépendance énergétique de l'Union européenne passeront avant tout par l'accroissement de la production d'énergie européenne non fossile et le contrôle de la consommation énergétique . C'est sur ce plan que doivent porter en priorité les efforts. Mais il considère qu'il appartient à chaque Etat de choisir sa voie pour contribuer à la réalisation des objectifs fixés par la Commission, en gardant sa liberté de choix (par exemple prééminence du nucléaire pour la France, du lignite pour l'Allemagne, du charbon pour la Pologne ou du gaz pour la Grande-Bretagne...).

Il paraît en effet difficile d'imposer des limites à la souveraineté de chaque Etat membre sur la part qu'il entend consacrer à chaque énergie dans son bilan.

Cette démarche a été celle de la France lorsque notre pays a décidé, à la suite du premier choc pétrolier, de réduire sa dépendance énergétique en diversifiant ses importations de pétrole et de gaz, notamment pour réduire la part du Moyen-Orient, en développant l'énergie nucléaire et en valorisant ses ressources hydroélectriques. Le taux d'indépendance énergétique est ainsi descendu au-dessous de la barre des 50 %.

Cela montre bien que si chaque Etat membre s'efforçait, par une attitude volontariste, de respecter un objectif fixé par l'Union européenne, l'augmentation de la dépendance énergétique collective pourrait être limitée.

Le groupe d'études suggère sur cette base qu'un bilan soit établi par la Commission européenne tous les trois ans, afin de faire le point sur le respect de ces engagements et, le cas échéant, d'inciter instamment les Etats membres à rectifier le tir.

Dans ce contexte, le Livre Vert s'interroge sur l'opportunité d'envisager une politique d'encadrement des importations.

La mise en place d'une telle politique ne paraît pas opportune au groupe de l'énergie du Sénat dans le nouveau cadre de déréglementation instauré au sein de l'Union européenne. En effet le développement du commerce international se concilie mal avec une limitation réglementaire des importations aboutissant à un repli sur soi de l'Union européenne. Il est préférable de laisser aux entreprises du secteur énergétique une marge de manoeuvre importante dans leur approvisionnement.

Un encadrement des importations serait en outre de nature à fausser complètement l'équilibre des marchés énergétiques à peine libéralisés. Il est préférable de laisser jouer les marchés et de garantir les intérêts des acteurs industriels européens dans un contexte de concurrence internationale forte, en mettant en oeuvre les conditions favorables à leur développement et à leur croissance à l'étranger. Il est important de voir se développer de grands acteurs mondiaux d'origine européenne dans le domaine de l'énergie.

Cependant le groupe d'études considère qu'il ne faut pas privilégier la seule approche économique du coût de l'énergie qui pourrait conduire, par exemple, à favoriser le tout-nucléaire et interdirait le développement des autres énergies et notamment des renouvelables. Il mesure par ailleurs que des considérations géopolitiques interviennent dans les relations avec les pays producteurs (cf. réponse question n° 4).

L'approche ne doit donc être ni totalement économique, ni seulement géopolitique. Le groupe d'études de l'énergie prône dans ce domaine le " ni-ni énergétique " !

Question n° 2

La réalisation d'un marché intérieur européen, de plus en plus intégré, dans lequel les décisions prises dans un Etat ont une incidence dans les autres Etats, n'implique-t-elle pas une politique cohérente et coordonnée au niveau communautaire ? Quels devraient être les éléments d'une telle politique et la place des règles de concurrence ?

La question de la cohérence et de la coordination de la politique énergétique au niveau communautaire, et plus généralement de la répartition des compétences en ce domaine entre institutions européennes et Etats membres, doit être certes posée dans le contexte de réalisation du marché intérieur, mais en prenant également en considération l'ensemble des objectifs, défis et données de cette politique.

S'agissant du marché intérieur , les institutions européennes doivent veiller à son bon fonctionnement et à son effectivité.

Par certains aspects, celui-ci contribuera à la sécurité d'approvisionnement énergétique grâce à la multiplicité des échanges et des acteurs, à la fluidité du marché, à la diversification des moyens de production qu'il doit induire.

Quand l'éligibilité (conçue comme la possibilité de choisir son fournisseur) concernera le consommateur domestique, pourront se développer au niveau décentralisé les nouveaux moyens de production d'électricité du type : cogénération, turbine à gaz, hydraulique de petite taille, qui pourront bénéficier des économies de réseau, constituant de ce fait une nouvelle étape dans la sécurité d'approvisionnement.

Dans cette perspective, si les Etats membres doivent continuer à jouir d'une certaine marge de manoeuvre dans les modalités d'instauration de la concurrence, il appartient à la Commission européenne de veiller à ce que les règles soient transposées dans leur totalité, dans les délais impartis et que leur mise en oeuvre par les Etats permette une ouverture effective , même si elle est progressive, des marchés .

A cet égard, deux points particuliers méritent d'être soulignés :

- L'Union européenne doit veiller à l'harmonisation des modes de régulation mis en place par les Etats membres (existence et indépendance des régulateurs, périmètre de leurs compétences et de leurs pouvoirs...) et inciter les autorités de régulation nationales à coordonner leur actions avec leurs homologues européennes, au-delà de l'Association européenne actuelle.

- Les délais de transposition des directives devraient être mieux respectés par les Etats membres (et, dans ce domaine, on ne peut pas dire que la France donne l'exemple...). A cet égard, la proposition de loi constitutionnelle qui vient d'être déposée par notre collègue Aymeri de MONTESQUIOU, s'avère très intéressante en ce qu'elle prévoit l'inscription automatique des textes de transposition à l'ordre du jour des assemblées, ceci six mois au moins avant l'expiration du délai fixé pour la transposition. Une telle décision, qui relève bien sûr de la souveraineté nationale, aurait pour avantage de ne pas continuer à soumettre par trop les avancées communautaires aux aléas des agendas électoraux des uns ou des autres.

• Par d'autres aspects, la libéralisation pourrait à l'inverse menacer la sécurité d'approvisionnement , si elle se traduisait par des déséquilibres trop marqués entre les différentes sources d'énergie disponibles et, en particulier, si elle conduisait à trop privilégier le court terme au détriment du long terme.

Aussi la réalisation du marché intérieur et sa coordination au niveau communautaire ne doivent-elles pas conduire à supprimer toute latitude des Etats membres pour déterminer leurs propres choix en matière énergétique et les inscrire dans la durée, comme cela a déjà été évoqué plus haut.

C'est pourquoi, s'il faut incontestablement rechercher une meilleure coordination de la politique énergétique européenne, celle-ci doit permettre aux Etats membres de choisir les moyens leur permettant d'assurer la meilleure diversité des sources d'approvisionnement et des modes de production , gage de sécurité. La diversité des situations géographiques, des richesses naturelles, des histoires économiques, des cultures et de la sensibilité des opinions publiques, plaide également pour laisser ce rôle important aux Etats.

Le groupe d'études estime que l'Union européenne devrait tout particulièrement analyser les causes de la crise énergétique que connaît aujourd'hui la Californie et en tirer les enseignements, au titre d'un utile "contre-exemple" de dérégulation ratée.

Il semble, à première vue, que les acteurs du secteur énergétique californien aient été mis en situation d'échec, en raison d'une conjonction de facteurs et contraintes inconciliables :

- une hausse de la demande d'électricité de 30 % ;

- l'achat d'énergie au jour le jour, à l'exclusion de contrat d'achats à long terme, dans un contexte de hausse des prix de gros de l'électricité liée à cette augmentation de la demande ;

- un blocage réglementaire des tarifs à la consommation jusqu'en 2002 ;

- une trop faible augmentation des capacités de production (seulement 5 %) et des moyens de transmission (+ 18 %), inadaptée à l'évolution de la demande.

Cette faillite du système californien doit être méditée. Le groupe d'études estime qu'il appartient à l'Europe de promouvoir un modèle qui permette de concilier l'ouverture du marché énergétique à la concurrence, la prise en compte des enjeux de long terme et la sécurité d'approvisionnement.

Il appartient aux institutions communautaires, en coordination avec les Etats membres, de veiller à ce que l'offre s'adapte à l'évolution de la demande, sur brève comme sur longue période.

À cet égard, la directive sur l'électricité va dans le bon sens puisqu'elle a permis à la France, dans sa loi de transposition, de prévoir la programmation pluriannuelle des investissements et d'imposer au réseau de transport de l'électricité (RTE) la fourniture d'un schéma de développement du réseau.

Entre le monopole du marché et la dérégulation sans borne, une troisième voie plus équilibrée doit être trouvée, que doit continuer à poursuivre l'Union Européenne.

L'Union européenne dispose d'ores et déjà de nombreux leviers pour agir à la fois sur la demande et sur l'offre énergétique . En effet, si l'énergie n'est pas une politique commune au sens du Traité des Communautés européennes, la politique énergétique est cependant directement adossée à d'autres politiques communes qui l'influencent très directement : environnement, marché unique et politique de la concurrence, harmonisation fiscale, politique des transports, politique de recherche, politique étrangère et de sécurité commune...

En réalité, il convient d'assurer prioritairement la cohérence et la coordination de l'ensemble de ces politiques communes . Tel ne semble pas toujours être le cas aujourd'hui et le Livre Vert a pour grand mérite de faire prendre mieux conscience de cette nécessité.

S'agissant de la répartition des compétences , de façon schématique :

- la Commission européenne est dans son rôle lorsqu'elle se préoccupe de sécurité d'approvisionnement, de fixation des objectifs, lorsqu'elle favorise le développement de la concurrence et des grandes infrastructures de transport de l'énergie, joue un rôle de régulateur des grands équilibres, définit un cadre de cohérence entre les politiques de l'offre et de la demande à mettre en oeuvre pour satisfaire les engagements internationaux de l'Union européenne, prépare l'avenir sur les technologies de production du futur...;

- en revanche, elle devrait laisser aux Etats membres le soin de piloter leur politique énergétique avec les différentes options d'offre et de fixer les moyens d'atteindre les objectifs communautaires.

Dans tous les cas, sécurité d'approvisionnement et diversité énergétique étant indissociables, il est indispensable que l'Union européenne oeuvre à la prise en considération de l'ensemble des options. Toutes les énergies seront utiles, mais le choix du "mix énergétique" ne peut, dans le respect de certains objectifs fixés au niveau communautaire , relever que de la décision de chaque Etat . C'est aussi dans cette perspective que doivent être envisagées les règles de concurrence et celles relatives aux aides d'Etat.

A cet égard, la politique de concurrence dans le domaine énergétique doit permettre - comme il a été précisé dans la réponse à la question n° 1 - aux grands opérateurs européens de s'affirmer sur la scène mondiale, en tenant compte de la réalité du paysage énergétique international . Celui-ci étant dominé par quelques grands acteurs (en particulier dans le domaine des énergies fossiles), l'Europe a tout intérêt à compter sur ses propres entreprises d'envergure internationale si elle veut peser un minimum sur son avenir.

Question n° 3

La fiscalité et les aides d'Etat dans le domaine de l'énergie sont-elles ou non un obstacle à la compétitivité dans l'Union européenne ? Face à l'échec des tentatives d'harmonisation de la fiscalité indirecte, ne conviendrait-il pas de procéder à une remise à plat spécifique à l'énergie compte tenu notamment des objectifs énergétiques et environnementaux ?

Par les distorsions qu'elles induisent dans la fixation des prix, la fiscalité et les aides d'Etat peuvent fausser la concurrence, en orientant la demande vers telle énergie plutôt que telle autre. Tel peut être le but recherché en vue de satisfaire aux objectifs environnementaux ou de sécurité d'approvisionnement. Elles ne doivent cependant pas entraver la compétitivité des entreprises européennes qui opèrent, le plus souvent, sur un marché mondial.

• Au sein même de l'Union européenne, l'harmonisation de la fiscalité énergétique est indispensable .

Le secteur où le besoin d'harmonisation et de cohérence est le plus criant est celui des accises et des diverses taxes fiscales nationales sur les carburants.

Les règles actuelles, notamment pour la fixation des minima communautaires en matière de fiscalité des carburants, sont trop lâches. En outre, la fiscalité pétrolière aboutit trop souvent -en particulier en France- à des aberrations.

En effet, l'écart de taxation entre les différents carburants routiers déstabilise l'industrie du raffinage. La France, par exemple, connaît le différentiel de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) entre le super sans plomb et le gazole le plus important de l'Union européenne, qui a conduit à un taux de diésélisation du parc de véhicules inégalé dans le monde. Outre les inconvénients liés aux émissions de ces véhicules sur la qualité de l'air, la déformation de la structure de consommation des carburants sous l'effet de la fiscalité fait diverger de plus en plus lourdement la demande par rapport aux possibilités de l'outil de raffinage français. Il en résulte des surcoûts d'import et d'export et des besoins d'investissement lourds pour ajuster les schémas de raffinage qui fragilisent le raffinage français. En ayant garde de ne pas déstabiliser brutalement l'industrie automobile française, qui a adapté son outil de production à la structure domestique de la demande, il est certain qu'un alignement de l'écart de TIPP entre le gazole et le supercarburant sur l'écart moyen européen est souhaitable ( ( * )1)

Il est, par ailleurs, évident que de grands écarts de taxation entre Etats membres entraînent des distorsions de concurrence aux conséquences nombreuses, au delà des échanges transfrontaliers et éventuels détournements de ventes. Un exemple récent a été fourni avec les réductions fiscales sur le gazole accordées à l'automne 2000 par la France et l'Italie à leurs transporteurs routiers, ce que la Commission n'a pas manqué de critiquer ...

Aussi l'Union européenne devrait-elle continuer à tendre vers une harmonisation des fiscalités nationales. Sans doute la fixation de fourchettes de taux serait-elle de nature à favoriser leur rapprochement, ces fourchettes devant être progressivement réduites en application d'un calendrier.

Par ailleurs, les conditions de prélèvement et de calcul des taxes doivent être définies clairement afin d'éviter une divergence d'interprétation et d'application de ces taxes (ce qui réduirait à néant les effets bénéfiques d'une harmonisation européenne).

• Au niveau communautaire, l'instrument fiscal, ne doit être qu'un moyen d'action parmi d'autres, mais présente cependant pour inconvénient de requérir l' unanimité du Conseil, ce qui a jusqu'ici paralysé l'action de l'Union en la matière.

Aussi, un rapprochement des fiscalités nationales pourrait-il être plus facilement obtenu par le biais de la coopération renforcée , avancée majeure obtenue au Sommet de Nice.

Il faut aussi souligner que le rapprochement des fiscalités serait peut-être plus évident si la fiscalité énergétique européenne poursuivait des objectifs cohérents et donnait des signaux clairs aux consommateurs.

Ainsi, si l'on veut lutter contre le réchauffement climatique et donc contre la production de CO 2 ("écotaxe"), dans le souci du respect des engagements pris à Kyoto, il convient d'être cohérent et d'appliquer une taxe effectivement proportionnelle au contenu en carbone .

C'est pourquoi la philosophie de la directive sur la taxe énergétique qui entend taxer l'ensemble des sources d'énergies paraît en contradiction avec la promotion des énergies propres. Dans le cas de l'électricité, il conviendrait donc de préférer la taxation des combustibles utilisés pour produire de l'électricité en fonction de leur contenu en carbone, à la taxation forfaitaire de l'électricité. C'est de toute évidence le moyen le plus efficace pour limiter les émissions de carbone du secteur électrique tout en incitant les opérateurs à être efficaces sur leurs installations, par la recherche d'un meilleur rendement. A cet égard, la récente décision du Conseil Constitutionnel français censurant certaines dispositions de la loi de finances rectificative pour 2000, est éclairante et édicte des règles cohérentes : s'agissant du projet d'extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), le Conseil a dénoncé l'inadéquation entre l'assiette de la taxe -qui englobait l'électricité, très peu émettrice de rejet de gaz carbonique- et sa finalité : la lutte contre l'effet de serre, dans le cadre des engagements internationaux.

• Enfin, le produit de telles taxes environnementales, payées par le consommateur final, devrait être principalement affecté à l'amélioration de l'environnement, à la maîtrise de la consommation d'énergie et à l'augmentation de l'efficacité énergétique.

Question n° 4

Dans le cadre d'un dialogue permanent avec les pays producteurs, quel doit être le contenu d'accords d'approvisionnement et de promotion d'investissements ? Compte tenu de l'importance qu'il convient d'accorder, notamment à un partenariat avec la Russie, comment garantir la stabilité des quantités, des prix et des investissements ?

Pour respecter la limitation de la dépendance énergétique à 50 % qu'il préconise, le groupe d'études estime nécessaire de consolider les relations avec les pays producteurs.

Des relations d'Etat à Etat dans le domaine de l'énergie peuvent certes permettre de favoriser le dialogue, mais ne se sont guère montrées déterminantes jusqu'à présent. Les Etats devraient donc soutenir les entreprises de l'Union européenne qui développent des projets énergétiques dans les pays producteurs, et l'Union devrait être capable de se présenter comme une alternative politique crédible face aux Etas-Unis, notamment dans les zones qui représentent la plus grande part des approvisionnements en pétrole et en gaz.

La consolidation des relations avec les pays producteurs est donc une démarche nécessaire , mais qui ne sera possible que si le poids politique de l'Union européenne augmente. En effet, si elle représente 14 % à 15 % de la consommation mondiale d'énergie, l'Union européenne n'a pas l'entité politique adéquate pour peser sur les marchés des produits énergétiques ni, par extension, sur la formation des prix internationaux. Dès lors, d'un point de vue économique aussi bien que diplomatique, elle ne peut faire pression sur les pays producteurs de pétrole et de gaz comme le font par exemple les Etats-Unis. Durant la crise pétrolière de l'automne dernier, l'OPEP a fait peu de cas des revendications des pays européens. Il est donc essentiel d'établir un dialogue permanent avec nos fournisseurs permettant de mieux connaître et de concilier les intérêts de chacun.

L'Union pourrait notamment favoriser des réunions de concertation avec les pays producteurs , car seul un dialogue permanent est de nature à peser sur les mécanismes de formation des prix et à permettre la conclusion d'accords préférentiels. Elle doit s'en donner les moyens. A cet égard, il est intéressant de noter que l'administration américaine a créé un poste d'ambassadeur chargé des questions énergétiques du bassin de la mer Caspienne ! Des initiatives semblables pourraient être prises par l'Union européenne.

Si dans certains cas un dialogue à haut niveau peut s'avérer utile, dans la pratique, et pour que ce dialogue et les éventuels accords intervenus ne restent pas lettre morte, il apparaît nécessaire de les accompagner d'un cadre juridique strictement défini qui assure leur réalisation. Dans les relations avec les pays producteurs d'énergie, l'Union européenne et les Etats membres devraient s'assurer de la protection des investissements.

Les relations avec les pays producteurs de pétrole

La part du pétrole, aujourd'hui de 40 %, continuera d'être prépondérante dans le système énergétique de l'Union européenne, notamment en raison de son rôle dans le secteur des transports appelé à poursuivre une croissance rapide, même si des efforts sont entrepris pour améliorer l'efficacité énergétique, et si la part des carburants de substitution peut augmenter. La dépendance dans ce secteur restera toutefois importante, d'où la nécessité d'en réduire les risques.

L'Union européenne pourrait mettre en oeuvre des politiques fiscales et économiques favorables, incitant les opérateurs à poursuivre le développement de leur production dans des régions autres que le Moyen Orient. Il faudrait notamment encourager l'exploitation des pétroles non conventionnels (provenant des gisements sous grande profondeur d'eau, tels que les fuels lourds, schistes bitumineux...). Dans le même esprit, l'Union européenne pourrait soutenir les programmes de recherche et développement susceptibles de faire progresser les taux d'épuisement des gisements et reculer les frontières des pétroles non conventionnels.

Enfin au niveau géopolitique, il serait important que l'Union européenne agisse auprès des pays de l'OPEP et notamment ceux du Moyen Orient qui détiennent l'essentiel des réserves mondiales, afin que ces derniers développent la coopération des sociétés pétrolières européennes. Ceci leur permettrait, en bénéficiant des technologies occidentales, de tirer le meilleur profit de leurs ressources. En contrepartie l'intégration de leurs économies qui en résulterait serait un gage de stabilité de l'approvisionnement en pétrole des pays consommateurs.

Les relations avec les fournisseurs de gaz

Le Livre Vert souligne que le gaz apparaît comme le produit de diversification énergétique indispensable à un sain équilibre des consommations, mais que sa croissance rapide sur certains marchés risque d'entraîner une nouvelle dépendance de l'Union européenne. L'accroissement des consommations pourrait en effet être suivi d'une tendance à la hausse des prix et fragiliser la sécurité d'approvisionnement.

Considérant que l'approvisionnement gazier dépend à hauteur de 41 % d'importations en provenance de Russie et près de 30 % d'Algérie, la Commission préconise une diversification géographique, notamment vers le GNL. Elle suggère le développement d'un partenariat à long terme avec les fournisseurs clés, tels la Russie.

Le groupe d'études de l'énergie soutient la nécessité d'un tel dialogue devant déboucher sur un partenariat à long terme avec les territoires disposant d'immenses ressources en énergies fossiles, tels que la Fédération de Russie, l'Ukraine ou les pays de la mer Caspienne.

Dans le secteur de l'électricité un dialogue tourné vers les besoins des plus proches voisins de l'Union européenne pourrait s'avérer fructueux. A cet égard les relations actuelles avec les pays de l'Est candidats à l'entrée dans l'Union, notamment dans le domaine de la sûreté des centrales nucléaires, sont essentielles et permettront de dégager ou de consolider des disponibilités énergétiques non négligeables.

Tout ce qui favorise le développement de relations avec les pays producteurs semble positif au groupe d'études de l'énergie . Mais n'oublions que cela pourrait impliquer la prise en compte d'aides à l'investissement dans ces pays, voire l'acceptation de clauses contractuelles rémunérant la sécurité d'approvisionnement, et qu'il faudra trouver un accord politique à quinze, puis à près de trente sur ces questions !

C'est pourquoi la recherche d'une indépendance énergétique accrue reste naturellement la meilleure voie.

Question n° 5

La constitution de stocks de réserve, déjà réalisée pour le pétrole, devrait-elle être renforcée et étendue à d'autres énergies, par exemple le gaz ou le charbon ? Pourrait-on envisager une gestion plus communautaire des stocks et si oui, quels en seraient les objectifs et les modalités ? Est-ce que le risque de rupture physique d'approvisionnements en produits énergétiques devrait justifier des mesures d'accès aux ressources plus onéreuses ?

Le Livre Vert suggère que soient examinées les modalités d'un renforcement du dispositif de stocks pétroliers stratégiques par la " communautarisation " de leur usage . Des moyens d'intervention devraient être recherchés afin de lutter contre les mouvements spéculatifs, à l'instar des techniques utilisées sur les marchés monétaires, pour limiter la volatilité des prix. Il est en outre proposé d'étendre le mécanisme des stocks au gaz naturel .

Enfin, la Commission se demande s'il ne serait pas opportun de maintenir un socle de production de charbon destiné à constituer des réserves , en cas de crise grave.

Le groupe d'études de l'énergie considère que le problème des stocks mérite une approche différente selon le type d'énergie .

• S'agissant des stocks pétroliers, le système de stocks actuel a été mis en place après le premier choc pétrolier, dans le cadre de l'Agence internationale de l'énergie. Le seuil de déclenchement prévu en cas de rupture d'approvisionnement réelle ou imminente se situe à partir d'un manque de ressources de 7 % (programme international de l'énergie). Chaque pays gère ses stocks et, depuis l'origine, l'AIE n'a pas préconisé le recours aux réserves.

La mise en commun des stocks, qui peut paraître au premier abord séduisante, pose cependant de nombreux problèmes. Elle présente, outre un problème de financement, plusieurs inconvénients.

En premier lieu, les volumes susceptibles d'influencer durablement les prix sur le marché seraient trop élevés. Rappelons à cet égard que la commercialisation récente de stocks par les Etats-Unis n'a influencé les prix mondiaux que marginalement sur une période très courte.

En outre, les réserves de sécurité utilisées pour influencer les prix sur les marchés intérieurs ne seraient plus disponibles en cas de rupture d'approvisionnement.

Enfin, un réapprovisionnement ultérieur des réserves stratégiques aurait l'inconvénient de prolonger la période de prix élevés. Par ailleurs, une augmentation des réserves, suite à la hausse des prix, prolongerait la volatilité du marché.

Dans le secteur gazier , la situation des différents pays est très contrastée selon leurs ressources et leur situation spécifique. La France, pour sa part, dispose de stocks représentant 25% de sa consommation actuelle de gaz. Les capacités de stockage existant actuellement dans notre pays sont dédiées à l'équilibrage des réseaux de transport, mais surtout à la continuité de fourniture des distributions publiques qui connaissent de fortes variations saisonnières.

On peut sur ce point regretter que le Livre Vert ne se soit pas livré à une analyse des situations respectives des différents Etats.

En outre, le système de stockage du gaz, sauf à l'état liquide, diffère très sensiblement de celui des produits pétroliers qui peuvent être stockés à proximité des centres de consommation et de façon uniforme sur tout le territoire.

En effet :

- l'augmentation des capacités de stockages se heurte d'abord à la difficulté de trouver des sites géologiques et de réaliser des stockages en nappe aquifère pour des raisons tenant à la législation environnementale.

- ces stockages souterrains ont un coût élevé et se pose la question de leur financement et notamment du financement du gaz coussin qui correspond à environ 50 % du volume du gaz injecté et que l'on n'est pas sûr de pouvoir toujours récupérer ;

- enfin, amener le gaz des stockages ou des points de fourniture vers les zones de consommation, nécessite des investissements supplémentaires.

C'est pourquoi le groupe d'études estime difficile d'envisager la création de mécanismes communautaires de solidarité en matière d'approvisionnement et de stockage gazier dont l'intérêt est loin d'être démontré.

• S'agissant en revanche du charbon , le groupe d'études partage l'analyse de la Commission selon laquelle cette énergie n'est plus compétitive et que sa production, sur la base de critères économiques, n'a aucune perspective, ni dans l'Union, ni dans les pays candidats à l'adhésion. Cependant, l'idée selon laquelle son avenir pourrait être préservé dans le cadre de la sécurité des approvisionnements n'est pas inintéressante . L'Allemagne, depuis le compromis charbonnier de 1997, a programmé une réduction de la production et des aides d'Etat ; les décisions de fermeture devront être transposées aux pays candidats et en particulier à la Pologne, ce qui n'est pas sans poser de problèmes aux économies des pays concernés. A titre transitoire, pourquoi ne pas, comme le suggère le Livre Vert, définir un régime de contrôle des aides nationales à l'industrie adapté à l'impératif de sécurité des approvisionnements, en échange du maintien d'un accès minimal aux réserves ?

En conclusion, le groupe d'études de l'énergie considère que la mise en commun des stocks au niveau européen apparaît à la fois lourde financièrement et inutile. Elle n'apporte qu'une réponse partielle, sans doute plus adaptée à des situations de rupture physique d'énergie. Elle ne peut constituer une solution structurelle à la problématique de l'approvisionnement énergétique .

Peut-être sera-t-on amené un jour à ménager certaines des réserves existantes , notamment en Mer du Nord, afin de prévenir une éventuelle rupture physique d'approvisionnement.

Le groupe d'études préconise enfin une action dans le sens d'une meilleure connaissance des stocks à l'échelon communautaire.

Question n° 6

Comment assurer un développement et un meilleur fonctionnement des réseaux de transport d'énergie dans l'Union et dans les pays avoisinants obéissant à la fois aux impératifs du bon fonctionnement du marché intérieur et à la sécurité des approvisionnements ?

Les échanges d'énergie intra-communautaires, et par conséquent le développement et l'amélioration des réseaux de transport d'énergie, sont essentiels tant pour l'instauration effective du marché intérieur et la compétitivité des entreprises européennes que pour la sécurité des approvisionnements, notamment dans la perspective de l'élargissement.

Ils permettraient de remédier à l'indisponibilité d'une fraction d'un parc national de production, en apportant des débouchés aux surcapacités existantes et en offrant la possibilité d'installer des moyens de production nouveaux dans les meilleurs sites.

On peut regretter qu'aujourd'hui, malgré l'existence d'interconnexions entre tous les pays européens et de règles communes de gestion, il n'existe de réseau continu, garantissant une circulation sans entrave, qu'entre le Bénélux, l'Allemagne, la Suisse et la France. Les liaisons avec les "péninsules électriques" (Royaume-Uni, péninsule ibérique, Italie) sont congestionnées dans le sens centre-périphérie, celles avec le nord, limitées et celle avec l'est de l'Europe, de faible capacité et archaïques.

Cette question du développement et de l'amélioration des réseaux de transport d'énergie recoupe d'une part, les obstacles d'origine physique aux échanges intra-communautaires et, d'autre part, le problème de l'acheminement des énergies fossiles vers l'Union européenne (en particulier pour l'approvisionnement en gaz) et donc celui des interconnexions internationales.

• S'agissant des interconnexions intra-communautaires , l'Union européenne devrait jouer un rôle en matière d'information et agir en faveur d'une plus grande acceptabilité par les opinions publiques locales . En effet, la construction de nouveaux ouvrages se heurte aujourd'hui à l'opposition des populations locales, pour des raisons essentiellement environnementales, comme d'ailleurs l'installation d'éoliennes.

Le développement concerté de nouvelles capacités de transport serait pourtant de nature à concourir à la préservation de l'environnement, en permettant de limiter, à l'échelle européenne, les investissements de capacité et de les localiser au mieux.

• Le nécessaire renforcement des réseaux de transport d'énergie rencontre également des difficultés de financement . Aussi, l'Union européenne devrait-elle impérativement créer les conditions susceptibles d'encourager le développement des investissements, qu'il s'agisse de la construction d'oléoducs, de gazoducs, de réseaux électriques, mais aussi de la souhaitable multiplication des points d'entrée du gaz sur le territoire (notamment des terminaux de gaz naturel liquéfié). Il appartient, par ailleurs, aux régulateurs de veiller à la fluidité du marché.

Il faut relever que les coûts, délais de construction et risques géopolitiques liés à la construction de gazoducs plaident en faveur du gaz liquéfié, qui se transporte plus facilement et à un coût de plus en plus compétitif, mais nécessite d'importantes capacités de financement 2 ( * ) .

En réalité, il apparaît nécessaire de parvenir à un compromis équitable entre, d'une part, les aspirations - légitimes, mais dangereuses pour la sécurité d'approvisionnement à long terme - des consommateurs à une baisse des tarifs à court terme, accompagnée d'un maximum de souplesse dans la durée de leurs engagements contractuels et les conditions de modulation, et d'autre part, le souhait des acteurs de bénéficier à la fois d'une visibilité dans les engagements de leurs clients pour planifier leurs investissements et d'une tarification suffisante pour financer ces derniers.

• L'amélioration du fonctionnement des réseaux de transport d'énergie passe également par :

- la mise en place de règles d'accès et d'utilisation des interconnexions non plus orientées vers les échanges entre producteurs intégrés, comme par le passé, mais vers le bon fonctionnement du marché , assurant équité, transparence et vérité des prix. Un mouvement se dessine d'ailleurs en ce sens (mécanisme conjoint d'enchères pour la liaison franco-britannique et prochainement pour l'Espagne) ;

- l'harmonisation des règles techniques d'utilisation et de conduite des réseaux , par l'amélioration des règles , sous le contrôle des régulateurs et, à terme, l'harmonisation tarifaire entre pays, qui, dans un premier temps, devrait interdire la mise en place de taxes à l'exportation, qu'envisagent aujourd'hui certains États membres ;

- le renforcement de la coordination et de la coopération entre les bourses d'échanges d'électricité et de gaz, à travers l'Europe ;

- le développement des coopérations entre ces bourses et les gestionnaires des réseaux de transport.

Question n° 7

Le développement de certaines énergies renouvelables suppose des efforts importants en termes de Recherche et de Développement Technologique, d'aides aux investissements ou d'aides au fonctionnement. Un co-financement de ces aides ne devrait-il pas impliquer une contribution des secteurs dont le développement a bénéficié au départ d'aides considérables et qui sont aujourd'hui très rentables (gaz, pétrole, nucléaire) ?

Le Livre Vert dresse un constat lucide de l'état de développement des énergies renouvelables qui représentent près de 6 % de l'approvisionnement européen en électricité dont 2 % pour l'hydroélectricité . Cet état des lieux fait apparaître une extrême diversité des situations des différents pays et surtout des potentiels de croissance très différenciés selon que l'on considère l'hydroélectricité, le bois, la biomasse, l'éolien, le photovoltaïque, l'énergie marémotrice ou les carburants de substitution.

L'analyse de la Commission européenne conclut à l'affirmation selon laquelle les énergies renouvelables présentent un certain potentiel pour renforcer la sécurité d'approvisionnement européenne, mais que le développement de leur utilisation dépend d'efforts politiques et économiques extrêmement importants.

Dans ce contexte, la Commission européenne a d'ailleurs adopté en mai dernier un projet de directive sur l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables, visant faire passer leur part de 6 à 12 % dans le bilan énergétique des Etats membres d'ici 2010.

Le groupe d'études de l'énergie souscrit à cet objectif car les énergies renouvelables ne peuvent que contribuer à la diversité, et donc à la sécurité, de l'approvisionnement énergétique et présentent un intérêt non négligeable, du point de vue des enjeux de protection de l'environnement (réduction des émissions de CO2) et d'aménagement du territoire , qui préoccupent particulièrement notre assemblée. En outre, les énergies renouvelables peuvent constituer des énergies d'appoint mais aussi permettre, dans certaines zones rurales isolées ou dans les îles, une production décentralisée de chaleur et d'électricité, plus rentable qu'un raccordement au réseau national. Il est enfin intéressant pour l'Europe de développer des technologies qui pourraient être exportées vers les pays en voie de développement. Toutefois, il ne faut pas se faire d'illusions : ce potentiel restera limité.

La France, dans ce domaine, fait déjà figure de bon élève de la classe , puisque elle est le premier producteur européen avec plus de 20% de la production d'énergies renouvelables. Quant aux autres pays de l'Union européenne, leur situation est très inégale et de gros progrès restent à accomplir.

Mais si l'on veut ce développement, il faut s'en donner les moyens . Un premier pas a été franchi avec l'inscription dans la directive européenne d'objectifs quantitatifs. Le groupe d'études apprécie cette lisibilité qui permettra aux professionnels d'élaborer des plans de développement industriel .

Les énergies renouvelables ne sont cependant pas, pour la plupart, compétitives avec les autres modes de production. Elles nécessitent généralement des investissements plus importants, à puissance égale, que les énergies fossiles. Une politique volontariste de développement de ces énergies nécessite donc un dispositif de soutien permettant de combler ces écarts de compétitivité.

Pour les technologies les moins mûres, mais néanmoins considérées comme disposant d'un potentiel suffisant de progression technologique, le groupe d'études recommande que des moyens importants en recherche et développement soient donnés à ce secteur . C'est la voie choisie par notre pays qui assure déjà leur développement grâce aux aides qu'elle apporte aux différents organismes de recherche spécialisés dans le domaine (CNRS, CEA...). Plusieurs énergéticiens ont déjà commencé à développer des activités dans ce secteur. Ainsi le CEA et la COGEMA sont convaincus de l'intérêt de développer ces filières, et notamment la technologie de la pile à combustible 3 ( * ) ainsi que l'éolien qui pourrait offrir un potentiel intéressant. De même une offre technologique innovante dans le domaine de l'éolien est développée au sein de la filiale Jeumont-Industrie de Framatome. TotalFina Elf s'intéresse aux éoliennes off-shore, Gaz de France a démarré des recherches sur la valorisation du biogaz etc....

Pour les technologies les plus proches de la rentabilité , le groupe d'études partage le point de vue de la Commission sur la nécessité d'aides aux investissements ou au fonctionnement . L'octroi de subventions publiques aux producteurs est en effet nécessaire afin de garantir des prix bas au consommateur, dans l'attente de pouvoir démontrer la compétitivité économique de ces énergies.

Les Etats membres utilisent actuellement deux mécanismes d'aides : l'obligation d'achat à prix fixe (obligation pour les compagnies électriques de racheter l'électricité à un prix fixé par le gouvernement) ou des mécanismes de marché permettant de déterminer le surcoût à payer pour une installation de production donnée et qui peuvent prendre la forme d'appels d'offre ou de certificats verts. (dans ces systèmes c'est le marché qui détermine le prix).

Il convient cependant de souligner que le mécanisme d'obligation d'achat ne permet pas de prévoir ou de contrôler les capacités de production qui vont finalement être réalisées, ni par suite, le coût pour la collectivité et les conséquences sur le marché : si le prix est fixé trop bas, la filière concernée ne se développera pas ; s'il est trop élevé, elle se développera de façon exagérée, générant pour certains producteurs des rentes anormalement élevées et un coût important pour la collectivité, répercuté sur les consommateurs de base. Le groupe d'études est donc plus favorable aux mécanismes d'aides par le marché.

Convient-il d'aller au delà des aides et subventions, ainsi que le suggère le Livre Vert, par l'instauration d'une contribution des secteurs déjà rentables ? Le groupe d'études n'est pas hostile à cette proposition qui existe déjà par le biais de l'obligation d'achat. Mais cette aide doit-elle nécessairement passer par une taxe ? D'autres solutions lui semblent préférables.

Le groupe d'études considère en effet que dans un marché ouvert à la concurrence, les entreprises ne doivent pas être entravées. C'est pourquoi une mesure uniforme ne lui paraît pas pouvoir être imposée au secteur industriel des pays européens . Il conviendrait au contraire de respecter le libre choix des entreprises.

Dans cette hypothèse, les entreprises devraient pouvoir choisir :

- soit de payer une taxe européenne affectée à un fonds de développement des ENR ;

- soit de signer des contrats d'achat de l'électricité produite par ce secteur ;

- soit de s'engager par accord volontaire à contribuer à la recherche ou à la production des volumes de production par elles-mêmes d'énergies renouvelables.

En tout état de cause, et compte tenu de l'importance attachée par la plupart des Etats membres aux énergies renouvelables et de leur poids grandissant sur le marché intérieur de l'électricité, le groupe d'études souhaite une harmonisation rapide des programmes nationaux et surtout des dispositifs de soutien qui y sont liés, afin d'éviter tout risque de distorsion. Dans ce domaine, la Commission européenne doit jouer un rôle moteur, les subventions nationales ne devant pas constituer un critère discriminatoire. (voir réponse à la question n°3 ).

L'instauration d'un cadre de coopération commun entre les divers membres de l'Union, permettant de diffuser les politiques et expériences réussies au niveau national et local et de développer des savoirs communs, ne pourrait qu'être bénéfique et mérite d'être encouragée. Cela permettrait d'obtenir des aides communautaires pour des projets intéressants mais trop coûteux pour être supportés par un seul État.

Le groupe d'études souhaite également très fortement qu' un bilan de rentabilité soit régulièrement établi pour chaque contrat de production d'énergie renouvelable bénéficiant d'une aide, afin de juger sur des critères économiques si la filière doit être exploitée et si les aides doivent être maintenues. Le coût de ces aides étant finalement reporté sur le consommateur, il convient de mettre en place des mécanismes d'une extrême transparence, l'information sur le coût réel de ces énergies et sur les bénéfices obtenus devant constituer la condition d'une acceptation politique durable.

Par ailleurs, le groupe d'études regrette que la politique européenne de développement des énergies renouvelables privilégie la production d'électricité. Elle devrait encourager plus équitablement les différentes ressources, en misant davantage sur la biomasse ou la géothermie qui permettraient l'apport rapide de solutions performantes.

Enfin la Commission préconise la mise en place d'un mécanisme de certificats verts propres à permettre l'identification, puis les échanges, d'énergies renouvelables. Il s'agit de bons remis à des producteurs d'énergies renouvelables pour un volume spécifié de production (par exemple, aux Pays-Bas, un certificat vert est délivré tous les 10 MWh produits). Il existe une demande pour ces certificats de la part des consommateurs, générée soit par une incitation fiscale à les acheter, soit par contrainte réglementaire.

Ce mécanisme constitue une piste intéressante qui mérite d'être activement explorée, notamment en ce qu'il favoriserait une utilisation optimale des ressources en vent, solaire, hydraulique ... à l'échelle d'un territoire (régional, national ou européen). Il permettrait également un contrôle assez souple mais efficace par les pouvoirs publics du développement d'une filière.

Question n° 8

L'énergie nucléaire étant un des éléments du débat sur la lutte contre le changement climatique et l'autonomie énergétique, comment l'Union européenne peut-elle apporter une solution aux problèmes des déchets, au renforcement de la sûreté nucléaire et au développement de la recherche sur les réacteurs du futur, en particulier de la fusion ?

On ne peut répondre à cette question sans insister au préalable sur la place nécessairement importante que devrait continuer à occuper l'électricité d'origine nucléaire dans le "mix énergétique" de l'Union européenne 4 ( * ) , puis de l'Union élargie, afin de contribuer à son indépendance.

A cet égard, le constat du Livre Vert relatif à la faiblesse des marges de manoeuvre de l'Union européenne sur les conditions de l'offre d'énergie mérite d'être nuancée.

Cette marge de manoeuvre est effectivement très limitée concernant les énergies fossiles. Elle existe, mais ne pourra être que d'une ampleur limitée, s'agissant des énergies renouvelables (cf réponse à la question 7 ci-dessus). Mais elle est réelle s'agissant de l'énergie nucléaire, qui présente de multiples avantages tant en termes de sécurité d'approvisionnement que de compétitivité ou d'environnement.

- S'agissant de la sécurité d'approvisionnement , il faut rappeler que l'uranium, matière première de l'énergie nucléaire, est présent de manière abondante sur toute la surface du globe et notamment dans des pays politiquement stables. Les estimations actuelles font état de ressources avoisinant 14,5 millions de tonnes, ce qui représente, au rythme actuel d'extraction, 250 ans d'exploitation. En outre, les progrès technologiques futurs - tels que l'extraction d'uranium contenu dans l'eau de mer, le recyclage des combustibles usés et le recours aux réacteurs rapides - laissent entrevoir des perspectives encore plus prometteuses.

- S'agissant de la compétitivité , il convient de préciser que l'uranium ne représente que 8 % des coût de production. Le prix du kWh nucléaire, le moins cher de toutes les filières comme le rappelle le rapport Charpin-Pellat-Dessus du Commissariat Général au Plan, surtout en production de base, ne dépend donc pas des fluctuations du cours de la matière première. De plus, cette énergie présente l'avantage de disposer d'infrastructures existantes.

En réalité, il s'agit d'une des réponses "de masse" les plus compétitives aux problèmes de l'approvisionnement de l'Europe, qui en outre est la seule forme de production qui "internalise" ses coûts, de l'amont jusqu'à l'aval du cycle.

Ceci dit, le nucléaire reste une technique "capitalistique" dont la compétitivité est surtout affirmée en production de base . Dans le cas français, celle-ci représente environ 60 à 65 % de la production d'électricité, ce qui est un peu inférieur aux 75 à 80 % de part du nucléaire dans les bilans actuels. Revenir en base permettrait non seulement d'améliorer la compétitivité du nucléaire, mais encore de permettre l'émergence d'énergies de diversification, centralisées (turbines à gaz à cycle combiné par exemple) ou décentralisées (cogénération, éolien, solaire, petite hydraulique...).

- Enfin, face au défi climatique , on voit mal comment l'Europe pourrait respecter ses engagements internationaux si elle limitait par trop son recours à la seule source d'électricité n'émettant pas de gaz à effet de serre - ni d'ailleurs d'oxyde d'azote ou de dioxyde de soufre - et permettant d'éviter ainsi chaque année l'émission de plus de 700 millions de tonnes de CO2. N'est-ce pas grâce à cette énergie que le kWh français émet 17 fois moins de gaz que le kWh danois et 13 fois moins que le kWh allemand ?

Les institutions communautaires devraient, dans leur ensemble, tenir davantage compte de cette donnée incontournable et contribuer à dépassionner le débat sur cette question.

Ceci étant dit, l'avenir de l'énergie nucléaire dépendra aussi de son acceptation sociale, elle-même étroitement liée aux solutions qui seront apportées au problème des déchets et au renforcement de la sûreté.

• Le problème de l' acceptation sociale devrait relever, par subsidiarité, de la responsabilité des Etats membres. Toutefois, l'avenir de cette énergie devant être envisagé à une échelle plus large que le niveau national, il appartient aux institutions communautaires de rétablir les conditions rationnelles d'un débat énergétique européen . A cet égard, la "diabolisation" du nucléaire par certains, au niveau européen, semble davantage relever du combat idéologique que du réalisme et de la réelle prise en compte des défis à la fois environnementaux, économiques et géopolitiques auxquels est confrontée l'Europe. Il est temps que la sérénité prévale.

Nous confirmons qu'il serait intéressant que l'Union européenne procède régulièrement à un audit des politiques énergétiques des Etats membres (comme le fait périodiquement l'Agence Internationale de l'Energie) et attire leur l'attention sur les conséquences de leurs décisions en matière de politique énergétique.

• L'Union européenne doit, par ailleurs, contribuer au maintien des compétences nucléaires et du savoir-faire européens à travers la recherche, l'enseignement, les coopérations entre les entreprises de la filière, afin notamment de préserver sa capacité à exporter ses technologies.

• La question de la sûreté nucléaire relève de la responsabilité des Etats. Toutefois, s'agissant de risques transfrontaliers, les risques nucléaires devraient faire l'objet d'une approche coordonnée au niveau européen . A cet égard, la coopération établie entre autorités nationales de sûreté ou entre industriels avec le développement d'un standard de sûreté européen au travers de l'EPR (European Pressurized Reactor) répond à la question de manière pragmatique et efficace.

• Les programmes de recherche européens doivent permettre l'élaboration d'un cadre scientifique et technique consensuel renforcé et une capacité d'expertise partagée par les Etats membres, gages d'une compréhension commune des questions nucléaires ainsi que d'une démarche fiable à l'égard des pays candidats à l'adhésion. En effet, à l'occasion du prochain élargissement, l'Union européenne va accueillir plusieurs pays dans la politique énergétique desquels l'énergie nucléaire tient une place importante et implique une harmonisation de la réglementation en matière de sûreté ainsi qu'une mise à un niveau de sûreté acceptable de leurs installations.

• S'agissant des déchets , les différentes options de la fin du cycle (retraitement ou non retraitement, choix des solutions ultimes de stockage) devraient être laissées au libre choix des Etats. En revanche, il serait utile que l'Union édicte des règles "éthiques" sur le stockage sur le territoire national des déchets issus des productions nationales (ce qui implique le retour des déchets traités sur le territoire de celui qui les a produits). Elle devrait également valider aux yeux de l'opinion publique européenne les solutions actuellement disponibles pour le stockage à très long terme des déchets et encourager la recherche sur les perspectives futures de modification plus poussée des combustibles irradiés et des déchets par séparation et transmutation. Au delà, l'Union européenne devrait financer les recherches sur les déchets, en particulier sur la transmutation .

L'Union Européenne doit, en outre, mieux informer les citoyens européens de la réalité objective de la situation dans ce domaine, à savoir :

- rappeler que, du point de vue de l'impact environnemental, les résidus nucléaires maîtrisés ne peuvent être comparés aux dégâts toujours plus importants et difficilement réversibles, directs et indirects, occasionnés par l'émission des gaz à effet de serre,

- relativiser le problème :

ü aucune industrie n'est neutre en terme d'impact sur l'environnement, il faut avoir conscience que l'industrie française produit à elle seule trois tonnes de déchets industriels par habitant et par an, dont 100 kilos de déchets industriels hautement toxiques ;

ü sur un kilo de déchets nucléaires par habitant et par an, on ne compte que 10 grammes de déchets à vie longue et à haute activité. La totalité de ces déchets, depuis le début de l'exploitation du parc électronucléaire français, représente un volume que contiendrait une piscine olympique.

Ceci étant, l'Europe, toute l'Europe -et non les seuls Etats qui ont recours à ce type d'énergie- doit s'employer à trouver des solutions pour ces déchets, de nature à préserver au mieux l'environnement, la santé des populations et donc l'avenir.

• Il est, en outre, indispensable de poursuivre la préparation du renouvellement du parc nucléaire européen, dans les meilleurs conditions de sûreté possibles :

- en construisant au plus tôt un prototype du réacteur EPR sur le territoire européen ;

- en favorisant la réalisation d'un prototype de réacteur (du type de l'amplificateur d'énergie du physicien Carlo RUBIA) ;

- en consacrant davantage de moyens à la recherche sur la fusion . Il convient, en effet, de préparer l'avenir en abondant suffisamment le budget qui lui sera consacré dans le cadre du volet EURATOM du 6 ème programme cadre de recherche et de développement technologique (PCRD).

S'il ne représente que 5 % des dépenses de recherche des Etats membres, la contribution du PCRD est essentielle car elle sert de catalyseur pour l'ensemble de la recherche européenne .

La recherche en matière de fusion offre des perspectives remarquables pour la production énergétique du futur. La sûreté intrinsèque des unités et la très faible quantité de déchets produits en font une solution énergétique pleinement compatible avec l'exigence de développement durable.

Aussi, bien que ses perspectives de mise sur le marché soient à un horizon relativement long : 2050 environ, ce programme de recherche publique doit être prioritaire. Ceci d'autant plus que l'on ne peut demander aux industriels la prise en charge d'une telle recherche de long terme, alors qu'ils se trouvent confrontés à l'accroissement de la concurrence lié à la libéralisation, sur un marché évolutif, enregistrant des prix fluctuants.

Ne serait-il pas paradoxal que l'Europe tourne le dos à l'énergie nucléaire au moment où d'autres reconnaissent son caractère incontournable, en particulier l'Amérique du Nord ? Le nouveau président américain vient d'ailleurs d'annoncer son intention d'encourager les centrales nucléaires performantes.

Il est essentiel que l'Europe préserve la situation compétitive de son industrie de pointe dans ce domaine.

Question n° 9

Quelles politiques doivent permettre à l'Union européenne de remplir ses obligations au titre du protocole de Kyoto ? Quelles mesures pourraient être prises afin de pleinement exploiter le potentiel d'économie d'énergie qui permettrait de réduire à la fois notre dépendance externe et les émissions de CO 2 ?

Toute réflexion sur l'approvisionnement du marché énergétique européen doit désormais tenir compte de la nouvelle donne résultant des préoccupations environnementales. L'Union européenne s'est engagée d'abord à stabiliser ses émissions de CO2 en 2000 au niveau de 1990, puis à réduire de 8 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 2008 et 2012 par rapport au taux de 1990. Un accord de partage de la charge a été conclu au sein de l'Union européenne en vertu duquel l'Allemagne est tenue à 21 % de réduction, le Royaume-Uni à 12,5 %, la France et la Finlande pouvant se limiter à stabiliser leurs émissions. Force est de constater que ces objectifs sont loin d'être atteints !

Or 94 % des émissions de CO2 générées par l'homme en Europe sont attribuables au secteur énergétique dans son ensemble. C'est donc par le biais de la politique énergétique que l'Europe pourra respecter ses engagements et répondre au défi environnemental. Si, rapidement, des mesures ne sont pas prises, les engagements de Kyoto ne pourront pas être tenus . Selon les projections de l'Agence européenne de l'environnement, les émissions de gaz à effet de serre des Quinze devraient augmenter d'au moins 5,2 % d'ici 2010 par rapport à 1990 si rien n'est entrepris.

Le Livre Vert a ainsi le mérite de tirer la sonnette d'alarme et ses conclusions sont confirmées par de récentes publications scientifiques qui soulignent que même l'application des accords de Kyoto sera insuffisante pour lutter contre l'effet de serre.

L'Europe ne contribue certes, pour sa part, qu'à hauteur de 14 % aux émissions annuelles de CO2, loin derrière l'Asie (25 %) et l'Amérique du Nord (29 %), mais elle doit se donner les moyens efficaces de lutter contre l'effet de serre à long terme et inciter nos partenaires à se fixer la même priorité. Selon le Livre Vert, le protocole de Kyoto ne peut être qu'une première étape et des objectifs à plus long terme sont nécessaires pour encadrer la politique énergétique future et le développement de l'Union européenne.

La première réponse de l'Union européenne se situe sur le plan diplomatique : c'est en participant aux conférences internationales sur la lutte contre l'effet de serre que l'engagement européen s'est manifesté.

La conférence de la Haye, qui réunissait 180 pays et avait pour objectif de clarifier la situation, a été un échec , en raison de l'opposition des Etats-Unis, très attachés à un régime d'échange de droits à polluer souple, et de celle des pays en voie de développement qui conditionnent leur acceptation à l'obtention de contreparties en matière de transferts de technologie. Or, pour entrer en vigueur, le protocole doit être ratifié par au moins 55 pays représentant 55 % des émissions des pays industrialisés : seulement trente l'ont fait à ce jour. Le Livre Vert a pris acte de cet échec et a réaffirmé l'engagement de l'Union européenne d'oeuvrer résolument pour permettre son entrée en vigueur au plus tard en 2002, soulignant que l'Union avait su montrer sa cohérence au service des engagements de Kyoto, mais qu'elle devait convaincre ses partenaires.

A cet égard, le groupe de l'énergie s'interroge sur la répartition actuelle des compétences dans ce domaine touchant au respect des engagements de Kyoto.

- d'une part, au sein des services de la Commission européenne, entre les Directions Energie et Transport, Environnement et Recherche ;

- d'autre part, au plan des gouvernements européens, entre les ministres chargés de l'industrie et ceux chargés de l'environnement ;

- enfin, entre les Etats et l'Union européenne.

Un exemple est à cet égard éloquent : la Commission européenne s'était saisie du problème des permis d'émission en publiant en mars 2000 un Livre Vert visant à instituer au sein de l'Union européenne un système d'échange de droits d'émission des gaz à effet de serre. L'idée était de tester au plan communautaire un système d'échange de droits d'émission, afin d'acquérir de l'expérience au niveau de sa mise en oeuvre avant le lancement en 2008 du système international de droits d'émission. Or le Livre vert sur la stratégie énergétique publié en novembre dernier ne pose aucune question sur ce sujet pourtant crucial et n'évoque même pas les réponses à la consultation lancée par la Commission.

De même, s'agissant de la recherche et de la préparation du 6 éme PCRD, les récentes péripéties concernant les recherches dans le domaine de l'énergie nucléaire sont révélatrices d'hésitations au sein de la Commission : peut-on à la fois défendre dans le Livre Vert la nécessité du maintien de l'énergie nucléaire en Europe et se priver des moyens de recherche, notamment sur les technologies de gestion des déchets, qui conditionnent son acceptation par les populations et donc sa survie ?

N'y aurait pas lieu de mieux coordonner les propositions ? Il parait en effet paradoxal de fixer des objectifs de politique énergétique prenant en compte l'environnement et la recherche et de confier à l'une des parties seulement le soin de défendre les positions européennes sur le plan international. A cet égard, est-il logique que les ministres de l'environnement assurent, seuls, le suivi des conférences sur l'application de Kyoto ?

Le groupe d'études de l'énergie estime qu'une approche communautaire mieux coordonnée est dans ce domaine indispensable, notamment pour parler d'une seule voix au sein des instances internationales .

En second lieu , le Livre Vert, tout en qualifiant le protocole de Kyoto de " tournant historique ", constate que son application ne sera pas suffisante pour répondre au défi du changement climatique. Il prône des mesures drastiques dans les secteurs de l'énergie et des transports et demande que l'Union européenne s'engage résolument dans des mesures concrètes, notamment fiscales et réglementaires en faveur des économies d'énergie et la promotion des énergies renouvelables. Il considère que le désordre fiscal et l'opacité des aides de l'Etat qui caractérisent le secteur de l'énergie vont à l'encontre des objectifs environnementaux.

Le groupe d'études de l'énergie partage cette analyse. Il est clair que dans la mesure où l'on ne peut limiter la croissance en Europe, et notamment celle des pays candidats à l'adhésion, il faut relancer la politique d'économies d'énergie , un peu oubliée, et qui ne fait recette que lors des chocs pétroliers. Or il n'est pas question de priver nos concitoyens européens de la qualité de vie qui est la leur aujourd'hui, grâce à une énergie abondante. Dans ces conditions, il convient d'optimiser les consommations, car l'énergie la moins chère sera toujours celle que l'on ne consomme pas !

Le groupe d'études de l'énergie soutient donc les propositions de mesures concrètes qui pourraient être faites par la Commission européenne tendant à améliorer l'efficacité énergétique, qu'il s'agisse du bâtiment (cf. réponse n° 12 ) ou de l'établissement de normes de consommation pour les appareils électriques. Toutes les actions concrètes de réduction de la demande lui semblent aller dans le bons sens.

De même, le groupe d'études partage le point de vue de la Commission qui regrette que l'Union européenne n'ait pas suffisamment contribué au soutien du développement de nouvelles technologies , à l'exception de quelques mesures prises dans le cadre des programmes SAVE et ALTENER. Il estime en effet souhaitable que les nouvelles technologies disponibles (pile à combustible, voitures propres, isolation, photovoltaïque ...) bénéficient d'un soutien communautaire ( cf. réponse à la question n°7).

Dans le même esprit, il souhaite que toutes les solutions permettant une optimisation des combustibles soient étudiées, comme par exemple les techniques de lit fluidisé ou de carbonisation pour le charbon.

Il insiste en outre sur la nécessité de sensibiliser les consommateurs, notamment domestiques, aux économies d'énergie. Un effort d'éducation des jeunes, pour qui ce concept est devenu très lointain, devrait être recommandé par la Commission.

Le groupe d'études de l'énergie regrette cependant que le chapitre consacré au défi climatique et à l'examen des politiques qui peuvent permettre de réduire les émissions de CO2  évoque seulement la nécessité d'harmonisation de la fiscalité, de relance des politiques d'économies d'énergie et de recherche de l'efficacité énergétique. Ce chapitre aurait mérité de contenir l'affirmation selon laquelle le respect de nos engagements de Kyoto suppose le maintien de l'énergie nucléaire en Europe . Car si l'énergie nucléaire ne réduit pas les émissions, force est de constater qu'elle contribue à ne pas les augmenter !

Pourtant l'introduction du Livre Vert souligne que " la contribution du nucléaire devra faire l'objet d'une analyse, compte tenu de la décision de la plupart des Etats de se désengager de la filière, la lutte contre le réchauffement climatique et la sécurité des approvisionnements ainsi que le développement durable . "

Il nous semble donc important de souligner, comme l'avait fait la commission sénatoriale d'enquête 5 ( * ) , que le recours à l'énergie nucléaire est incontournable pour répondre au défi climatique, notamment à l'échelle européenne.

Question n° 10

Un programme ambitieux en faveur des biocarburants et autres carburants de substitution, hydrogène y compris, à hauteur de 20 % de la consommation totale de carburant à l'horizon 2020, peut-il continuer de relever de programmes nationaux ou passe-t-il par des décisions coordonnées au niveau de la fiscalité, de la distribution et des perspectives pour la production agricole ?

Le groupe d'études soutient ce projet d'un programme ambitieux en faveur des biocarburants et autres carburants de substitution, condition indispensable à une limitation du recours de l'Union européenne aux énergies fossiles, donc de sa dépendance à l'égard des pays producteurs extérieurs ainsi que des conséquences des émissions de gaz à effet de serre.

Il estime qu' un tel objectif ne peut plus continuer de relever des seuls programmes nationaux. Ceux-ci ont en effet montré leurs limites, dans le cadre juridique actuel très restrictif de l'Union.

• Tel est, en particulier, le cas du régime français de soutien à la production de biocarburants . Celui-ci repose sur une exonération fiscale visant à assurer l'équilibre économique de la filière, dont le niveau est appelé à décroître en fonction de l'évolution du contexte économique et des gains de productivité réalisés.

La possibilité d'alléger la fiscalité des biocarburants est actuellement prévue par la directive n° 92/81/CEE du 19 octobre 1992 concernant les droits d'accises sur les huiles minérales. Cette directive permet aux États membres, à condition qu'il soit dûment tenu compte de l'impact de l'aide sur le marché, de prévoir certaines exonérations ou des taux réduits à l'intérieur de leur territoire, notamment pour les projets pilotes visant au développement technologique de produits moins polluants.

Or, par un arrêt rendu le 27 septembre 2000, la Cour de Justice des Communautés européennes a estimé que le régime français, autorisé par la Commission sur cette base, tendait en réalité à évaluer les performances économiques et les capacités industrielles des installations de production de biocarburant existantes et n'entrait pas dans ce cadre juridique destiné aux expérimentations.

Aujourd'hui, nous nous trouvons donc devant un vide juridique et le gouvernement ne peut délivrer d'agrément pour de nouvelles usines.

Or, la production française de biocarburants ne représente qu'environ 1 % de la consommation totale de carburants. On est loin de l'objectif souhaitable, loin aussi des efforts des Etats-Unis en la matière où des usines de grande dimension sont capables de produire un éthanol en quantité importante, à faible coût. En outre, il semble que l'avance technologique américaine se confirme, notamment dans la transformation de ligno-cellulose en alcool, qui permettrait de valoriser des pailles, déchets de bois des campagnes et des villes (élagage des arbres) et d'exploiter ainsi de grandes ressources.

Cette filière offre de réelles perspectives. Il ne s'agit donc pas d'une quelconque "lubie" française, même si nous sommes particulièrement sensibles à l'impact positif de cette production tant sur l'aménagement du territoire que sur l'activité agricole.

Il nous paraît essentiel que l'Union européenne fasse, ici aussi, preuve de cohérence et dimensionne les moyens à la hauteur des objectifs. Il est temps de sortir du cadre expérimental et d'encourager la production de biocarburants à plus grande échelle.

La délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a adopté, en mai dernier, un rapport sur les biocarburants, présenté par notre collègue député François GUILLAUME, ancien ministre de l'agriculture, qui propose une exonération communautaire, du type de celle de la proposition de M me SCRIVENER de 1992 . Ce texte prévoyait que les taux d'accises applicables aux biocarburants ne pourraient pas excéder, dans chaque chaque État membre, 10 % des taux appliqués au carburant auxquels ils se substitueraient (essence ou gazole). Cela signifie que pour 100 francs de taxe, le carburant vert ne devrait pas être taxé à plus de 10 francs.

Il est vrai qu'une telle proposition risque de se heurter aux difficultés d'obtenir l'unanimité au Conseil en matière fiscale.

Dans ce cas, on peut s'interroger sur la souplesse qui pourrait être donnée au régime des aides d'État afin que chaque État membre, puisse, en fonction de son propre territoire et de sa propre politique en matière d'agriculture et d'aménagement rural, encourager les investissements industriels dans ce secteur.

Une autre option pourrait consister à mettre en place une coopération renforcée dans le domaine des carburants de substitution (cf réponse à la question n° 3)

• Au-delà, ce sont, bien sûr, les efforts en matière de recherche et de développement de l'ensemble des carburants de substitution que l'Union européenne devrait encourager. Ici aussi, les efforts devront passer par des incitations fiscales.

Certains de ces carburants ont déjà fait leurs preuves : le GPL (gaz de pétrole liquéfié) et le GNV (gaz naturel véhicules), plus adapté aux flottes captives pour l'instant ; d'autres font l'objet de recherche et sont très prometteurs : il s'agit en particulier de la pile à combustible .

Il est essentiel que l'Union européenne participe aux efforts de recherche dans ce domaine et s'efforce de coordonner les programmes nationaux.

L'action communautaire devrait également porter sur les trois volets suivants :

- Il serait nécessaire de procéder régulièrement au bilan énergique et économique relatif à l'ensemble du cycle de production de chaque type de carburant de substitution, et de veiller à ce que les aides soient limitées dans le temps . En effet, à l'issue d'une phase d'aide, une filière doit faire preuve de sa fiabilité et de sa viabilité économique . A ce stade, elle doit ensuite pouvoir prendre sa place dans le jeu de la concurrence.

- Une coordination européenne est nécessaire au niveau de la distribution des carburants , afin d'en harmoniser les conditions. Il est dommage, par exemple, que la distribution de GPL se trouve aujourd'hui freinée en France par la limitation du nombre de stations-service proposant ce carburant.

- L' encouragement à la fabrication de moteurs hybrides , permettant de passer d'un type de combustible à un autre, fait partie intégrante d'une politique volontariste en la matière.

Une telle politique doit être clairement affichée à l'égard de l'opinion publique européenne, et faire l'objet d'une communication ambitieuse , tant il est vrai que les consommateurs fondent leurs choix, certes sur les prix, mais également sur la confiance qu'ils croient pouvoir accorder à telle ou telle technologie et à ses chances de s'épanouir.

Question n° 11

Les économies d'énergie dans les bâtiments (40 % de la consommation d'énergie), qu'ils soient publics ou privés, neufs ou en rénovation, doivent-elles faire l'objet d'incitations, par exemple fiscales, ou supposent-elles également des mesures d'ordre réglementaire à l'instar de ce qui a été fait dans le secteur des grandes installations industrielles ?

Le Livre Vert affirme qu'une plus grande utilisation des technologies d'économie d'énergie disponibles et viables économiquement permettrait de réduire l'utilisation d'énergie dans les bâtiments d'au moins un cinquième, soit 40 millions de tep par an, c'est-à-dire l'équivalent de 10 % des importations actuelles de pétrole et de produits pétroliers et de environ 20 % de l'engagement de réduction d'émissions de gaz à effet de serre au sein de l'Union.

La Commission indique qu'elle proposera une réglementation sur les économies d'énergie dans les bâtiments qui remplacera les mesures simplement incitatives prises jusqu'à présent. Deux pistes sont proposées  en vue de réduire la consommation d'énergie :

- l'instauration réglementaire de seuils d'économie d'énergie dans les bâtiments . Il est envisagé d'adopter des normes de consommation énergétiques par m3 afin de mettre en place une véritable certification énergétique des bâtiments . La création de certificats énergétiques uniformisés permettrait de faire entrer la variable énergétique sur le marché immobilier ;

- l'intégration des énergies renouvelables dans les nouvelles constructions , par le biais d'obligations réglementaires relatives aux dispositifs de chauffage ou de climatisation qui seraient par exemple nécessairement couplés aux sources d'énergie renouvelables (investissements multi-énergies).

Le groupe d'études de l'énergie souscrit à ces propositions qui sont, dans l'ensemble, conformes aux conclusions du rapport de la commission d'enquête du Sénat. 6 ( * )

Il considère que l' habitat est, par excellence, un domaine où une action réglementaire est légitime dans la mesure où les intérêts du maître d'ouvrage et de l'utilisateur ne sont pas compatibles : ainsi, le maître d'ouvrage cherche à minimiser le coût de la construction au détriment du coût d'utilisation du logement sur le long terme. L'utilisateur subirait les conséquences d'un tel choix par une facture d'électricité et de chauffage accrue si la puissance publique ne venait y mettre bon ordre.

Le renforcement de la réglementation thermique dans la construction est essentiel : rappelons qu'une maison construite aujourd'hui ne consomme que 42 % de l'énergie de la même maison construite au moment du premier choc pétrolier, et à coût égal.

Si l'objectif général ne soulève pas d'objection, d'importantes difficultés se poseront quant au moyen de l'atteindre. Ces dispositions s'appliqueront-elles aux bâtiments anciens, avec tous les problèmes de mise en conformité qui en résulteraient, problèmes particulièrement importants pour les bâtiments publics (musées) et notamment ceux classés monuments historiques ? Cela paraît difficile. En revanche, un encouragement fiscal pourrait être donné aux propriétaires publics ou privés qui feraient des travaux d'économies d'énergie.

Quant à la seconde proposition, elle mérite d'être encouragée : là où les énergies renouvelables sont disponibles dans des conditions intéressantes, la fixation d'objectifs chiffrés d'intégration est peut-être un bon moyen de faciliter le décollage des énergies renouvelables, mais la prudence doit rester de mise. Le groupe d'études estime que des mesures fiscales seraient plus efficaces, comme en témoigne le succès des réductions d'impôts instituées en France pour les travaux économisant l'énergie. Ainsi, la loi de finances pour 2001 a élargi aux équipements d'énergies renouvelables les modalités d'application de l'amortissement dégressif. Ce type de mesure incitative permet de mieux prendre en compte les problèmes économiques, d'acceptabilité sociale et de solvabilité de la demande.

Le groupe d'études considère enfin que pour encourager la sobriété énergétique, il conviendrait également de responsabiliser les habitants de logements collectifs en individualisant les consommations énergétiques de chaque appartement.

Question n° 12

Les économies d'énergie dans les transports (32 % de la consommation d'énergie) supposent que soit corrigé le déséquilibre croissant des modes de transport des marchandises en faveur de la route et au détriment du rail. Ce déséquilibre doit-il être considéré comme une fatalité ou implique-t-il des mesures de redressement quelle que soit leur impopularité notamment pour rationaliser la place de la voiture dans les villes ? Comment concilier l'ouverture à la concurrence, les investissements en infrastructures permettant la suppression des goulets d'étranglement et l'inter modalité ?

Comme la Commission européenne, notre groupe d'études estime que la diminution des émissions polluantes dans le secteur des transports constitue une priorité absolue.

S'agissant du transport de personnes :

• Il semble difficile de rallier les Etats membres à des mesures autoritaires de rationalisation de la place de la voiture dans les villes.

En revanche, une politique volontariste devrait être encouragée, fondée sur une palette de mesures concernant à la fois le développement de carburants de substitution ( cf. réponse à la question n° 10 ), l'amélioration de la consommation des véhicules, le renouvellement du parc automobile ainsi que le développement des transports en commun et le rééquilibrage intermodal.

Il s'agit 7 ( * ) notamment d'encourager la recherche et de promouvoir des véhicules et des modes de transport économes en énergie, de rétablir la neutralité de la fiscalité, d'améliorer les conditions d'utilisation des véhicules, de promouvoir le véhicule électrique (surtout là où le kWh est peu polluant), de rétablir les conditions d'une concurrence équitable, en particulier en prenant mieux en compte les " externalités " dans la tarification des modes de transport.

La priorité de l'action communautaire devrait être aujourd'hui de lutter contre la pollution liée aux déplacements urbains , qui devrait représenter 45 % des rejets de CO 2 en 2010.

La fiscalité n'est qu'un instrument parmi d'autres et, dans ce domaine en particulier, il serait souhaitable que l'Union européenne encourage financièrement les opérations pilotes que les Etats ou collectivités locales décideraient d'expérimenter et qui pourraient, en cas de succès, être multipliées. Pour cela, la poursuite et l'amplification de programmes communautaires, comme par exemple Civitas, qui aide les villes dans le développement de transports publics propres, est une nécessité. Ceci étant, même les transports publics dit " propres " consomment par définition de l'énergie (GNV pour les bus, électricité pour les tramways ....). L'amélioration de l'environnement local (dans la ville concernée) peut s'accompagner d'un déplacement de la pollution ailleurs. Aussi faudrait-il réaliser des bilans coûts-avantages globaux .

Il conviendrait, par ailleurs, d' encourager des politiques ambitieuses de réaménagement de l'espace urbain . Un débat de fond devrait s'engager sur l'évolution du tissu urbain . La revitalisation des centres-villes y concourt (en particulier en France, où de nombreuses villes se sont vidées de leurs commerces de proximité) et l'organisation des villes pourrait être repensée en tenant compte de cette préoccupation (péages urbains, parkings-relais à l'entrée des villes, pistes cyclables...).

Dans ce domaine également, des actions coordonnées en matière d' éducation seraient souhaitables, en vue de favoriser l'évolution des habitudes de consommation.

S'agissant du transport de marchandises :

Pour le groupe d'études, l'intermodalité doit bien sûr constituer une priorité .

Tel est d'ailleurs l'un des objectifs du " schéma de services collectifs de transports de marchandises et de voyageurs " qui a été élaboré par la France et qui est actuellement examiné par le Sénat. Ce schéma a, en effet, pour double ambition le rééquilibrage modal de l'offre de transport et la régulation générale de la demande de transports, visant à modifier le comportement des usagers dans leurs choix de déplacements.

Priorité sera, en conséquence, accordée au fret ferroviaire et aux transports alternatifs à la route pour les transports interurbains, avec notamment un objectif de doublement du trafic de fret ferroviaire à l'horizon de dix ans.

Si on peut se réjouir d'un tel projet national, il faut craindre cependant que sa réalisation et sa pleine efficacité se heurtent à un manque de coordination au niveau européen .

C'est pourquoi, notre groupe d'études souhaite que des " corridors de fret européens " 8 ( * ) puissent se développer dans le cadre du réseau transeuropéen de fret ferroviaire, dont l'essor est subordonné à des actions coordonnées dans quatre directions :

. l'inter-opérabilité (c'est-à-dire, en particulier, un passage libre des frontières impliquant un certain nombre d'harmonisations indispensables sur le plan technique, administratif, professionnel, social ...) ;

. la dé-saturation d'un certain nombre de zones congestionnées ;

. les traversées transalpines et transpyrénéennes ;

. l'harmonisation des péages entre les États européens (le problème se pose en particulier entre la France et l'Allemagne).

De même l'Union européenne devrait-elle favoriser le financement des lourds investissements que supposent l'intermodalité et le ferroutage .

Ceci étant, ces difficultés montrent que intermodalité et ferroutage ne pourront se substituer totalement au transport par la route, d'autant qu'il convient de garder à l'esprit que ce sont les besoins spécifiques de chaque type de marchandises qui guident le choix du mode de transport.

Il convient également d'accompagner cette évolution d'un encouragement à l'électrification du réseau ferroviaire . Ainsi, à ce jour, la moitié environ du réseau français n'est toujours pas électrifié.

Enfin, le transport fluvial doit être développé car il peut, pour certains types de marchandises, constituer un mode alternatif à la route tout à fait intéressant.

Question n° 13

Comment développer des visions plus concertées et intégrer la dimension du long terme dans la réflexion et l'action des pouvoirs publics et des opérateurs pour évoluer vers un système d'approvisionnement énergétique durable ? Comment préparer les options énergétiques du futur ?

La construction européenne s'est réalisée partiellement sur le fondement des traités basés sur l'énergie (CECA et EURATOM). Cette expérience réussie du passé peut servir de référence et inspirer notre développement futur qui passe incontestablement par la mise en place d'une stratégie énergétique coordonnée au niveau communautaire.

L'Union européenne doit en effet donner les grandes orientations énergétiques grâce à une vision à long terme des choix stratégique s . Ce rôle paraît d'autant plus indispensable que l'établissement du marché intérieur nécessite non seulement un arbitre dans la compétition, mais aussi une autorité susceptible de veiller à la conciliation de l'ouverture à la concurrence et des objectifs d'indépendance énergétique et de développement durable . L'expérience californienne est là pour prouver que le marché n'est pas capable de garantir les investissements nécessaires à la sécurité d'approvisionnement sur le marché de l'électricité. Il convient d'en tirer les leçons au plan européen et de donner aux autorités communautaires les moyens d'intervention leur permettant de garantir les investissements dans les moyens de production et de distribution.

Aussi le groupe d'études de l'énergie approuve-t-il l'initiative de la Commission européenne qui, par le biais de ce Livre Vert, a su lancer une consultation indispensable et constituant une première approche concertée de la réflexion sur les questions énergétiques , puisque des réponses sont attendues tant des pouvoirs publics (gouvernements et parlements des Etats membres) que des opérateurs industriels ou des associations de consommateurs,ce dont le groupe d'études ne peut que se réjouir.

Le groupe d'études souligne que compte tenu de l'inertie qui caractérise les retombées des décisions dans le secteur énergétique, les jeux sont déjà faits à l'horizon 2020, et que c'est dès aujourd'hui qu'il faut préparer les options énergétiques du futur.

C'est un travail difficile et de longue haleine qui suppose la mobilisation de tous les citoyens. Le groupe d'études estime nécessaire de tenir compte de l'expérience et de l'expertise des différents acteurs du secteur énergétique.

Il serait regrettable de compromettre l'efficacité et la sérénité de la réflexion par des considérations de prééminence d'initiatives ou des conflits d'autorité.

Le groupe d'études s'interroge, à cet égard, sur l'articulation de la politique communautaire dans les domaines de l'énergie et de l'environnement, questions qui sont désormais étroitement liées. En effet, au niveau de la Commission européenne, la Direction générale de l'Energie et des Transports fait des recommandations, mais ce sont les ministres de l'environnement qui sont chargés de négocier dans les conférences internationales sur l'application du protocole de Kyoto, et c'est donc la Direction générale de l'Environnement qui est maître d'oeuvre....

Il semble indispensable dans ce domaine de tendre vers une meilleure coordination des stratégies et des propositions à l'échelon communautaire car si l'Union européenne veut être crédible, elle doit parler d'une seule voix, une voix cohérente. Comment espérer harmoniser les politiques des Etats membres dans des domaines aussi sensibles que la fiscalité ou la stratégie énergétiques si la Commission européenne a des difficultés en son sein d'aboutir à une position unique ?

Par ailleurs, plusieurs pays en voie d'adhésion (notamment les PECO) vont entrer dans les prochaines années dans une phase de rattrapage économique qui entraînera d'importants besoins énergétiques. Dans ce contexte, ils ne pourront pas se passer de sources d'énergie économiquement compétitives et qui devraient être peu émettrices de gaz à effet de serre. Ils doivent donc dès à présent être associés à la réflexion européenne, car leur choix d'aujourd'hui contribueront largement au paysage énergétique de demain.

Enfin, il serait intéressant que l'Union européenne qui entend poursuivre son effort d'aménagement du territoire via les fonds structurels intègre un aménagement énergétique du territoire .

Le groupe d'études de l'énergie souligne que si les sources d'énergie sont actuellement présentes en abondance, elles ne répondent pas toutes aux besoins économiques, aux contraintes environnementales, aux préoccupations politiques et à celles de l'opinion publique. Même si, à un moment donné, une source d'énergie est favorisée par rapport à une autre, il ne faut pas tomber dans le piège de la dépendance excessive d'une seule source ou du rejet définitif d'une autre. Il serait absurde de jeter l'anathème sur l'une ou l'autre des énergies, puisque nous aurons besoin de toutes.

C'est pourquoi notre groupe d'études, reprenant les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur la politique énergétique de la France, souligne le caractère indispensable du maintien de la recherche sur toutes les filières énergétiques en vue de l'amélioration des technologies existantes.

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Les réponses formulées l'ont été avec un souci de concision et de réalisme, tendant à concilier la responsabilité des dirigeants européens et nationaux, la préoccupation de progrès et de développement des Etats membres, le souci permanent de la protection de l'environnement et enfin les aspirations légitimes de chaque Européen à une amélioration de ses conditions de vie, mais dans une société solidaire.

ANNEXES

- Liste des entreprises, organismes ou fédérations professionnelles consultés par le groupe d'études de l'énergie.

- Programme du déplacement à Bruxelles (le 24 janvier 2001).

- Présentation du bilan énergétique de l'Union européenne et des Etats membres.

- Sources de la production d'électricité dans l'Union européenne.

CONTRIBUTION AU DÉBAT EUROPÉEN

SUR LA STRATÉGIE ÉNERGÉTIQUE

Si aucune mesure n'était rapidement arrêtée, l'Union européenne, d'ici une vingtaine d'années, couvrirait par des produits importés 70% de ses besoins énergétiques contre 50% aujourd'hui. Cette prévision, conjuguée à l'envolée des cours des produits pétroliers, remet sur le devant de la scène le problème de notre indépendance énergétique et montre que cette dernière doit constituer une priorité.

Attentive à cette préoccupation, la Commission européenne a pris l'initiative de lancer un débat sur ce sujet en publiant un Livre Vert sur la stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique.

Parce qu'il estime que seule une politique volontariste permettrait de garantir la sécurité d'approvisionnement, le respect de l'environnement dans le cadre des engagements internationaux et la compétitivité des entreprises européennes, le groupe d'études de l'énergie du Sénat a décidé de contribuer à cette réflexion par le biais du présent document.

* 1 Voir Rapport n° 439- 1997-1998 sur la politique énergétique de la France.

* 2 Voir la liste en annexe

* (1) Pour plus de détails, se reporter au rapport précité de la commission d'enquête pages 319 et suivantes

* 2 Ainsi, un terminal de réception de GNL de 3,5 milliards de m 3 revient à 250 millions d'euros et 100 kms de réseau haute pression, à 100 millions d'euros.

* 3 L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques est d'ailleurs saisi d'un rapport sur l'état de développement et l'avenir des piles à combustible.

* 4 Cette part est, à l'heure actuelle, de 34 % (cf annexe).

* 5 Voir rapport précité, page 135

* 6 Cf Rapport précité sur la politique énergétique de la France, page 161

* 7 Voir le rapport précité de la commission d'enquête (pages 168 et suivantes).

* 8 Il existe à l'heure actuelle deux corridors de fret passant par la France et reposant sur des accords de coopération entre chemins de fer.

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