2. Des éléments de fragilité économique qui persistent

a) Une " soutenabilité " discutée de la politique de change

Soucieuses de préserver leur indépendance, les autorités malaisiennes se sont donc démarquées des recommandations du FMI en appliquant une politique de change originale, très critiquée dans un premier temps. Aujourd'hui, la sous-évaluation du ringgit consécutive à l'instauration d'un système de change contrôlé, à parité fixe, si elle confère un avantage compétitif à l'exportation, n'est pas dénuée de risques. Les experts en identifient plusieurs :

- il existe un risque " d'inflation importée " lié à la reprise de la demande intérieure. En effet, même si les importations malaisiennes sont composées à 73 % de biens intermédiaires destinés à être transformés ou réexportés, 6,1 % du total sont des biens de consommation ;

- le second risque avancé par certains analystes, est celui de la constitution d'une bulle spéculative . Le prix des actifs pourrait, en effet, être artificiellement entraîné à la hausse par la faiblesse de la parité du ringgit, ce qui détournerait les investisseurs des investissements physiques ;

- enfin, il est clair que l'avantage artificiel que procure une compétitivité-coût liée à la parité monétaire ne pousse pas les entreprises malaisiennes à effectuer les restructurations qui peuvent s'avérer nécessaires.

De même, la politique monétaire expansionniste de la banque centrale, permise par le contrôle des changes, diminue le montant des remboursements en monnaie locale auxquels les entreprises ont à faire face. Cet allégement du service de la dette n'est pas de nature à les inciter à se défaire des actifs non productifs qu'elles possèdent, ni à envisager une refonte de leurs activités.

Or, certains secteurs dont la production est destinée au marché intérieur (immobilier-construction ; sidérurgie ; sociétés de transport urbain ; télécommunications) souffrent de surcapacité et n'effectuent pas les restructurations nécessaires (dans plusieurs cas, un appel aux excédents de la société Petronas ou à un fonds d'investissement public a été effectué pour leur apporter un nécessaire soutien financier.

b) Un libéralisme " tempéré "

Malgré sa politique très volontariste d'insertion dans les échanges internationaux, la Malaisie a maintenu certaines restrictions dans l'accès à son marché.

En matière d'importation , des produits intéressant directement l'industrie française, et aussi divers que les pièces détachées automobiles, les véhicules, les engins de travaux publics ou les vins sont soumis à des régimes de licence préalable.

Dans les secteurs industriels naissants ou stratégiques , la délivrance préalable d'une licence constitue parfois un moyen de protéger les industries locales. Des produits étrangers concurrents des productions locales, tels que le ciment, les câbles téléphoniques et électriques ou certains produits agro-alimentaires sont soumis à l'obtention de licences spéciales difficiles à obtenir.

S'agissant d'investissement direct , le code des investissements, bien que récemment assoupli, laisse persister des obstacles à l'investissement dans les secteurs en concurrence avec les industries malaisiennes existantes (par exemple, l'emballage papier, l'industrie métallique, les câbles, l'imprimerie).

Dans le secteur des services , les règles relatives à l'investissement étranger demeurent assez contraignantes : restrictions dans le secteur des services financiers, impossibilité d'établissement pour les professions libérales.

Il est d'ailleurs significatif d'observer que, lors de son dernier sommet, l'ASEAN ait décidé de permettre à la Malaisie de maintenir, jusqu'en 2005, les droits de douane élevés qu'elle impose aux importateurs de véhicules et de pièces détachées automobiles 22 ( * ) , en dépit du calendrier de libéralisation douanière programmée dans le cadre de l'AFTA 23 ( * ) .

L'ouverture du marché malaisien automobile est toute relative, comme le montre le graphique suivant :

PARTS DE MARCHÉ DANS L'AUTOMOBILE EN MALAISIE

Cette décision de l'ASEAN a d'ailleurs été critiquée aux Etats-Unis et en Europe. Les constructeurs japonais ont quant à eux basé, depuis les années 1970, leur stratégie sur le postulat d'un maintien des obstacles tarifaires en matière automobile. Ils ont ainsi dispersé leurs unités de production au sein de l'ASEAN. Les constructeurs américains (GM, FORD) et européens (BMW, VOLVO) ont en revanche concentré l'essentiel de leurs capacités de production en Thaïlande, misant sur l'ouverture imminente du premier marché de la région, celui de la Malaisie, la proximité et la concentration de leurs usines leur permettant de réaliser des économies d'échelle importantes par rapport à leurs rivaux japonais. L'absence d'ouverture du marché malaisien est donc particulièrement pénalisante pour les constructeurs occidentaux.

* 22 Droits qui s'élèvent à 45 % pour les pick up par exemple.

* 23 Asian Free Trade Area, zone de libre échange asiatique.

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