C. LA RECHERCHE A BORD DE LA STATION SPATIALE INTERNATIONALE

Le programme scientifique d'étude et d'exploitation des conditions de micropesanteur s'inscrit dans le cadre du programme d'utilisation de la Station Spatiale Internationale. Avec le lancement, fin 2000, du premier équipage permanent de la Station Spatiale Internationale (ISS) et l'assemblage, début 2001, du laboratoire américain Destiny, un pas a été franchi dans la consolidation de ce programme, après bien des difficultés et des retards. Le CNES et la communauté scientifique devront tirer le meilleur parti de ce laboratoire en orbite dont la durée de vie prévue va jusqu'en 2015. La participation de l'Europe à l'utilisation de la Station est consacrée de façon prioritaire au développement de grands laboratoires qui équiperont le module de recherche européen Columbus, dont la date de lancement prévue est octobre 2004. Il s'agit du laboratoire de biologie Biolab, du laboratoire de physiologie EPM, du laboratoire de sciences des matériaux MSL et du laboratoire de sciences des fluides MSL.

Le CNES s'attachera, dans le futur programme européen des sciences de la vie et de la matière, à développer leur utilisation. La possibilité de réaliser des missions habitées sur le segment russe de la Station permettra d'augmenter de façon significative, surtout dans les premières étapes du programme, les opportunités de vol des astronautes européens. Les expériences suborbitales, et en particulier les vols paraboliques, aident à préparer les expériences qui seront embarquées sur la Station grâce à l'Airbus A300 0g qui accomplit chaque année 6 campagnes, dont 2 pour le compte du CNES.

Il conviendra avant tout d'utiliser avec pertinence la microgravité dans la Station spatiale internationale. La micropesanteur fournit des conditions expérimentales originales, non reproductibles au sol, pour des études fondamentales ou appliquées en physique, chimie et biologie, dans des conditions de transport de la chaleur et de la matière bien contrôlées. C'est particulièrement vrai en physique des fluides et les travaux sur le transport dans les fluides supercritiques ont donné des résultats remarqués.

La maturité scientifique et opérationnelle acquise grâce aux missions sur MIR, permet d'aborder, avec efficacité, l'étape nouvelle que représente l'ISS, laboratoire orbital utilisable de façon permanente. La France participe à l'utilisation de la Station Spatiale Internationale essentiellement à travers l'ESA, en étant le deuxième contributeur européen à la participation européenne dans l'ISS. Pour autant, la France conserve la possibilité de coopération bilatérale avec d'autres partenaires.

En sciences de la Vie, les perspectives sont de deux ordres : la médecine spatiale d'une part, et la recherche appliquée autour de la génomique et des biotechnologies d'autre part.

Dans le domaine des sciences de la Vie, on poursuivra le programme de suivi médical des cosmonautes russes (CARDIOMED), ainsi que les mesures pré et post-vol lors de vols de courte et longue durée en collaboration avec les instituts russes. On poursuivra par ailleurs le développement du projet franco-allemand CARDIOLAB, destiné à la recherche cardiovasculaire qui équipera en 2004 le module de physiologie EPM à bord du laboratoire européen COLUMBUS de la Station Spatiale et la phase préparatoire du projet SENS destiné à la recherche neurosensorielle. Ces activités seront complétées par des simulations au sol en décubitus de courte et longue durée et par l'utilisation du modèle animal (rongeur).

Ces travaux ont des applications évidentes pour le suivi de la santé des équipages des missions spatiales habitées. En vue des futures missions interplanétaires, on entreprendra un programme préparatoire sur les conséquences physiologiques et psychologiques de l'isolement et du confinement, ainsi que sur les effets cumulatifs des rayonnements.

Dans le domaine de la biologie des réflexions sont engagées sur deux thèmes. Le premier est l'étude des effets de l'environnement spatial sur l'expression des gènes à travers plusieurs générations successives : on prévoit en particulier de participer, avec l'ESA et l'ASI, à un programme sur le développement des petits rongeurs à bord de la Station spatiale. Le modèle expérimental a été choisi pour trois raisons : c'est un mammifère, son patrimoine génétique est bien connu et l'on peut obtenir rapidement un nombre important de générations. L'objectif est de comprendre notamment le rôle structurant de la pesanteur dans la mise en place des fonctions cognitives et sensorimotrices. En effet, le développement des systèmes nerveux et musculaire, sur le plan phénotypique pour ce dernier, repose sur l'interaction permanente de mécanismes génétiquement programmés et d'une expérience précoce et progressive de l'environnement, et particulièrement de la pesanteur.

Des réflexions sont également amorcées dans les domaines de la génomique et de la protéomique dans la perspective des futures missions spatiales automatiques et d'étude in situ de corps éloignés du système solaire. Il s'agit d'une part de la mise au point de capteurs biologiques, protéines spécifiques ou ADN, pour la mesure d'éléments environnementaux et, d'autre part, d'éléments appelés « puces biologiques » qui, à long terme, pourraient se substituer aux composants électroniques utilisés aujourd'hui dans les missions spatiales de longue durée.

La Station spatiale internationale permettra aussi de développer un programme de recherche en sciences de la Matière. Il ne s'agit pas là d'envisager une quelconque activité de production, économiquement non rentable dans les conditions opératoires de l'ISS, mais d'expérimentations permettant d'atteindre des précisions inaccessibles au sol dans la mesure de grandeurs physiques, et notamment des coefficients de transport (diffusion, thermodiffusion,...), pour des matériaux d'intérêt industriel : impuretés ou dopants dans les semiconducteurs liquides, alliages métalliques complexes, etc. Ces mesures permettront d'améliorer les outils de modélisation des procédés de fabrication au sol, notamment en métallurgie et en cristallogénèse. Les conditions de microgravité devraient également permettre des progrès majeurs dans la compréhension du comportement dynamique des poudres et dans l'étude des mousses.

Ainsi, le projet DECLIC, récemment décidé par le CNES, est dédié à l'étude des fluides critiques à haute température et haute pression. L'instrument DECLIC (Dispositif pour l'Etude de la Croissance et des Liquides Critiques) est la poursuite de Alice II sur MIR. Il s'agit d'un minilaboratoire intégré comportant des diagnostics optiques et thermodynamiques ainsi que des thermostats haute pression et haute température. Il sera installé dans le module américain Destiny en 2004. Ces études tiendront une place de premier plan dans le génie des procédés de demain avec la combustion dans l'eau, la destruction des déchets à basse température, l'élaboration de poudres ou de céramiques ou encore la dépollution des sols.

La micropesanteur jouera aussi son rôle d'outil incontournable d'exploration d'une physique nouvelle qui est subie par les technologies spatiales, comme les moteurs réallumables en orbite ou les échangeurs thermiques diphasiques. L'approfondissement de cette physique, en relation étroite avec les besoins des techniques spatiales de base, constitue l'application industrielle la plus évidente et immédiate des recherches en micropesanteur. D'autres thèmes donnent lieu à des travaux préparatoires prometteurs : milieux aléatoires instables en pesanteur normale (mousses, gels, milieux granulaires), fluides cryogéniques, combustion.

Des recherches plus appliquées porteront aussi sur la mesure avec une précision non accessible au sol de propriétés thermophysiques (coefficients de transport croisés) afin d'améliorer les outils de modélisation des procédés d'élaboration au sol. Toutes ces réflexions et les travaux préparatoires qui les accompagnent vont se poursuivre. Comme pour les expériences déjà sélectionnées, tels DECLIC et PHARAO, toutes les expériences nouvelles devront être soumises au crible de la pertinence scientifique en microgravité. C'est à cette condition que ces expériences pourront se développer dans la continuité et que nous pourrons avoir confiance dans l'excellence scientifique des recherches menées sur la Station spatiale internationale. En particulier, les modèles prédictifs élaborés au sol, qu'il s'agisse de modèles numériques ou de lois d'échelles, permettent désormais de prédire à quel niveau de microgravité résiduelle doivent être réalisées les expériences dans l'espace. On peut ainsi déterminer a priori, pour l'étude d'un phénomène physique donné, si les conditions d'une station (~10-4g) permettent d'atteindre les objectifs fixés ou si un vol autonome (~10-6 g) s'avère nécessaire.

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