V. LES NOUVEAUX ENJEUX

A. LA REDÉFINITION DU SERVICE PUBLIC

1. La reconnaissance par Bruxelles des services d'intérêt général

D'une manière générale, le droit communautaire reconnaît la spécificité des entreprises publiques ou chargées d'intérêt général, qui peuvent déroger aux règles ordinaires du droit de la concurrence relatives aux ententes et aux abus de position dominante, sous le contrôle de la Commission. Le traité d'Amsterdam a inséré dans le traité CE un article 16 relatif aux services d'intérêt économique général qui dispose que « sans préjudice des articles 73, 86 et 87, eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, la Communauté et ses Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions ».

Par nature, le système des transports apparaît particulièrement désigné pour renforcer la cohésion territoriale de l'Union européenne. C'est d'ailleurs le seul domaine du droit communautaire initial où la notion de service public soit reconnue en tant que telle. L'article 73 du traité CE dispose que « sont compatibles avec le présent traité les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ».

La Commission a publié au mois de septembre 2000 une communication sur les services d'intérêt général en Europe, qui précise la manière dont elle veut concilier les règles communautaires de la concurrence et du marché intérieur avec la compétence des Etats membres pour définir et organiser librement leurs services publics. Cette communication a donné lieu à une déclaration sur les services d'intérêt économique général lors du sommet de Nice, les 7 et 8 décembre 2000, qui considère notamment que « doit être précisée l'articulation des modes de financement des services d'intérêt économique général avec l'application des règles relatives aux aides d'Etat. En particulier devrait être reconnue la compatibilité des aides destinées à compenser les coûts supplémentaires entraînés par l'accomplissement de mission d'intérêt économique général, dans le respect de l'article 86.2.»

La desserte des îles constituent un cas à part. Dans la plupart des Etats membres, des contrats de service public ont été conclus pour assurer leur desserte. Deux textes communautaires sont applicables en la matière :

- le règlement cabotage permet aux Etats membres d'imposer des obligations de service public afin d'assurer la suffisance des services de transport réguliers à destination et en provenance d'îles, pour autant que les conditions de nécessité et de non-discrimination soient respectées et que la Commission soit consultée ;

- les orientations communautaires sur les aides d'Etat au transport maritime encadrent l'octroi de subventions en faveur des compagnies qui assurent des obligations de service public sur des routes qui ne sont pas commercialement viables, et préconisent le recours à un appel d'offre.

2. L'introduction de la concurrence dans les transports publics

La Commission a adopté le 26 juillet 2000 un projet de règlement sur les exigences de service public dans le transport de voyageurs (COM (2000) 7 final - E 1587), qui vise à en améliorer les performances et la transparence grâce à un principe de « concurrence régulée ». Ce texte est présenté comme une adaptation du cadre juridique existant à la situation née de l'ouverture à la concurrence des transports publics dans onze des quinze Etats membres et de l'émergence d'opérateurs internationaux puisque, au début de l'année 2000, au moins neuf entreprises publiques ou privées fournissaient des services de transport public dans plus d'un Etat membre.

Actuellement, la législation communautaire ne permet aux opérateurs d'effectuer des services nationaux que dans des cas très limités, sauf à s'établir dans l'Etat membre concerné et à participer aux procédures prévues par sa législation nationale. Le texte proposé par la Commission vise à harmoniser les procédures d'adjudication existant dans les différents Etats membres et à renforcer la sécurité juridique tant des opérateurs que des autorités au regard des aides d'Etat et des droits exclusifs dans le secteur des transports.

Le projet de règlement pose la règle générale selon laquelle les interventions des autorités dans le secteur prennent la forme de contrats de service public d'une durée de cinq ans attribués par appels d'offres.

Toutefois, les autorités pourront déroger à la procédure d'appel d'offres et conclure des contrats de service public avec un opérateur déterminé en dessous d'un seuil annuel de 800.000 euros, ainsi que lorsque les normes de sécurité de certains services ferroviaires et l'efficience d'un système de métro seraient mises en danger. Dans le cas de la France, la SNCF et la RATP devraient être les principales entreprises concernées par cette possibilité de dérogation à l'obligation de mise en concurrence.

Des dispositions sont également prévues afin de contrôler les concentrations dommageables et de protéger les employés en cas de changement d'opérateur.

En France, le Groupement des autorités responsables des transports (GART) s'est inquiété de l'atteinte portée à l'autonomie des collectivités locales, qui pourraient se voir interdire par le règlement de gérer directement en régie leur réseau de transport ou de faire appel à la gestion déléguée. La durée de cinq ans prévue pour les contrats de service public apparaît par ailleurs trop courte pour permettre l'amortissement des investissements nécessaire au développement des réseaux. Selon la Communauté des chemins de fer européens (CCFE), une durée de concession de 15 à 20 ans serait requise en matière de transport ferroviaire.

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