B. L'AUGMENTATION DE LA CROISSANCE POTENTIELLE GRÂCE A LA « NOUVELLE ÉCONOMIE » : UNE CROISSANCE MOINS RICHE EN EMPLOIS, MAIS AVEC UN TAUX DE CHÔMAGE NON INFLATIONNISTE PLUS FAIBLE ?

Compte tenu de la difficulté de concilier croissance riche en emplois et diminution du taux de chômage structurel, on pourrait juger préférable, pour se rapprocher du taux de chômage de plein emploi, d' augmenter le taux de croissance du PIB. Sur une période de dix ans, cela semble impliquer l'augmentation du taux de croissance potentielle (ou tendancielle) de l'économie.

• Ainsi, selon M. PISANI-FERRY , pour atteindre un taux de chômage de 5 % en l'an 2010 « l'économie française devra (...) compter sur l'offre, c'est-à-dire sur l'amélioration qualitative de son insertion internationale, la formation et la recherche, l'innovation et l'investissement ».

De même, le Gouvernement estime que la croissance potentielle est temporairement accrue par rapport aux années 1990. Du fait notamment d'une intensification de l'effort d'investissement, elle serait pour les années qui viennent de l'ordre de 3 % 30 ( * ) .

Ces phénomènes correspondent à ce qu'on appelle la « nouvelle économie ». On rappelle que cette expression désigne une accélération de la productivité du travail (c'est-à-dire de la production par travailleur) et du progrès technique (c'est-à-dire de la part de la croissance qui ne peut être expliquée par la seule augmentation de la main-d'oeuvre et du capital) consécutive à des investissements importants, en particulier en « technologies de l'information et de la communication » (TIC), comme cela a pu être observé aux Etats-Unis depuis 1995 31 ( * ) .

• Cependant, les travaux du COE suggèrent qu'une telle augmentation de la croissance potentielle n'accélérerait pas significativement la diminution du taux de chômage.

Son seul effet bénéfique sur le taux de chômage serait, éventuellement, de susciter une diminution du taux de chômage non inflationniste.

Par rapport aux scénarios de croissance riche en emplois, le retour à un taux de chômage de l'ordre de 5 % pourrait donc être lent (c'est-à-dire postérieur à l'an 2010), mais il serait moins incertain.

En points de chômage ou de PIB.

Source : COE, modèle OEF.

1. Faible impact sur le taux de chômage du progrès technique et du taux d'investissement, s'ils ne suscitent pas de diminution du taux de chômage non inflationniste

Tout d'abord, les travaux du COE suggèrent qu'une augmentation du progrès technique ou du taux d'investissement n'aurait en elle-même qu'un faible impact sur le taux de chômage.

Votre Rapporteur estime donc une fois de plus nécessaire de mettre en garde contre certains « effets de mode » liés à la « nouvelle économie ». Outre le fait que la diffusion à la France des phénomènes correspondant à la « nouvelle économie » ne va pas de soi 32 ( * ) , cette dernière serait peut-être peu bénéfique à l'emploi.

• Le progrès technique se définit comme la part de la croissance qui ne découle pas d'une augmentation des facteurs travail et capital. Ainsi, une augmentation du progrès technique peut très bien n'avoir aucun impact sur l'emploi.

Le modèle OEF suggère qu'effectivement, tel ne serait pas le cas. En retenant l'hypothèse d'un progrès technique accru de + 0,3 point par an (ce qui est inférieur aux estimations du gain de progrès technique aux Etats-Unis depuis 1995, généralement comprises entre + 0,5 et + 1 point), la croissance serait accrue de l'ordre de + 0,3 point par an , mais le taux de chômage serait réduit de seulement 0,1 point au bout de dix ans (cf. tableau 8 B de l'annexe 1).

• Le modèle OEF suggère également qu'une augmentation du taux d'investissement aurait un impact non significatif sur le taux de chômage.

Ce résultat, apparemment paradoxal, peut être expliqué relativement simplement. Certes, on pourrait s'attendre à ce qu'une augmentation du taux d'investissement permette en quelque sorte d'« acheter les machines » devant être utilisées par les anciens chômeurs ou inactifs. Cependant, l'augmentation du stock de capital permet d' accroître la productivité du travail (c'est-à-dire la production par travailleur), ce qui rend la croissance moins riche en emplois (autrement dit, pour une production donnée, le fait d'acheter des machines peut permettre d'utiliser moins de main-d'oeuvre).

Ainsi, selon le modèle OEF, une augmentation de 5 points du taux de croissance annuel de l'investissement au cours des 4 premières années de la simulation susciterait une diminution du taux de chômage de seulement 0,1 point au bout de dix ans.

L'augmentation du taux d'investissement ne serait bénéfique qu'à la croissance , qui serait accrue de 0,4 point par an les 5 premières années (cf. tableau 9 de l'annexe 1).

L'impact sur le taux de chômage serait d'autant plus faible que l'augmentation de la demande consécutive aux flux d'investissement susciterait une spirale prix-salaires , c'est-à-dire une accélération auto-entretenue de l'inflation.

• Dans ces conditions, la solution ne consisterait-elle pas en une combinaison de ces deux scénarios ?

En effet, contrairement à ce qui était le cas dans le scénario précédent, l'augmentation du progrès technique permettrait d'éviter l'apparition de tensions inflationnistes.

Le modèle OEF suggère cependant que l'impact sur le taux de chômage demeurerait peu significatif (de l'ordre de - 0,3 point au bout de dix ans) (cf. tableau 10 de l'annexe 1).

Ce scénario serait en revanche le plus performant en terme de croissance parmi ceux envisagés (PIB accru de 4,8 % en l'an 2010).

* 30 « D'ici 2005,notre économie peut tabler sur un rythme de croissance potentielle de l'ordre de 3 % » (Direction de la Prévision, Perspectives macroéconomiques 2001-2002 , mars 2001).

* 31 En fait, cette notion permet de regrouper l'ensemble des facteurs susceptibles de permettre une augmentation de la croissance potentielle, à l'exception de la croissance de la force de travail (dont on étudiera l'impact dans la seconde partie de ce chapitre).

* 32 Cf. le rapport d'information de votre Rapporteur pour votre Délégation, Perspectives macroéconomiques à moyen terme (2000-2005) (n° 79, 2000-2001) . L'augmentation du progrès technique observée aux Etats-Unis depuis 1995 semble concentrée dans les secteurs producteurs de nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui ont un poids dans l'économie américaine plus important que dans l'économie française.

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