t) Direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes (DIGITIP) du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie - Mardi 22 mai 2001

- Mme Jeanne Seyvet , Directrice générale ;

- M. Benoît Battistelli , chef du service de l'environnement économique international et de l'emploi ;

- M. Gérald Petit , responsable de la mission « propriété industrielle », sous-direction de l'innovation et de la propriété industrielle

Mme Jeanne Seyvet - Les Etats membres de l'Union européenne sont politiquement déterminés à faire aboutir le brevet communautaire, comme l'inscription répétée de cette question à l'ordre du jour des Conseils de chefs d'Etat et de Gouvernement (à Feira, Nice et Stockholm) l'a montré. Ce fut le cas également de réunions des 15 ministres en charge de l'industrie. Il est donc possible d'aboutir, d'ici à la date fixée de la fin 2001, à un compromis, sinon sur l'ensemble, au moins sur les sujets les plus difficiles.

A l'origine de la démarche, s'est posée la question de l'insertion du brevet communautaire dans le système de la Convention de Munich et il a été décidé que la Communauté adhérerait à la Convention et que le brevet communautaire serait un brevet européen désignant la Communauté européenne. La question de l'évolution parallèle des deux systèmes se pose : l'Allemagne souhaitait, par exemple, l'inscription d'une « clause de sauvegarde » permettant de bloquer, par un droit de veto, une éventuelle évolution de l'OEB contraire au droit communautaire, par exemple pour la brevetabilité du génome ou des logiciels.

M. Benoît Battistelli - Il existe, dans le système de l'OEB, une possibilité de vote aux trois-quarts des voix au conseil d'administration, ce qui n'est qu'une garantie relative au plan communautaire car sa mise en oeuvre suppose une position commune des Quinze. En outre, la pondération des votes (1 état = 1 voix) n'est pas la même qu'au sein des instances communautaires. La France plaide pour que le brevet communautaire se place dans le système de Munich, avec une recherche, un examen et une délivrance du titre par l'OEB.

M. Francis Grignon - Comment envisagez-vous la perspective d'une sous-traitance à des offices nationaux de brevets des demandes de brevets communautaires ?

M. Benoît Battistelli - La France s'oppose à un système qui équivaudrait à un retour en arrière. L'Espagne, la Suède, le Danemark, l'Allemagne et la Grande-Bretagne font pression pour obtenir une sous-traitance de la part de l'OEB. Mais la centralisation du système à l'OEB est un gage de neutralité et d'expertise technique : à l'OEB sont présents 1.200 examinateurs de recherche, ce qui en fait un pôle de compétences sans égal en Europe. On peut se demander s'il n'est pas préférable de ne pas faire le brevet communautaire plutôt que d'avaliser une régression par rapport au système de l'OEB.

Pour le volet juridictionnel du brevet communautaire, il existe un accord entre les Quinze pour que :

- la compétence soit communautaire dès la première instance ;

- avec une décentralisation au sein des Etats membres de ces tribunaux communautaires de première instance. La France, qui a, un temps, soutenu une centralisation en première instance à Luxembourg, peut accepter une déconcentration, pour favoriser la proximité géographique entre les tribunaux et les plaignants.

S'agissant du régime linguistique du brevet communautaire, la France est attachée au maintien du français comme langue de travail de l'OEB. Un régime linguistique à cinq ou onze langues serait trop coûteux. Il faut donc trouver un compromis qui contente tous les Etats membres. Ce compromis pourrait être :

- une traduction systématique des revendications et d'un résumé dans les onze langues de la Communauté, 18 mois après le dépôt de la demande ;

- les descriptions n'étant rédigées que dans l'une des trois langues de travail de l'OEB.

Pour que le français reste une langue technologique forte, mieux vaut en faire un outil de veille technologique, avec une traduction, même partielle, au moment de la publication (18 mois après la demande) plutôt qu'obliger à des traductions systématiques, coûteuses et peu consultées, à la délivrance.

S'agissant de la répartition du produit des taxes de maintien en vigueur du brevet communautaire, la France n'est pas favorable à ce que ces taxes soient considérées comme une ressource communautaire et souhaite une répartition (par exemple 50/50) entre l'OEB et les offices nationaux, pour des actions de sensibilisation à la propriété industrielle.

M. Francis Grignon - Pensez-vous nécessaire l'instauration d'un délai de grâce ?

Mme Jeanne Seyvet - Le ministère de la recherche était sensibilisé à cette question qui concerne en premier lieu les chercheurs, mais le délai de grâce est considéré par les acteurs économiques comme une période d'incertitude supplémentaire. Il est d'ailleurs peu utilisé aux Etats-Unis où il existe, même si le système du premier inventeur en vigueur dans ce pays le rend particulièrement important. Au plan international, les travaux sur ce thème n'ont pas encore abouti.

M. Francis Grignon - Où en est la réflexion sur l'instauration d'une assurance-litige en propriété industrielle ?

M. Benoît Battistelli - Si on analyse les causes du non-dépôt de brevets par les PME, ressortent :

- leur manque d'information ;

- un coût jugé élevé (celui des traductions principalement) ;

- la difficulté à défendre son brevet (il faut actuellement faire un procès dans chaque pays pour lequel est valable le brevet européen).

Le ministère chargé de l'industrie est favorable à l'étude d'un mécanisme d'assurance-litige en matière de brevets. Il aurait certainement un impact psychologique important pour les PME. Le Danemark a relancé cette idée à l'échelon communautaire.

Mme Jeanne Seyvet - L'assurance-litige n'est pas une question nouvelle. Ce n'est pas non plus une question facile. Elle se pose avec une acuité particulière dans le domaine du brevet européen.

M. Benoît Battistelli - Pour déposer un brevet, le recours à un conseil externe est indispensable pour une PME. Les crédits des fonds régionaux d'aide au Conseil (FRAC) pourraient être réorientés sur l'objectif « propriété industrielle ».

Mme Jeanne Seyvet - En matière de sensibilisation au brevet, l'INPI a mené plusieurs actions, -sensibilisation sur le terrain ; campagnes radio ; projets pilotes « propriété industrielle et veille stratégique »...-,. Un bilan est en cours pour relancer les actions les plus efficaces.

M. Francis Grignon - Je suis frappé par la différence entre la France et l'Allemagne à ce sujet.

M. Benoît Battistelli - Il faut dire que le tissu industriel de ces deux pays est très différemment composé. Il existe en Allemagne un nombre important de grosses PMI, qui sont des déposants importants. Ces entreprises font défaut en France.

Mme Jeanne Seyvet - Un travail de sensibilisation générale reste nécessaire. Les conseils en propriété industrielle seraient de bons relais. Un réseau de diffusion technologique a été mis en place pour accroître l'impact de l'action publique en matière d'innovation, auquel participent les DRIRE, l'ANVAR et les chambres de commerce, notamment. Les partenaires de ce réseau proposent une aide au partenariat technologique, financé sur le budget de l'ANVAR, qui soutient le dépôt de premier brevet en France ou une première prestation technologique.

Dans le cadre de la consultation communautaire, le ministère de l'industrie a mis en place un groupe de travail sur le brevet en matière d'inventions mises en oeuvre par ordinateur. Sur ce sujet du brevet logiciel, pour lequel une directive est attendue à l'automne, les avis sont à ce stade très partagés.

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