SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC)

Par M. Charles DESCOURS,

Sénateur.

LE FONDS DE FINANCEMENT
DES TRENTE-CINQ HEURES :

UN DÉFICIT STRUCTUREL, UNE EXISTENCE VIRTUELLE,
UNE MENACE RÉELLE
SUR LES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

NB : Le présent rapport, adopté par la commission des Affaires sociales lors de sa séance du 5 avril 2001, est le premier d'une série de travaux sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 qui feront l'objet de communications échelonnées jusqu'à fin mai (contrôles du fonds de réserve des retraites, des fonds médicaux et du fonds d'investissement pour les crèches, analyses des comptes à mi-parcours à l'issue de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai). Ces différents travaux seront regroupés pour une publication définitive, mi-juin, sous la forme d'un rapport d'information unique.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen des lois de financement de la sécurité sociale n'est pas un exercice rituel qui réunit le Parlement quelques jours à l'automne ; c'est un travail tout au long de l'année qui mobilise les rapporteurs de votre commission pour suivre l'application de la loi votée et réunir, en amont, les éléments nécessaires à une analyse pertinente du prochain projet de loi.

L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 prévoit en effet que les rapporteurs des projets de loi de financement de la sécurité sociale ont le pouvoir de suivre et de contrôler, « sur pièces et sur place, l'application de ces lois auprès des administrations de l'Etat et des établissements publics compétents. Réserve faite des informations couvertes par le secret médical ou le secret de la défense nationale, tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter leur mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tout document de quelque nature que ce soit » .

Dans le cadre de ces prérogatives particulières et permanentes qui leur sont accordées par la loi, les rapporteurs des lois de financement avaient décidé d'engager, au début de l'année 2000, plusieurs missions de contrôle « sur pièces et sur place » dans les organismes de protection sociale. Gestion des exonérations de cotisations sociales, difficultés de fonctionnement dans les caisses d'allocations familiales, mise en oeuvre de la couverture maladie universelle avaient été ainsi analysées 1( * ) .

Pour 2001, dès le 10 janvier, à la suite des décisions du Conseil constitutionnel des 19 et 28 décembre 2000, votre rapporteur a été conduit à adresser un questionnaire 2( * ) à Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Fin janvier 3( * ) , M. Jean Delaneau, président, précisait que les rapporteurs des lois de financement 4( * ) avaient décidé de faire porter, pour l'exercice 2001, leurs investigations sur les nombreux fonds sociaux créés par les lois de financement : fonds de financement des trente-cinq heures, fonds de réserve des retraites, fonds d'investissement pour les crèches et fonds médicaux et hospitaliers.

Constatant notamment le caractère sommaire des réponses apportées à son questionnaire du 10 janvier, votre rapporteur a effectué, le 14 février 2001, une série de contrôles « sur pièces et sur place » à l'ACOSS, au ministère de l'Emploi et de la Solidarité (Direction de la sécurité sociale) et au ministère de l'Economie et des Finances (Direction du budget).

Le présent rapport constitue la synthèse des informations rassemblées à cette occasion.

*

* *

Croire que le choix de contrôler le « fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale » (FOREC) est né de l'opposition de la majorité sénatoriale à la politique de réduction du temps de travail relèverait au mieux d'un malheureux contresens et au pire du procès d'intention.

La loi du 19 janvier 2000, dite « loi Aubry II », est désormais une « loi de la République ».

Aussi le présent rapport n'a pas pour objet de se prononcer sur la pertinence de la loi sur la réduction négociée du temps de travail , mais sur la gestion du dossier du financement des trente-cinq heures par le Gouvernement.

Cette gestion -on n'ose utiliser le terme de « politique publique »- est à proprement parler catastrophique. Recettes surestimées, dépenses sous-estimées, erreurs constitutionnelles répétées : il est à espérer que la doctrine en écrive un jour l'histoire de manière complète et que celle-ci serve de (contre)modèle dans les écoles d'administration publique.

Encore faut-il rappeler que ce rapport n'aborde pas la question du financement des trente-cinq heures dans la fonction publique, qui relève de la compétence de votre commission des Finances sous réserve naturellement de l'impact de la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière, qui concerne directement les finances sociales. Il ne s'agit ici que du financement de la réduction du temps de travail dans le secteur privé.

Le Gouvernement a fait le choix, pour tenter de compenser aux entreprises le coût salarial des trente-cinq heures, de leur accorder un allégement de charges sociales supplémentaire.

Les dépenses occasionnées par les trente-cinq heures dans le secteur privé correspondent ainsi à des pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale.

Le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Il a pour objet d'encaisser des recettes affectées et de rembourser, à travers ses dépenses, les régimes sociaux (régime général et régime agricole) de leurs pertes de recettes liées aux exonérations de cotisations de sécurité sociale.

Votre rapporteur s'en tiendra aux faits : un tel financement n'est pas assuré. Le déficit cumulé est de l'ordre de 30 milliards de francs sur les deux exercices 2000 et 2001.

Le Gouvernement ne s'est pas donné les moyens de financer sa politique ; il s'est employé dès l'origine à en faire supporter le poids à la sécurité sociale.