D. POUR UNE GRANDE AGENCE DE DÉVELOPPEMENT

A la lumière de l'expérience, il ne semble pas que, même si elles sont complémentaires, les fonctions liées à la diplomatie et au développement soient interchangeables. D'une part, les métiers du développement présentent un caractère à la fois très divers et très technique. D'autre part, les structures administratives classiques, encadrées dans les règles strictes de la fonction publique, ne paraissent pas les mieux adaptées pour mettre en oeuvre l'aide au développement. Cette double exigence - spécificité et souplesse - semble impliquer de réunir l'ensemble des missions liées au développement au sein d'une agence- établissement placé sous tutelle ministérielle mais doté d'une réelle autonomie de fonctionnement. Cette formule a été retenue, avec une efficacité variable selon l'organisation choisie, par les grands bailleurs de fonds. Conduite à son terme, la logique de la réforme de la coopération aurait dû aboutir à transférer à l'Agence française de développement l'ensemble des missions liées au développement.

1. L'Agence, modèle de référence pour les grands bailleurs de fonds

Le principe d'une (ou de plusieurs) agence(s) en charge de la mise en oeuvre de l'aide au développement apparaît aujourd'hui comme le modèle dominant parmi les principaux bailleurs de fonds, même si ce schéma se décline différemment d'un pays à l'autre en fonction notamment du mode d'articulation entre cette structure et l'autorité politique.

Aux Etats-Unis , les opérations bilatérales en faveur du développement relèvent de l'agence USAID .

Celle-ci agit pour le compte du Département d'Etat, chargé de la politique de coopération bilatérale ainsi que des participations aux programmes des Nations unies. Elle bénéficie de règles propres pour son budget et son personnel. Son action s'est toutefois trouvée entravée par la lutte d'influence à laquelle s'est livré le Département d'Etat pour renforcer son contrôle sur l'agence. La nouvelle administration Bush s'est fixée une triple priorité dans le domaine du développement : la lutte contre le sida ; l'ouverture du marché américain aux exportations africaines à travers la mise en oeuvre de la « loi sur le commerce et les opportunités en Afrique » ; la gestion des conflits.

Au Japon , l'aide est éclatée entre plusieurs opérateurs. L'Agence japonaise de coopération internationale (JICA) met en oeuvre les subventions dont est doté le ministère des affaires étrangères.

Par ailleurs, les prêts étaient gérés par deux organismes distincts placés sous la tutelle du ministère des finances (le Fonds japonais de coopération économique extérieure pour les prêts aidés, la Banque japonaise pour le financement des importations et des exportations pour les crédits de droit commun) désormais réunis en une structure unique. La nouvelle entité capable de porter quelque 12 milliards de dollars par an semble disposer d'une certaine latitude vis à vis de la direction du Trésor qui ne bénéficie pas en la matière d'une véritable capacité d'expertise technique. Le système japonais, partagé entre de nombreux intervenants, connaît encore malgré les réformes récentes certaines difficultés de coordination.

La Belgique a mis en oeuvre en 1999 une réforme de son dispositif de coopération. Les missions liées au développement ont été dissociées autour de trois grandes fonctions confiées chacune à un service distinct :

- la conception et l'élaboration des programmes ont été dévolus à une nouvelle direction générale du ministère des affaires étrangères ;

- l'évaluation (contrôle préalable et a posteriori) incombe à un service directement rattaché au secrétaire général de ce ministère, et tenu de faire rapport au Parlement ;

- l'exécution des opérations a été confiée à un nouvel acteur : la coopération technique belge , sorte d'établissement autonome de droit public chargé de gérer en propre des programmes d'un montant total de quelque 1 milliard de francs (soit le quart des dotations annuelles consacrées à la coopération internationale) réparti sur 33 pays.

En Allemagne , l'aide relève principalement du ministère de la coopération économique et du développement (70 % des subventions) et, d'une manière plus marginale, des ministères de l'éducation, des sciences, de la recherche et de la technologie.

En pratique, les fonds sont mis en oeuvre par deux agences para-étatiques : GTZ (Deutsche Gesellschaft für technische zuzammenarbeit) pour la coopération technique en faveur des pays en développement, KFW (Kredtitanstalt für wiederaufbau) pour toutes les infrastructures... y compris sur le territoire allemand. Ce dernier établissement se trouve placé sous la tutelle exclusive du ministère des finances. Cette situation reste une source de frictions dans l'organisation de l'aide au développement.

Le Royaume-Uni , quant à lui, a privilégié en 1997 une orientation opposée à celle retenue par la réforme française puisqu'il a choisi de détacher le développement du Foreign Office pour en faire un ministère de plein exercice.

Le DFID (Département pour le développement international) placé sous l'autorité d'un ministre du développement international gère directement la coopération technique et financière (499 millions de livres sterling en 2000 pour l'Afrique subsaharienne). Bien que présentant le caractère d'un ministère, il dispose d'une autonomie complète en matière de recrutement. La gestion des ressources repose sur une programmation « glissante » à trois ans d'objectifs évaluables rendus publics dans un rapport d'activité adressé au Parlement (ce document est complété par une quarantaine de documents stratégie-pays également établis sur une période de trois ans).

L'évaluation fait l'objet d'un effort particulier. Ainsi, une structure privée de mutualisation des compétences et des connaissances en matière d'évaluation est destinée à réunir des personnels du DFID mais aussi des collaborateurs issus de la société civile afin de jouer le rôle d'un groupement de consultants.

Par ailleurs, le DFID est associé à l'Institut du développement d'outre-mer (Overseas development institute - un « think tank » dans le langage anglo-saxon) qui associe une cinquantaine de chercheurs chargés d'effectuer des études à même d'éclairer un choix politique et administratif en matière de développement.

L'efficacité du nouveau dispositif, son dynamisme en termes de production d'idées confère aujourd'hui au Royaume-Uni un rôle éminent parmi les autres bailleurs de fonds.

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