2. La nécessité de tenir le calendrier de retour à la démocratie

Conformément à l'arrêt de la Cour suprême de 1999 et aux engagements du général Musharraf, des élections législatives doivent être organisées en octobre 2002. Cependant, les conditions même de leur organisation posent un certain nombre de questions sur leur sincérité.

Tout d'abord, l'esprit de l'arrêt de la Cour suprême était d'organiser le retour des civils au pouvoir, alors que le général Musharraf, après avoir affirmé qu'il se maintiendrait au pouvoir quelle que soit l'issue des élections, a souhaité faire confirmer son rôle de Chef de l'Etat par un vote populaire. Ce référendum, qui a eu lieu le 30 avril 2002, a assuré une très large victoire au général Musharraf mais les conditions du vote ont été très critiquées par les partis d'opposition et par des observateurs étrangers. Parmi les irrégularités les plus graves, a été relevée l'absence de listes électorales fiables qui aurait permis des votes multiples et une manipulation du suffrage. Pour les membres des partis d'opposition que la délégation a rencontrés, la volonté du général Musharraf de se maintenir aux responsabilités hypothèque gravement la sincérité des élections à venir.

En outre, le général Musharraf entend, au préalable, modifier la loi électorale et la Constitution. Il souhaite que celle-ci permette de rééquilibrer les pouvoirs au profit du Président de la République et de l'armée en s'inspirant des constitutions française et turque. Il s'agirait notamment de rétablir le « 8 e amendement ». Ce dernier, adopté en 1986, a modifié la Constitution de 1973 avant d'être annulé par le 13 e amendement en 1998 par Nawaz Sharif. Il donnait au Président de la République le pouvoir de dissoudre les assemblées nationales et locales, de démettre le Premier ministre et les pouvoirs locaux et de nommer aux plus hauts emplois militaires et civils. Il est également envisagé de donner un droit de regard à l'armée sur la politique de la nation. Ce « rééquilibrage » des institutions se ferait donc au détriment des pouvoirs législatifs et judiciaires.

La loi électorale serait également modifiée pour réduire le nombre des parlementaires et réserver un certain nombre de sièges à des femmes et à des technocrates. La loi imposerait également un niveau d'études supérieures minimum pour pouvoir se présenter aux élections législatives. Par ces mesures le gouvernement pakistanais souhaite favoriser le renouvellement du personnel politique, la compétence, l'honnêteté, la promotion des femmes et donc la modernisation du pays. Pour les principaux partis, qui n'ont toujours pas retrouvé une existence officielle, dont les responsables (Benazir Bhutto et Nawaz Sharif) sont en exil et qui ne devraient pas avoir le droit de se reconstituer pour les élections, de telles mesures illustrent la volonté du général Musharraf de garder la réalité du pouvoir en s'appuyant sur une assemblée qui lui serait tout acquise. Ils contestent par principe le système de quotas et l'introduction d'un critère de compétence comme étant contraire à l'esprit et à l'essence d'une démocratie fondée sur le suffrage universel.

Au cours de sa mission au Pakistan, la délégation a eu de très nombreux entretiens avec des responsables politiques de toutes les sensibilités. Ces contacts ont montré sans ambiguïté que le processus de retour à la démocratie, l'évolution des institutions et du pays provoquaient des débats vifs, libres et approfondis entre les différents partis.

Il est également apparu à la délégation que, si le calendrier de retour à la démocratie devait être bien évidemment respecté, il fallait être conscient que la marche vers une démocratie réelle et enracinée dépasserait largement les élections d'octobre 2002. L'instauration d'une démocratie stable et sereine au Pakistan sera le fruit d'une évolution à long terme conduisant l'armée à se concentrer sur sa mission de défense du territoire et les différentes couches de la population à être mieux représentées. Aujourd'hui, compte tenu de la structure sociale et économique du pays, le processus électoral est surtout favorable à l'élite traditionnelle.

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