III. CONFORTER LE SOUTIEN À L'INDUSTRIE, L'ARTISANAT ET LE COMMERCE EN MONTAGNE

A. LE COMMERCE ET L'ARTISANAT

Lors de son examen de la politique de la montagne, l'instance d'évaluation du commissariat au plan a « volontairement écarté de son champ d'analyse » le commerce et l'artisanat en soulignant que ces secteurs sont « restés en marge du développement de la politique de la montagne ».

Votre mission commune d'information ne pouvait pas en rester là : la présence de l'artisanat et du commerce est essentielle pour vivifier le tissu économique montagnard, constitué pour l'essentiel de petites entreprises. L'artisanat, qui apporte des services de proximité et des services aux personnes à travers ses deux cent cinquante métiers, ainsi que le commerce sont, en effet, avec l'agriculture et les services publics, les piliers de l'activité en montagne.

La loi « montagne » consacre trois articles au commerce et à l'artisanat ; cependant, votre mission a constaté, de même que les chambres consulaires, que la reconnaissance du rôle de l'artisanat qui y est exprimée n'a pas été prolongée par des mesures d'application suffisantes.

1. L'inapplication du dispositif prévu par la loi « montagne »

a) L'absence d'indicateurs

L'article 58 de la loi « montagne » prévoit la présentation par le Gouvernement d'un rapport annuel « rendant compte des mesures prises par l'Etat en faveur des commerçants et des artisans installés en zone de montagne ».

S'étant enquise de la publication de ce rapport, il a été indiqué à la mission commune d'information que cette obligation légale était « indirectement satisfaite par la publication annuelle du rapport sur l'évolution des secteurs du commerce et de l'artisanat, en application de l'article 62 de la loi Royer de 1973 » 22 ( * ) .

Cependant, parmi les quelques 750 pages des cinq derniers rapports publiés sur ce fondement, aucun développement n'est consacré à l'évolution des secteurs du commerce et de l'artisanat en zone de montagne : l'emploi, le nombre de créations et de défaillances ou de cessations d'entreprises, les taux de reprise d'activité, les parts de marché et les évolutions sectorielles y font l'objet de statistiques globales dans lesquelles il est impossible de discerner les évolutions spécifiques aux zones de montagne.

b) L'exigence minimale d'un « tableau de bord »

On peut noter que ces publications évoquent elles même l'existence de « sources statistiques nombreuses et variées » mais aucune n'a été exploitée en utilisant le zonage montagne élaboré en application de la loi. Afin d'estimer l'ampleur du déclin ou les signes de renouveau de ce secteur essentiel à la vitalité montagnarde, la mission commune d'information aurait souhaité obtenir, à défaut de statistiques précises, un document de synthèse présentant un bilan sommaire du commerce et de l'artisanat en zone de montagne, avec notamment l'évolution du nombre d'entreprises depuis 5 ans et une décomposition par filières.

En outre, votre rapporteur estime fondamental de tenter de mettre en évidence les relations entre le tissu économique et démographique local et les créations ou les disparitions d'entreprises. Les élus locaux, qui sont parfois en montagne les principales forces d'initiative économique, savent parfaitement qu'une installation de commerce ou d'artisanat bien ciblée peut être source de revitalisation globale et qu'inversement certaines cessations d'activité ont un « effet domino » sur un environnement économique fragile.

Au cours des auditions -et il faut le déplorer- il a été très clairement indiqué qu'au niveau national, l'absence de données suffisamment fines ne permettait de dresser aucun bilan statistique du commerce et de l'artisanat en zone de montagne ni de dégager un quelconque diagnostic sur le déclin ou le renouveau, et les atouts à valoriser dans ces secteurs.

2. L'insuffisance des mesures spécifiques en faveur du commerce et de l'artisanat de montagne

a) Le principe posé par la loi : le maintien du commerce et de l'artisanat en zone de montagne est d'intérêt général

Votre mission commune d'information souhaite rappeler avec force le principe posé par l'article 55 de la loi « montagne » :

« L'existence en zone de montagne d'un équipement commercial et d'un artisanat de services répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation de la vie locale est d'intérêt général.

L'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics, dans la limite de leurs compétences respectives, prennent en compte la réalisation de cet objectif dans le cadre des actions qu'ils conduisent en matière de développement économique et social.

Cette prise en compte peut, notamment en cas de carence ou de défaillance de l'initiative privée, porter sur :

- le maintien, sur l'ensemble du territoire montagnard, d'un réseau commercial de proximité compatible avec la transformation de l'appareil commercial de la nation;

- l'amélioration des conditions d'exercice des activités commerciales et artisanales de services en milieu rural de montagne en en favorisant l'évolution et la modernisation. »

b) L'insuffisance des mesures d'application au niveau central

On peut ainsi présenter les mesures prises en faveur de l'artisanat et du commerce de montagne :

- globalement, le fonds d'intervention et de sauvegarde du commerce et de l'artisanat (FISAC), entre 1992 et 2001, a aidé 939 opérations en faveur des petites et moyennes entreprises de haute et moyenne montagne, pour un montant total de 29,6 millions d'euros ;

- en particulier, s'agissant de l'approvisionnement des personnes âgées qui ont des difficultés à se déplacer, le fonds d'intervention et de sauvegarde du commerce et de l'artisanat (FISAC) finance des tournées afin de répondre à leurs besoins spécifiques ;

- à l'égard des artisans, la tendance consiste à transformer les prêts bonifiés en aides au cautionnement ; les prêts bonifiés sont, en revanche, maintenus pour le financement des travaux de mise aux normes imposées notamment aux commerçants qui se rendent sur les marchés.

Il convient de rappeler que le FISAC créé par l'article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 a été mis en place en mars 1992. Il s'agit d'un outil d'accompagnement des évolutions collectives concernant les secteurs du commerce et de l'artisanat. Il est alimenté par un prélèvement sur l'excédent de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. Les décisions d'attribution des aides sont prises par le Ministre chargé du commerce au vu des avis émis par une commission nationale chargée d'examiner les demandes de subvention présentées par les différents maîtres d'ouvrage. Le FISAC finance en zone rurale -dans les communes de moins de 2.000 habitants- les opérations visant à inciter les propriétaires de locaux commerciaux et artisanaux, qu'il s'agisse de collectivités territoriales ou des exploitants, à les réhabiliter ou les moderniser.

Sont éligibles :

- les dépenses d'investissements relatives à la modernisation des entreprises et des locaux ;

- l'achat des locaux d'activité lorsque le bénéficiaire est une collectivité locale ;

- l'aménagement des abords de commerce, notamment pour en faciliter l'accès ;

- les halles et marchés couverts, ainsi que les marchés de plein vent.

Les opérations individuelles doivent présenter les caractéristiques suivantes :

- le projet doit mettre en évidence les atouts spécifiques locaux et s'appuyer sur des besoins identifiés ;

- le projet commercial ou artisanal doit être économiquement viable ;

- le projet ne doit pas induire une distorsion du commerce ;

- la maîtrise d'ouvrage peut être publique ou privée.

Les entreprises bénéficiaires :

- doivent être inscrites au registre du commerce ou au répertoire des métiers ;

- leur chiffre d'affaire doit être inférieur ou égal à 750.000 euros (5.000.000 F Hors Taxes) ;

- les pharmacies et professions libérales sont exclues du champ d'intervention, ainsi que les activités liées ou tourisme, les restaurants gastronomiques et les hôtels restaurants ;

- en revanche sont éligibles les cafés, ainsi que les restaurants lorsque l'essentiel de leurs prestations d'adressent à la population locale ;

- le montant de l'aide ne peut excéder 20 % du montant des dépenses pouvant faire l'objet d'une subvention, limitées à 45.000 euros (300.000 F).

La mission a constaté une certaine discordance entre la vision locale et la vision centralisée du commerce et de l'artisanat en zone montagnarde.

« Plutôt que de tenter de retranscrire le modèle révolu du commerce d'antan », a-t-il été indiqué à la mission commune d'information pour justifier l'absence de données et de mesures spécifiques à la montagne, « la politique du commerce et de l'artisanat en zone rurale doit prendre en compte les attentes réelles de consommateurs qui souhaitent s'approvisionner à des prix attractifs. »

En revanche, sur le terrain, les acteurs manifestent un point de vue très différent. Par exemple, au cours du déplacement de la mission d'information dans le Massif central, un représentant de l'Etat a souligné qu'« à la limite, on peut vivre sans bureau de poste ; c'est beaucoup plus difficile sans médecin et sans commerce de proximité ». Ceci confirme la prise de conscience, au niveau déconcentré de l'Etat, de la nécessité vitale de maintenir des services de proximité, au besoin selon des formes innovantes, dans les zones de montagne menacées de dépeuplement.

* 22 Audition du 23 avril 2002

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