C. LE CADRE JURIDIQUE NE FAVORISE PAS L'ACTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES DE MONTAGNE

1. La sécurité en montagne

a) La réponse apportée par la loi du 27 janvier 2002 relative à la démocratie de proximité, à la question du financement des secours en montagne

En France, le secours en montagne est assuré par des services publics (gendarmes de haute montagne, membres des Compagnies républicaines de sécurité, sapeurs-pompiers), mais aussi par des bénévoles (guides, volontaires des sociétés de secours en montagne...).

Dès lors que les communes, qui sont responsables de l'organisation des secours sur leur territoire, sont conduites à faire appel à des moyens privés, elles doivent en assumer la charge.

Bien que la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne prévoie la possibilité pour les communes d'exiger des intéressés (ou de leurs ayants droit) le remboursement des frais de secours engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'activités sportives, le décret du 3 mars 1987, pris pour l'application de cette disposition, en avait largement limité la portée. En effet, ce texte n'autorisait les communes à obtenir le remboursement des frais de secours que dans les cas où les accidents étaient consécutifs à la pratique de deux activités sportives : le ski alpin et le ski de fond. La circulaire du 22 septembre 1987, relative au remboursement des frais de secours et qui commentait les dispositions du décret du 3 mars 1987, expliquait : « l'exception au principe de la gratuité des secours (...) est limitée aux accidents liés à la pratique du ski alpin et du ski de fond ; sont ainsi visées toutes les activités pratiquées à ski, y compris le ski de randonnée et le raid nordique ». Par conséquent, les secours privés mobilisés à la suite d'un accident dont avait été victime un alpiniste ou un spéléologue restaient à la charge des communes.

On peut préciser que selon une étude de législation comparée réalisée par le service des affaires européennes du Sénat 92 ( * ) , le secours en montagne est gratuit en Espagne et dans la plupart des cas en Italie, alors qu'il est payant dans les autres pays (Allemagne, Autriche, et Suisse).

Cette situation a justifié le dépôt au Sénat en mars 1999 de la proposition de loi n° 267 93 ( * ) , qui visait à permettre aux communes d'exiger le remboursement des frais de secours qu'elles avaient engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive ou de loisir. Cette proposition de loi, qui touchait toutes les activités de plein air, visait notamment celles qui étaient pratiquées en montagne.

L'article 54 de la loi « démocratie de proximité » 94 ( * ) , introduit par le Sénat en première lecture, reprend le texte de cette proposition de loi. Il prévoit que les communes peuvent exiger des intéressés ou de leurs ayants droit une participation aux frais qu'elles ont engagés à l'occasion d'opérations de secours consécutives à la pratique de toute activité sportive ou de loisir. Il est précisé qu'elles déterminent les conditions dans lesquelles s'effectue cette participation, qui peut porter sur tout ou partie des dépenses, et que les communes sont tenues d'informer le public des conditions d'application de cette disposition par voie d'affichage.

b) Faut-il modifier le régime de la responsabilité en cas d'accident ?

Depuis une décennie, les mises en examen de responsables politiques (maires) et administratifs (directeurs de service de pistes en particulier) à la suite d'accidents se multiplient.

La sécurité et les secours dans les communes où se pratiquent les sports d'hiver font l'objet de la circulaire n° 78-003 du 4 janvier 1978 du ministre de l'Intérieur. Cette circulaire fait l'objet des réflexions d'un groupe de travail du conseil supérieur des sports de montagne, dont la première réunion s'est tenue le 27 juin 2002.

Selon notamment cette circulaire, il convient de distinguer trois espaces :

- le domaine du ski de montagne (appelé aussi ski de randonnée, ou ski de raid), où on accède généralement avec des peluches (peaux de phoque) et des raquettes, et ne faisant pas partie du domaine de la station ;

- le domaine des pistes balisées, faisant partie de la station et définies par les normes AFNOR NF S52-101 (ski de fond) et NF S52-102 (ski alpin) de juillet 2001 ;

- le domaine « hors-pistes », non balisé mais faisant également partie du domaine de la station, situé entre les pistes ou en bordure de celles-ci, et dont les skieurs redescendent en ski au point de départ des remontées mécaniques.

Le régime de responsabilité varie selon le domaine concerné :

- dans le cas du ski de montagne et du « hors-pistes », le skieur prend en charge sa propre sécurité, et c'est l'Etat qui dirige les opérations de secours ;

- dans celui des pistes balisées, la sécurité et les secours doivent être assurés sous la responsabilité du maire.

Le maire n'est cependant pas déchargé de toute responsabilité dans le cas du ski de montagne et du « hors-pistes ». En effet, les secours venant de la commune sont assurés toutes les fois qu'il n'y a pas impossibilité (danger important pour les secours). En outre, dans le cas du « hors-pistes », les communes doivent prévoir les moyens de secours appropriés, et mettre en garde les skieurs contre les risques éventuels à l'aide de panneaux, d'affiches ou de dépliants.

Compte tenu du flou juridique suscité par la situation actuelle, certains estiment utile 95 ( * ) :

- de reprendre les règles de la circulaire de 1978 relatives au zonage du territoire dans une ou plusieurs normes juridiques opposables aux tiers (loi ou décret) ;

- d'indiquer dans la loi qu'en dehors des pistes de ski alpin et de ski nordique, le ski et les autres loisirs de neige sont placés sous l'entière responsabilité des pratiquants, qui prennent en charge leur propre sécurité.

Le débat relatif à cette seconde proposition paraît devoir être poursuivi. La première proposition semble quant à elle apporter un élément appréciable de sécurité juridique.

Proposition n° 78. : Reprendre les règles de la circulaire de 1978 relatives au zonage du territoire dans une ou plusieurs normes juridiques opposables aux tiers (loi ou décret).

c) Le problème de la viabilité hivernale

Un problème important lié à la sécurité est le coût du déneigement, ou « viabilité hivernale », assuré par les services de l'Equipement et les communes.

Ce coût -déjà élevé compte tenu, notamment, des normes de sécurité relatives aux véhicules- a été récemment accru par la directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 en matière de temps de travail et de repos. Ces règles ont été transposées à la fonction publique, en particulier en ce qui concerne les temps de repos, par le décret du 25 avril 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, précisé, notamment, par la circulaire du 21 juillet 2000 du ministre de l'équipement, des transports et du logement relative à l'organisation et à la sécurité du travail en service hivernal.

Les objectifs poursuivis ne sont pas contestables puisqu'il s'agit d'améliorer les conditions de travail des personnes chargées d'assurer le déneigement des routes. Cependant, le droit français a instauré des règles de repos hebdomadaire et journalier plus contraignantes que celles prévues par la norme européenne, et entraîne des risques de rupture de la continuité du service public. A titre d'exemple, le conseil général de la Haute-Savoie a dû recruter, pour respecter la circulaire de juillet 2000, 43 agents temporaires supplémentaires pour l'hiver 2000-2001, ce qui a engendré un surcoût d'environ 4 millions de francs (600.000 euros), alors même que le risque d'une diminution du niveau de service, notamment durant la nuit, a été accru.

Par conséquent, l'application du droit actuel risque d'être préjudiciable à la sécurité des usagers de la route.

Par ailleurs, le désengagement de l'Etat observé dans certains départements doit être compensé par une augmentation équivalente des dotations aux collectivités concernées.

Proposition n° 79. : En ce qui concerne la viabilité hivernale :

- ne pas aller, en matière de temps de repos, au-delà de ce qu'exige l'application de la directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 ;

- compenser le désengagement de l'Etat observé dans certains départements par une augmentation équivalente des dotations aux collectivités concernées.

2. L'éligibilité au FCTVA des travaux réalisés sur des immobilisations mises à la disposition de tiers

Il est urgent de clarifier les conditions d'éligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les collectivités locales sur des immobilisations mises à la disposition de tiers. Deux types d'investissement sont particulièrement concernés.

Tout d'abord, les chalets à vocation agricole sont soumis à des obligations de travaux de rénovation et de mise aux normes. Il s'agit d'opérations assez lourdes qui, lorsqu'elles sont exécutées par des collectivités propriétaires du chalet, représentent des engagements financiers importants et difficiles à supporter.

Votre rapporteur a pu constater que dans certains départements, la faculté prévue par la loi de rembourser la TVA aux communes dans le cadre du FCTVA avait été interprétée de façon extrêmement restrictive, les préfets interdisant le remboursement de la TVA alors que le chalet était utilisé pour une activité de production de quantité modeste (en l'occurrence, la fabrication de fromages).

Ensuite, l'article L.1511-6 du code général des collectivités territoriales prévoit que ces dernières, ou les établissements publics de coopération locale ayant bénéficié d'un transfert de compétence à cet effet, peuvent créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications , et les mettre à la disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs par voie conventionnelle.

a) La règle juridique

L'article L.1615-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que les immobilisations cédées ou mises à disposition au profit d'un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ne peuvent donner lieu à une attribution dudit fonds.

b) Les dérogations

Des dérogations sont possibles dans deux cas de figure.

Tout d'abord, certaines sont prévues par une circulaire du 23 septembre 1994. Selon cette circulaire, un équipement mis à la disposition d'un tiers non éligible au fonds peut donner lieu à une attribution du FCTVA si l'accès y est ouvert au plus grand nombre. Il est arrivé que dérogation soit interprétée comme concernant, notamment, des mises à disposition destinées à permettre d'assurer un service public : ainsi, la mise à disposition d'un chalet d'alpage remplissant une fonction d'aménagement du territoire peut être considérée comme entrant dans le champ de cette circulaire.

Ensuite, des dérogations sont explicitement prévues par la loi. Ainsi, l'article 69 de la loi de finances pour 2001 a complété l'article L.1615-17 du code général des collectivités territoriales par un alinéa prévoyant que, par dérogation, les communes et les EPCI bénéficient des attributions du FCTVA au titre des dépenses d'investissement « exposées sur leurs immobilisations affectées à l'usage d'alpage ».

c) Une interprétation trop restrictive du droit dans le cas des chalets d'alpage

Selon l'interprétation qui en a été faite par l'administration, l'article L.1615-17 du code général des collectivités territoriales ne concerne pas les chalets d'alpage réalisant une activité de production, qu'elle considère comme soumis au droit commun. Ainsi, en réponse à la demande de la commune de Montriond (Haute-Savoie), sollicitant le bénéfice du FCTVA dans le cadre de la rénovation d'un chalet d'alpage communal, afin d'y aménager un atelier de fabrication fromagère fermière satisfaisant aux normes sanitaires françaises et européennes, le préfet de ce département a indiqué en 2001 au maire de cette collectivité que l'article 69 de la loi de finances pour 2001 ne pouvait s'appliquer en pareil cas, au motif que la fabrication fromagère serait une activité commerciale faisant obstacle à l'éligibilité au FCTVA. De même, en réponse à une question orale posée à ce sujet par votre rapporteur le 17 octobre 2001, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a affirmé que l'article 69 de la loi de finances pour 2001 concernait « des dépenses concernant des cabanes de berger, des refuges de haute montagne, etc. », mais pas l'installation précitée.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de cette interprétation. En particulier, dans les départements alpins, la plupart des alpages communaux comportent sur leur territoire un ou plusieurs bâtiments utilisés par l'exploitant agricole locataire de l'alpage pour abriter son troupeau, vivre auprès de lui et, le plus souvent, y fabriquer des fromages. Sans cette possibilité de fabrication, la plupart des alpages des Alpes du nord seraient voués à l'abandon.

d) Préciser la règle juridique
(1) Dans le cas des infrastructures de télécommunications

La Direction générale des collectivités locales a indiqué à la mission commune d'information qu'elle menait une réflexion dans le cas des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications.

(2) Dans le cas des chalets d'alpage

Dans le cas des chalets d'alpage, il est indispensable que l'administration applique le droit existant, qui, comme on l'a vu, prévoit une dérogation aux règles normales d'éligibilité au FCTVA dans le cas des chalets d'alpage.

Dans ces conditions, une clarification du droit existant, par voie de circulaire, serait la bienvenue. A défaut, une modification législative pourrait être nécessaire 96 ( * ) .

Proposition n° 80. : Préciser, par voie de circulaire, l'éligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les collectivités locales sur des immobilisations mises à la disposition de tiers, en particulier :

- dans le cas des télécommunications ;

- dans celui des chalets d'alpage et d'estives utilisés pour la production fromagère (appliquer le droit actuel, qui prévoit que les investissements concernés sont éligibles au FCTVA).

3. Les problèmes liés aux équipements de sports d'hiver

a) La servitude relative à certaines installations de sports d'hiver

L'article 53 de la loi « montagne » prévoit que les propriétés privées ou faisant partie du domaine privé d'une collectivité publique peuvent être grevées au profit de la commune ou du groupement de communes concerné d'une servitude destinée à assurer :

- le passage des pistes de ski ;

- le survol des terrains où doivent être implantées des remontées mécaniques ;

- l'implantation des supports de lignes dont l'emprise au sol est inférieure à quatre mètres carrés ;

- le passage des pistes de montée ;

- les accès nécessaires à l'implantation, l'entretien et la protection des pistes et des installations de remontée mécanique ;

- les accès aux voies d'alpinisme et d'escalade en zone de montagne.

La servitude est créée par décision motivée du représentant de l'Etat sur proposition du conseil municipal de la commune ou de l'organe délibérant du groupement de communes intéressées, après enquête parcellaire effectuée comme en matière d'expropriation. En cas d'opposition du conseil municipal d'une commune intéressée, elle est créée par décret en Conseil d'Etat.

Au cours des deux dernières décennies, le développement des sports d'hiver a amené les stations à implanter le long des pistes certains équipements destinés à permettre l'entretien et la protection de ces dernières. En particulier, la production de neige de culture rend nécessaire l'installation de divers réseaux (eau, gaz, câbles électriques).

Il ne semble pas que ces équipements puissent être considérés comme assurant « le passage des pistes de ski », au sens de l'article précité de la loi « montagne ». En particulier, l'énumération des travaux contenue dans l'article 53 a été à plusieurs reprises interprétée dans un sens plus restrictif par l'administration.

La loi semble donc devoir être modifiée sur ce point, afin de rendre possible l'imposition d'une servitude en cas d'installation de réseaux destinés à permettre la production de neige de culture. Les propriétaires concernés seraient naturellement consultés 97 ( * ) et indemnisés 98 ( * ) .

Proposition n° 81. : Prévoir l'instauration d'une servitude en cas d'installation de réseaux destinés à permettre la production de neige de culture.

b) Rééquilibrer les relations entre collectivités locales et opérateurs privés
(1) La loi « montagne » prévoit la possibilité de contrats avec les opérateurs touristiques

L'article 42 de la loi « montagne » prévoit qu'en zone de montagne, la mise en oeuvre des opérations d'aménagement touristique s'effectue sous le contrôle d'une commune, d'un groupement de communes ou d'un syndicat mixte regroupant des collectivités territoriales.

Il précise que, sauf recours à la formule de la régie, cette mise en oeuvre s'effectue dans les conditions suivantes :

- chaque opérateur doit contracter avec la commune ou le groupement de communes ou le syndicat mixte compétent ;

- chacun des contrats porte sur l'un ou plusieurs des objets constitutifs de l'opération touristique : études, aménagement foncier et immobilier, réalisation et gestion des équipements collectifs, construction et exploitation du réseau de remontées mécaniques, gestion des services publics, animation et promotion.

La loi « montagne » prévoyait la conclusion de ces conventions dans un délai de quatre années. La loi n°88-102 du 30 décembre 1988, dans son article 64, a prolongé ce délai de 10 ans. Ainsi, toutes les conventions devaient être signées au 11 janvier 1999, ce qui a presque toujours été le cas.

(2) Une possibilité trop peu utilisée, à cause de relations déséquilibrées

Selon les informations recueillies par la mission commune d'information, il semble que cette possibilité ne soit guère utilisée qu'en matière de remontées mécaniques.

Ce phénomène s'explique en partie par le fait que les collectivités supports de station de montagne ont parfois des difficultés à élaborer leur cahier des charges et à analyser les offres. En particulier, la relation des petites collectivités avec les opérateurs est souvent déséquilibrée. Selon les termes utilisés devant la mission commune d'information par Mme Josette Brossolin, directrice régionale de Dexia Crédit Local, « les exploitants ont un pouvoir très important sur les collectivités et disposent de moyens humains et juridiques que les collectivités n'ont pas ».

Dans ces conditions, il pourrait être utile d'assister davantage les collectivités de montagne dans leurs relations avec les opérateurs. On pourrait en particulier envisager le recours à un conseil spécialisé chargé d'aider ces différentes collectivités à élaborer leur cahier des charges et à analyser les différentes offres.

Proposition n° 82. : Conforter les moyens techniques des collectivités locales et des opérateurs privés, par le recours à un conseil spécialisé chargé d'aider ces différentes collectivités à élaborer leur cahier des charges et à analyser les différentes offres.

(3) L'application conjointe des lois « montagne » et « Sapin » dans le cas des conventions de délégation de service public de remontées mécaniques

L'application conjointe de l'article 42 de la loi « montagne » et de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin », suscite certaines difficultés au sujet des contrats de délégation de service public de remontée mécanique.

La mission commune d'information a demandé à M. Edouard Lacroix, avocat à la Cour, de réaliser une étude sur ce thème 99 ( * ) , dont s'inspirent largement les développements qui suivent.

(a) La loi « montagne » fixe à ces conventions une durée maximale de 18 ou 30  ans, source d'insécurité juridique

L'article 42 de la loi « montagne » prévoit actuellement que la durée des contrats ne peut excéder 18 ans que si elle est justifiée par la durée d'amortissement technique ou lorsque le contrat porte sur des équipements échelonnés dans le temps et ne peut, en aucun cas, être supérieure à 30 ans.

Cette disposition suscite une certaine insécurité juridique.

Tout d'abord, les conditions dans lesquelles doivent s'achever ces contrats sont incertaines, bien que l'article précité stipule que « les contrats (...) prévoient à peine de nullité les conditions de résiliation, de déchéance et de dévolution, le cas échéant, des biens en fin de contrat ainsi que les conditions d'indemnisation du cocontractant ».

Ensuite, la détermination de la durée maximale à prendre en considération (18 ou 30 ans) est source d'incertitudes. On peut en particulier s'interroger sur la légalité de certains avenants d'extension ou de prorogation de contrats. En effet, si les conventions et leurs avenants n'ont pas suscité à ce jour de contentieux significatif, les interprétations du droit effectuées dans le cadre du contrôle de légalité des préfectures relatif aux avenants ont pu varier d'un département à l'autre. En particulier, la jurisprudence du Conseil d'Etat semble incertaine, bien que le Conseil ait considéré, dans un avis du 2 septembre 1986, « qu'en cas de prorogation du contrat avec ou sans modification, la durée maximale de dix-huit ans, ou le cas échéant de trente ans, s'applique à nouveau à compter de cette prorogation ». Ainsi, certains opérateurs ne sont pas incités à envisager un investissement dans les quinze ou dix dernières années de leur convention.

Il faut souligner que ces contraintes en matière de délais ne proviennent pas de la loi « Sapin ». La loi « Sapin » prévoit en effet que, selon le droit commun, une délégation de service public peut être prolongée lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique et à la demande du délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus au contrat initial, de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive. Cette prolongation n'est pas assortie de délais.

(b) La loi « Sapin » oblige à un appel à la concurrence pour le renouvellement des contrats

Les fins des contrats de délégation de service public de remontée mécanique constituent une échéance d'autant plus importante que la loi « Sapin » oblige les collectivités territoriales à effectuer un appel à la concurrence pour désigner le nouveau cocontractant, ou pour trouver une succession à la régie.

Les services de remontée mécanique sont en effet des services publics (Conseil d'Etat, Commune d'Huez, 23 janvier 1959), soumis à ce titre à la loi « Sapin ».

La législation actuelle peut donc conduire certaines collectivités locales à changer de partenaires contre leur gré, après des années de collaboration, et, pour un grand nombre de stations, des années de succès de leur politique d'aménagement touristique de la montagne et de développement économique.

(c) Aménager la durée des contrats

Dans ces conditions, il peut sembler souhaitable de modifier l'article 42 de la loi « montagne », en supprimant, dans le cas des services publics de remontées mécaniques, la disposition fixant aux contrats une durée maximale de 18 ou 30 ans. Ce serait alors le droit commun, défini par la loi « Sapin », qui s'appliquerait.

Proposition n° 83. : Supprimer, dans le cas des services publics de remontées mécaniques, la disposition fixant aux contrats une durée maximale de 18 ou 30 ans, afin que le droit commun, défini par la loi « Sapin », s'applique (possibilité de prolonger une délégation de service public afin de permettre l'amortissement d'investissements matériels nécessaires et non prévus au contrat initial).

4. Le problème des sections communales

Un problème important pour certaines communes (en particulier dans le Massif central) est celui des sections communales.

a) Qu'est-ce qu'une section communale ?

Selon l'article L.2411-1 du code général des collectivités territoriales, constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. La section de commune a la personnalité juridique, et le juge a précisé qu'il s'agissait d'un établissement public.

En pratique, une section de commune n'est pas créée par décision de l'autorité publique, mais existe dès qu'est constatée l'existence d'un patrimoine collectif appartenant aux habitants d'une fraction de la commune. Cependant, les habitants d'une section, d'un hameau ou d'un quartier ne peuvent pas décider de créer une section : s'ils achètent en commun des biens, même en déclarant agir au nom de cette communauté, ils en deviennent propriétaires indivis mais aucune section n'existe de ce fait. Ainsi, l'existence d'une section communale provient des usages locaux.

Une section est gérée par une commission syndicale dont les membres sont élus parmi les personnes éligibles au conseil municipal de la commune de rattachement.

Les sections peuvent devenir propriété de la commune. En effet, l'article L. 2411-11 du code général des collectivités territoriales prévoit que le transfert à la commune de tout ou partie des biens, droits et obligations d'une section est prononcé par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande conjointe du conseil municipal et de la commission syndicale se prononçant à la majorité des deux tiers de ses membres (ou, si la commission syndicale n'a pas été constituée, sur demande conjointe du conseil municipal et des deux tiers des électeurs de la section).

Les ayants droit qui en font la demande reçoivent une indemnité, à la charge de la commune, dont le calcul tient compte notamment des avantages reçus durant les années précédant la décision de transfert et des frais de remise en état des biens transférés.

b) La situation actuelle

Selon certaines estimations, il y avait en France 26.800 sections de communes en 1999, douze départements en comptant chacun plus de mille (Aveyron, Cantal, Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Loire, Haute-Loire, Lot, Lozère, Puy de Dôme, Tarn, Haute-Vienne).

La gestion des biens de section pose des problèmes importants dans certains départements, comme le Cantal. En particulier, peu de sections mettent en place les sections syndicales chargées de les gérer, ce qui entraîne de fait la gestion de ces biens par les élus municipaux.

c) Propositions de réforme

Le régime actuel des sections communales doit être révisé. Une mission d'étude et de réflexion sur l'évolution souhaitable à court ou moyen terme des sections de communes, confiée à l'inspection générale de l'administration et présidée par M. Jean-Pierre Lemoine, a été mise en place par le précédent gouvernement.

Dans l'attente des conclusions de cette mission, on peut d'ores et déjà envisager un certain nombre de réformes 100 ( * ) :

- associer aux décisions les seules personnes effectivement concernées par la vie de la section (et non la totalité des électeurs) ;

- permettre une délimitation claire et définitive du territoire de la section, par une autorité désignée comme compétente (au lieu de la référence actuelle aux anciens usages et à l'initiative de la partie la plus diligente) ;

- faciliter la gestion des sections dont le territoire s'étend sur plusieurs communes, par l'élaboration de règles précises en ce qui concerne les modalités de cessation de l'indivision ;

- clarifier les compétences respectives du conseil municipal et de la section syndicale (qui gèrent actuellement conjointement les biens sectionnaux, le préfet tranchant en cas de désaccord) ;

- permettre une utilisation plus rationnelle des revenus, en prévoyant notamment leur réinvestissement à des fins collectives ;

- inventorier les biens de section (actuellement il n'est parfois pas possible de savoir qui les exploite, en vertu de quel titre et dans quelles conditions) ;

- s'interroger sur le suivi juridique des usages locaux au niveau des départements, auxquels il est de plus en plus difficile de faire référence à cause de la diminution de la population (dans l'Aveyron, la dernière édition des recueils d'usages locaux remonte à plus d'un siècle).

On pourrait en outre envisager la disparition progressive des sections n'ayant plus aucune vitalité, c'est-à-dire leur communalisation. Celle-ci ne constitue pas une remise en cause des droits acquis, mais seulement une modification du mode de gestion. Une commune peut en effet gérer ces biens tout en en laissant les avantages (produits) aux habitants d'un village.

Tout d'abord, il n'est pas précisé si l'indemnisation des ayant-droit en cas de communalisation de la section concerne la privation de l'usage ou la perte de propriété. Si elle devait concerner à la fois l'une et l'autre, la communalisation deviendrait, de fait, impossible. On pourrait comparer cette situation à celle que rencontre une commune qui acquiert par expropriation un terrain sur lequel se trouve un fermier : le fermier se voit indemnisé pour l'usage et le propriétaire pour le sol. La section (donc la commune après la disparition de celle-ci) pourrait recevoir le prix du sol, et les ayant-droit l'indemnité correspondant à la perte du droit d'usage.

Ensuite, il serait envisageable de prévoir le transfert automatique de la section à la commune en dessous d'un seuil de population et / ou de revenu, ou si elle regroupe exclusivement des résidents extérieurs qui ne sont plus concernés par le fonctionnement des biens de section.

Proposition n° 84. : Adapter le régime des sections communales, afin notamment de favoriser leur « communalisation ».

5. Les participations pour voie nouvelle et réseaux (PVNR)

L'article 46 de la loi n° 2000-1208 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, modifiant l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, a profondément réformé le régime des participations destinées au financement des voies et réseaux d'infrastructure immédiatement rendus nécessaires par le développement ou par des opérations de réaménagement urbains. Désormais, la commune peut instituer une participation non seulement du premier propriétaire concerné, mais aussi des bénéficiaires de raccordements ultérieurs.

Cependant, les communes sont dans l'impossibilité d'instituer une participation pour une extension de réseau si celle-ci n'est pas accompagnée de création d'une voie ou d'une extension d'une voie existante. En effet, l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme prévoit que le conseil municipal peut instituer une participation pour le financement de « tout ou partie des voies nouvelles et des réseaux réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles constructions ».

Il serait donc souhaitable de rendre alternatifs les critères de l'article L.332-11-1 du code de l'urbanisme. Notre collègue Daniel Goulet a récemment déposé une proposition de loi en ce sens 101 ( * ) .

Proposition n° 85. : Modifier l'article L.332-11-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre aux communes d'instituer une participation pour une extension de réseau, même non accompagnée de la création d'une voie ou d'une extension d'une voie existante.

6. L'énergie réservée

Selon l'article 10 de la loi du 16 octobre 1919, relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, le concessionnaire d'une chute d'eau peut être tenu de réserver une partie de l'énergie produite au profit de certains consommateurs. La loi « montagne » a confié aux conseils généraux le soin de choisir les bénéficiaires, qui peuvent être des personnes publiques mais aussi des entreprises industrielles ou artisanales 102 ( * ) .

Ce dispositif s'est traduit concrètement par l'application d'un rabais par EDF sur le tarif de vente intégré de l'énergie, c'est-à-dire incluant :

- la fourniture ;

- la distribution.

L'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité conduit à des difficultés pratiques pour la valorisation de l'énergie réservée. En effet, elle concerne la seule fourniture d'électricité. Dès lors, il n'est plus possible de fixer un tarif intégrant la fourniture et la distribution.

Il semble donc nécessaire de remplacer le rabais appliqué par EDF par un rabais appliqué par le concessionnaire de la chute d'eau directement au bénéficiaire. La différence entre la facturation au prix réduit et celle au prix moyen de marché correspondrait approximativement au montant de l'avantage financier actuel. Le coût de l'acheminement serait par ailleurs acquitté normalement par le consommateur attributaire de l'énergie réservée au gestionnaire du réseau public, selon le tarif d'utilisation des réseaux.

Ces éléments sont synthétisés par le schéma ci-après.

L'énergie réservée

SITUATION AVANT OUVERTURE A LA CONCURRENCE

EDF distribue

Vente (si le concessionnaire est distinct d'EDF)

EDF facture l'électricité au client avec un rabais, sur un tarif comprenant :

- la distribution ;

- la production.

Le concessionnaire produit

SITUATION APRES OUVERTURE A LA CONCURRENCE

SOLUTION PROPOSEE

Le gestionnaire du réseau public distribue

Tarif de distribution

Tarif normal

Le concessionnaire produit

Tarif de fourniture

Fourniture à un prix réduit

Proposition n° 86. : Adapter le régime de l'énergie réservée à l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité.

* 92 Service des Affaires Européennes, L'organisation et le financement du secours en montagne, septembre 1999.

* 93 Proposition de loi déposée par notre collègue Jean Faure, adoptée par le Sénat le 16 décembre 1999, sur le rapport de notre collègue Jean-Paul Amoudry.

* 94 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

* 95 Propositions du Conseil supérieur des sports de montagne, groupe de travail sur la circulaire du 4 janvier 1978, réunion du 10 juillet 2002.

* 96 Le Sénat a adopté, à l'occasion de la discussion de la loi de finances pour 2002, deux amendements - dont les dispositions ont été supprimées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture et en lecture définitive - spécifiant que cette dérogation concernait les bâtiments traditionnels utilisés, respectivement, pour la fabrication saisonnière de produits alimentaires fermiers, et pour une activité de tourisme rural.

* 97 Ce qui est d'ailleurs rendu obligatoire par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

* 98 Comme le prévoit le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985, au sujet de l'institution d'une servitude sur la Tour Eiffel, en application du principe d'égalité devant les charges publiques.

* 99 Annexe II du rapport.

* 100 La plupart de ces propositions proviennent de fiches rédigées par l'Association des maires du Cantal, à la suite d'auditions qui se sont déroulées le 5 avril 2002 à Saint-Flour.

* 101 Proposition de loi portant modification de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, 19 juin 2001 (n°389).

* 102 Les bénéficiaires sont choisis parmi les services publics de l'Etat, des départements ou des communes, les établissements publics, les associations syndicales autorisées, les groupements agricoles d'utilité générale, ainsi que les entreprises industrielles ou artisanales, dans la mesure où les attributions concourent au développement de l'économie locale ainsi qu'au maintien et à la création d'emplois.

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