Rapport d'information n° 35 (2002-2003) de M. Joseph KERGUERIS , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 29 octobre 2002

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C. ET L'ETAT A RÉDUIT SON EFFORT EN FAVEUR DE LA RECHERCHE PUBLIQUE

La situation française en matière de recherche et développement se caractérise depuis plusieurs années par un relatif désengagement de l'État. Depuis 1995, l'effort de recherche n'est plus financé majoritairement par l'État, mais par les entreprises. Ce changement s'explique par un double mouvement : baisse de l'effort public de R&D, et augmentation de la dépense de recherche privée.

En 1990, la part de la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) exécutée par les administrations représentait 0,95 point de PIB. En 1999, cette part ne représentait plus que 0,81 point de PIB. La baisse des crédits consacrés à la recherche militaire explique, pour une bonne part, cette diminution Ainsi, le budget de la recherche militaire, qui représentait encore près de 35 % du budget de la recherche publique en 1990, a été divisé par deux en dix ans. Entre 1994 et 2000, les crédits publics pour la recherche et la technologie dans le domaine de la défense sont passés de 963 à 521 millions d'euros.

Cette tendance baissière ne doit cependant pas faire oublier que l'Etat français est l'un de ceux qui maintiennent les plus importants dispositifs de recherche publique. De tous les pays avancés, c'est la France qui entretient la plus forte proportion de chercheurs employés dans le secteur public ( cf . graphique 11).

Graphique 11 :

Ainsi, en dépit de l'effort de recherche plus marqué accompli ces dernières années par les entreprises françaises, la France demeure encore caractérisée par un poids important du secteur public de la recherche.

Au-delà des données quantitatives, il importe d'essayer d'évaluer l'efficacité de la dépense française de recherche. Or celle-ci serait, au vu des indicateurs disponibles, plutôt défavorable. La France est, parmi les pays comparables, celui qui a connu le taux de croissance du nombre de brevets le plus faible entre 1995 et 2000. De plus, « l'indice d'impact 52 ( * ) des publications scientifiques françaises aurait baissé par rapport à 1985, alors qu'il est resté stable au Royaume-Uni, et qu'il s'est accru en Allemagne ». La performance de la recherche française semble donc être inférieure à ce que les moyens financiers et humains déployés pourraient laisser attendre.

D. Guellec 53 ( * ) suggère que l'incitation à innover serait moindre dans l'univers de la recherche publique, en raison de l'absence de pression concurrentielle issue des mécanismes de marché. Il souligne également que les retombées de la recherche publique vers l'industrie, seule porteuse d'innovation de produits, ne sont pas automatiques. Elles supposent, en particulier, une politique active de diffusion de la part des organismes publics, notamment à travers des partenariats publics-privés. Or, ces partenariats demeurent encore relativement peu nombreux en France, selon les dernières données disponibles qui portent sur les années 1994-1996 ( cf . graphique 12). Pourtant, le volume des contrats associant entreprises et laboratoires publics a été décuplé en quinze ans. Cela en dit long sur la modestie passée des échanges entre public et privé, qui a longtemps été l'un des traits distinctifs de la recherche française.

Le succès de la recherche aux Etats-Unis s'explique, pour beaucoup, par les synergies créatrices qui s'établissent entre Universités et entreprises privées, qui sont généralement regroupées en « clusters » ( mot qui signifie littéralement « grappe » ou « essaim »). La Silicon Valley, en Californie, est l'exemple le plus célèbre d'une telle concentration d'activités de recherches, publiques et privées, en un même lieu. Il n'existe pas d'équivalent européen de ces « clusters », sans doute pour des raisons historiques et culturelles, mais aussi en raison de la dispersion des efforts de recherche nationaux. Une meilleure coordination des efforts de recherche nationaux contribuerait à réduire l'écart entre la performance de la recherche européenne, et française, et celle de la recherche américaine.

Encadré :

L'effort de recherche publique et privée des principaux pays de l'OCDE

L'effort de recherche est mesuré par un indicateur, la dépense intérieure de recherche et de développement (DIRD), qui correspond à l'ensemble des travaux de RD exécutés sur le territoire national. Cet indicateur englobe donc recherches publique et privée. On observe que le niveau de la DIRD française demeure nettement inférieur à celui des Etats-Unis ou du Japon, voire de l'Allemagne. La part de la recherche financée par l'Etat tend à diminuer, en Europe et aux Etats-Unis, en grande partie sous l'effet de la diminution des crédits de recherche militaire.

L'effort de recherche des principaux pays de l'OCDE

DIRD/PIB

%

Part de l'Etat dans le financement

%

DIRD militaire/
DIRD civile

%

1992

1998

1992

1998

1992

1998

Allemagne

2,50

2,29

36,3

35,2

4,1

2,2

Etats-Unis

2,81

2,74

41,7

33,8

21,9

16,1

France

2,40

2,18

44,8

39,1

16,8

10,1

Italie

1,31

1,02

48,5

51,1

-

-

Japon

2,80

3,06

23,8

26,2

2,2

Ns

Royaume-Uni

2,12

1,83

37,6

35,9

16,3

14,8

L'encouragement à la recherche et à l'innovation contribue pourtant à élever le niveau de la croissance potentielle. L'innovation permet d'élever les gains de productivité, et favorise l'apparition de nouveaux marchés porteurs qui stimulent la consommation des ménages.

* 52 L'impact des publications scientifiques est mesuré par référence au nombre de citations dont elles font l'objet. L'indice d'impact est égal à la part des citations rapporté à la part des publications.

* 53 D. Guellec, « Les politiques de soutien à l'innovation technologique à l'aune de la théorie économique », Économie et Prévision, n° 150-151, 2001.

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