Rapport d'information n° 35 (2002-2003) de M. Joseph KERGUERIS , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 29 octobre 2002

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II. 2. LA DYNAMIQUE DE L'INVESTISSEMENT S'EXPLIQUE PAR LES DÉTERMINANTS CLASSIQUES

Les travaux les plus récents montrent que les déterminants traditionnels de l'investissement, à savoir les variations de l'activité et de la profitabilité, suffisent à rendre compte de la trajectoire de l'investissement observée au cours des trente dernières années. Ces résultats sont renforcés si l'on tient compte de la bulle immobilière apparue au début des années 1990.

A. UN PROBLÈME SPÉCIFIQUE DE L'INVESTISSEMENT EN CONSTRUCTION

L'évolution de l'investissement productif total des années 1990 doit être expliqué à la lumière de sa composante en construction.

L'investissement a en effet connu des évolutions différenciées selon les produits. De 1984 à 1990, l'investissement en matériels et logiciels d'une part et l'investissement en construction d'autre part, ont augmenté tous deux à des rythmes élevés : 8,3 % en moyenne pour le matériel et logiciels et 4,9 % pour le bâtiment. Ainsi, jusqu'en 1990, la FBCF en construction semblait complémentaire à l'investissement en équipements et logiciels et contribuait fortement au cycle de l'investissement total. Ces évolutions jointes sont liées à la forte accélération de la valeur ajoutée observée sur cette même période.

Cette embellie de toutes les composantes de l'investissement cesse de façon brutale en 1990. La guerre du Golfe en août 1990 ne vient en réalité qu'ajouter à un climat international dégradé. La croissance qui s'est déjà infléchie dans les pays anglo-saxons et les incertitudes liées à la réunification allemande ont pesé à la fois sur les décisions de consommation privée et d'investissement des entreprises. Les niveaux élevés du change et des taux d'intérêt limitent alors les capacités de financement des entreprises françaises. L'accumulation du capital connaît alors une longue décélération qui durera jusqu'au début de l'année 1997.

Toutefois, cette rupture ne touche dans un premier temps que la FBCF en équipements et logiciels, et épargne un temps, jusqu'en 1992, la FBCF en construction. Depuis 1990, les deux types d'investissement, « construction » et équipements et logiciels connaissent donc des évolutions qui semblent déconnectées.

A partir de 1990, l'investissement en équipements et logiciels se retourne et connaît de 1990 à 1994, durant quatre années consécutives, une baisse continue (2,4 % en moyenne). La baisse est spectaculaire en 1993 : d'environ 10 % en glissement annuel aux deuxième et troisième trimestres. Cette période correspond à des épisodes de croissance nulle ou de récession. En phase avec une amélioration de l'activité et de la profitabilité, l'investissement en équipements et logiciels redémarre dès 1994 (soit trois ans plus tôt que l'investissement total) et il faut attendre l'année 1997 pour voir s'estomper les effets de la crise économique sur l'investissement dans sa totalité.

Entre 1980 et 2001, la FBCF en construction est passée de 36,6 milliards d'euros aux prix de 1995 à 36,2 milliards d'euros aux prix de 1995, mais elle avait atteint un niveau historique en 1991-1992 à plus de 44,5 milliards d'euros. La phase d'expansion de l'investissement en bâtiment qui commence en 1985 ne s'achève qu'avec l'éclatement de la bulle immobilière en 1992. Ce retard de deux ans du cycle de la construction par rapport au cycle économique s'est traduit par une morosité durable de l'investissement en construction dans les années qui suivent. Le rebond intervient certes en 1999, mais le point haut de l'année 1992 n'a toujours pas été retrouvé.

Comme le montre le graphique qui suit, l'investissement en bâtiment des entreprises, qui constituait plus de 36 % de leur FBCF en valeur en 1978, n'en représente plus que 25 % en 2001.

L'investissement en bâtiment a donc tiré globalement vers le bas le taux de croissance de la FBCF totale, à l'exception de la période 1990-1993, et plus récemment depuis 1999. A l'opposé, la FBCF en équipements et logiciels a été multipliée par 2,3 entre 1980 et 2001. L'évolution un moment décevante de l'investissement des entreprises françaises apparaît, par conséquent, moins nette si l'on exclut la composante « bâtiment » de la FBCF et si l'on se concentre sur l'investissement hors bâtiments.

C'est ce que montrent en effet plusieurs études économétriques. Pour Irac et Jacquinot (1999), c'est l'investissement en construction qui est à la source de l'atypisme en partie constaté de l'investissement total de la décennie 1990. Pour ces auteurs, l'investissement hors construction a eu dans les années 1990 un comportement tout à fait conforme à la dynamique des années 1980 reposant essentiellement sur l'activité (et en partie sur le profit). Irac et Jacquinot montrent qu'entre 1990 et 1995, l'investissement en construction s'est maintenu à des niveaux trop élevés au regard du cycle de la valeur ajoutée ou du taux d'utilisation des capacités de production. Il semble que pour effacer cette période de suraccumulation, l'investissement en construction ait du tomber à présent à des niveaux assez faibles.

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