Rapport d'information n° 35 (2002-2003) de M. Joseph KERGUERIS , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 29 octobre 2002

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C. LES LIENS POSITIFS ENTRE INVESTISSEMENT ET EMPLOI

Investissements et emploi ont parfois été présentés comme antinomiques à travers l'analyse des effets des investissements de productivité.

Par définition, un investissement de productivité réduit les besoins en main-d'oeuvre d'une entreprise, ce qui a un effet négatif sur l'emploi, au moins à court terme. Le faible niveau de l'investissement en France dans les années 1990 a conduit à un ralentissement de la substitution du capital au travail, et, par là, à un enrichissement du « contenu de la croissance en emplois ». Faut-il déplorer cette évolution, dans un contexte français qui demeure marqué par un niveau de chômage élevé ?

Les mesures structurelles qui ont pour effet de modifier le coût relatif des facteurs de production incitent les entreprises à adapter leurs combinaisons productives. Les entreprises privilégient des modes de production plus intensifs en travail, et moins intensifs en capital, ce qui a, temporairement, un effet positif sur les créations d'emplois. Mais ces mesures ne modifient pas le potentiel de croissance de l'économie. Ainsi, une fois cette phase d'adaptation passée, le niveau des créations d'emplois redevient dépendant du rythme de la croissance, qui est lui-même contraint par le niveau de la croissance potentielle.

Par ailleurs, la substituabilité entre facteurs de production est, au mieux, partielle. Il n'est pas possible de faire baisser indéfiniment la part du capital dans la combinaison productive. Dans les secteurs où la complémentarité entre travail et capital est forte, l'augmentation du stock de capital et l'élévation du niveau de l'emploi vont de pair. Les estimations de Crépon et Gianella suggèrent que l'élasticité de substitution entre les facteurs de production est assez faible, de l'ordre de 0,7 dans le secteur secondaire, et de 0,4 dans le tertiaire 10 ( * ) . Une autre conclusion importante de leurs recherches économétriques est que la demande de facteurs de production est beaucoup plus influencée par les variations de la demande adressée aux entreprises que par le coût relatif des facteurs de production.

Or, un pays dont les entreprises investissent trop peu s'expose au risque de voir la compétitivité-prix de ses produits se dégrader, et ses parts de marché se réduire, ce qui risque d'entraîner des destructions d'emplois bien plus importantes que celles obtenues grâce aux modifications du coût relatif des facteurs.

Les travaux menés sur longue période, et à un niveau macroéconomique, montrent une corrélation forte entre croissance de la productivité, croissance du PIB, élévation du niveau de vie, et créations d'emplois. Une étude récente de la Banque de France 11 ( * ) , portant sur les pays du G 7, ainsi que sur les Pays-Bas et la Belgique, indique que ce sont les pays ayant connu les gains de productivité les plus faibles après le choc pétrolier de 1973, qui ont les performances de croissance et de créations d'emplois les plus médiocres. Les gains de productivité permettent, en effet, de libérer des ressources, en capital et en travail, qui autorisent une progression plus soutenue de l'activité.

Au niveau microéconomique, différentes observations suggèrent que les entreprises qui investissent et innovent beaucoup sont davantage créatrices d'emplois que les autres. Une étude de l'OCDE de 1995 12 ( * ) indique que les entreprises ayant lancé des produits nouveaux au cours des deux années précédentes présentent un niveau d'emploi supérieur de 4 % à celui des entreprises n'ayant pas signalé d'innovation de ce genre.

A long terme, donc, l'investissement est favorable à la création d'emplois, parce qu'il permet de soutenir une croissance plus forte. Les créations d'emplois engendrées par une croissance plus forte sont bien plus importantes que les destructions d'emplois résultant d'une croissance des gains de productivité, ainsi que l'atteste l'expérience américaine des années 90.

* 10 Crépon B., et Gianella, C. « Fiscalité et coût d'usage du capital : incidences sur l'investissement, l'activité, et l'emploi  », Economie et Statistique, n° 341-342, janvier-février 2002.

* 11 Bulletin de la Banque de France, n°102, juin 2002, p.5 à7.

* 12 OCDE, « L'étude de l'OCDE sur l'emploi. Investissement, productivité et emploi », 1995 p. 82.

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