DEUXIÈME PARTIE
CHAPITRE I

UNE EUROPE DU FOOTBALL PROFESSIONNEL ÉCLATÉE

On prétend souvent qu'il existerait un « modèle européen du sport », dont les caractéristiques s'appliqueraient au football, issu d'une origine commune marquée par l'amateurisme des pratiques. De la même manière, les responsables des associations nationales ou internationales, ainsi que ceux des ligues professionnelles, font fréquemment l'éloge de la « grande famille du football », qui regrouperait dans une union harmonieuse l'ensemble des pratiquants, amateurs comme professionnels.

Ces invocations recèlent une part de vérité. Le football européen professionnel fonctionne selon des règles différentes de celles en vigueur aux Etats-Unis pour les sports professionnels les plus populaires. Toutefois, le constat qui désormais s'impose est celui de la très grande hétérogénéité du football en Europe. Hétérogénéité des espaces nationaux, de leurs équilibres propres et des choix d'organisation, hétérogénéité aussi des positions, et donc des dispositions, des clubs de football professionnel.

I. QUELQUES CARACTÉRISTIQUES COMMUNES ESQUISSENT UN MODÈLE EUROPÉEN DU FOOTBALL

La pratique du football s'est, historiquement , développée, en France et en Europe, à partir d'un cadre amateur et associatif . Cette origine a engendré ce que certains voient comme un « modèle ». Articulé autour de règles de fonctionnement et d'organisation particulières, d'ailleurs communes à toutes les disciplines sportives, ce « modèle européen » structurerait la pratique du football.

On peut certes identifier quelques caractéristiques communes et distinguer les règles européennes d'un modèle, plus récemment apparu, et nettement différent, le modèle américain . Mais, il est difficile d'aller plus loin et le constat qui s'impose est celui de la grande diversité des choix nationaux, notamment dans le domaine économique, qui dessinent une nette pluralité des contextes du football professionnel en Europe.

Plus encore, la pérennité de l'application des quelques éléments permettant d'évoquer un modèle européen du football est aujourd'hui soumise à de fortes tensions du fait de la montée en puissance des enjeux commerciaux dans le développement du football contemporain. Celle-ci provoque une exacerbation de la poursuite de l'objectif économique de maximisation des profits. Cette dimension nouvelle , qui prend une place grandissante, peut entrer en conflit avec les dimensions traditionnelles qui ont fondé l'identité sportive du football.

A. UNE ESQUISSE DE MODÈLE EUROPÉEN DU FOOTBALL

Le modèle européen du sport , qui est censé s'appliquer au football, repose sur un type particulier d'organisation et sur quelques principes de fonctionnement .

On peut identifier ce modèle à partir de ces différentes fonctions. A l'origine, il s'agit d'encadrer une activité, initialement sans but lucratif, tout en assurant un système de promotion du sport, axée sur la sanction de la performance sportive. Mais, la prise en compte des enjeux sociaux des pratiques sportives s'impose aussi et passe par l'exercice d'un nécessaire contrôle.

1. Une organisation pyramidale

Issue de pratiques récréatives marquées par l'amateurisme, l'organisation du football s'est développée dans un cadre associatif qui, au moins pour partie, façonne encore le cadre de fonctionnement de l'ensemble du football, amateur ou professionnel.

L'organisation du sport en Europe dessine une pyramide.

Sa base est constituée par les « clubs », le plus souvent caractérisés par une forme associative excluant toute recherche de profit. Même lorsqu'elles existent, et c'est bien entendu le cas pour le football, les organisations sportives à but lucratif côtoient la masse des clubs amateurs, ne serait-ce que par leur assujettissement à des instances communes et par les liens juridiques existant le plus souvent entre l'association et la section professionnelle.

Le deuxième niveau est constitué par les organisations locales qui sont responsables de l'organisation des compétitions dans leur champ géographique.

Les fédérations nationales constituent, dans chaque pays, le sommet de cette pyramide . La situation de ces fédérations présente toujours une particularité forte : elles disposent d'une position de monopole et sont réputées sans but lucratif . Ainsi, s'il arrive qu'elles délèguent une part de leurs compétences à d'autres organes, ceux-ci agissent, en théorie, sous le contrôle de la fédération délégante, qui n'est pas soumise à concurrence. Le monde du football illustre ce phénomène. La reconnaissance du particularisme de l'activité professionnelle et de ses acteurs a débouché sur la constitution de ligues professionnelles, qui sur délégation des fédérations, organisent les compétitions sportives mettant aux prises les clubs professionnels. Cependant, il s'agit bien d'une délégation et, théoriquement, l'unité de la « famille » du football est garantie par les pouvoirs de tutelle de chaque fédération . En outre, chaque ligue nationale épouse les traits caractéristiques de la fédération, en particulier sa position de monopole.

Enfin, au niveau international , il existe des fédérations européennes - l'UEFA pour le football - ou encore des fédérations mondiales - la FIFA pour le football - qui, reconduisant le principe d'un monopole national, ne reconnaissent comme adhérent qu'une fédération nationale par sport et qui maintiennent leurs prérogatives à travers l'organisation de compétitions européennes et le « pouvoir réglementaire » exercé sur les fédérations nationales.

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