C. DÉBANALISER LE FOOTBALL

Le processus de banalisation du football, dont est largement responsable la jurisprudence des tribunaux, se traduit par deux phénomènes essentiels : l'assimilation du football à une activité commerciale comme les autres ; la mondialisation.

Sur le premier point, on a vu que la logique de banalisation économique ne pouvait être poussée à son terme.

Si on ne parvenait pas à entreprendre la régulation nécessaire, alors il y aurait de fortes chances pour que le modèle européen traditionnel du football ne résiste pas. En particulier, un moment arriverait où les projets, nourris par certains clubs, de constitution d'un championnat fermé regroupant les clubs de l'élite de l'élite européenne verraient le jour. Cette évolution provoquerait l'effondrement du maillage régional de clubs qui est directement lié à des équilibres qu'il faut préserver.

Sur le second point, il faut relever les défis qui sont associés au maintien des valeurs identitaires propres au football mais qui relèvent aussi des problèmes très concrets de localisation d'activités, et tout particulièrement, de la place de la formation en Europe.

Pour ce qui est des valeurs identitaires du football, l'espèce de babélisation des clubs pose un problème qui, en l'état du droit européen, est difficile à résoudre. C'est pourquoi il est proposé de mieux consacrer le principe d'exception sportive en évitant toutefois qu'il puisse justifier les pratiques excessives autrefois observables. En la matière, comme toujours, un effort de conciliation équilibrée doit guider l'action.

1. Adopter une démarche plus solidaire

a) Créer une taxe sur les produits des droits télévisés des compétitions en Europe.

L'essor économique du football est étroitement assis sur les recettes que tirent les organisateurs, qu'un lien de plus en plus ténu, mais fondamental au plan des principes, unit aux différents Etats, de la commercialisation auprès des télévisions des compétitions dont ils ont l'initiative.

La position de marché du football lui confère une puissance considérable qui lui offre une exposition publique exceptionnelle, venant, à son tour, renforcer cette puissance.

Les ressources consacrées au football par les chaînes ont augmenté de façon spectaculaire et le football accapare une part de plus en plus importante des moyens dédiés par les chaînes à leur offre de programme .

Tout cela témoigne d'une sorte d' effet d'éviction exercé au profit du football et au détriment d'autres allocations des ressources : les autres sports sont globalement très distancés dans une concurrence qui peut toucher également l'investissement dans la création audiovisuelle ou avoir des répercussions en termes de prix d'accès à l'offre audiovisuelle.

Le contexte est, par ailleurs, souvent marqué par l'existence de marchés déséquilibrés . Les vendeurs des droits sont, légalement ou économiquement, en situation de monopole face à des acheteurs qui, généralement, en l'état actuel, se concurrencent. Les marchés où se négocient les droits relèvent donc de la catégorie des marchés de monopole. Ils permettent aux vendeurs d'exploiter une sorte de rente .

Dans ces conditions , l'intervention de l'Etat est justifiable à plusieurs titres. D'un point de vue théorique , il peut être légitime de taxer les produits de la rente , c'est-à-dire les recettes, qui apparaissent excessives par rapport à celles que produirait un marché de concurrence pure et parfaite. D'un point de vue pratique , l'Etat peut souhaiter limiter l'effet d'éviction supporté par les autres secteurs du fait de la concentration des ressources au profit du football.

D'ailleurs, dans deux pays européens , l'Angleterre et la France, des prélèvements sont mis en oeuvre, au taux de 5 %, sur les recettes produites par les ventes de droits pour financer des actions en faveur d'autres sports ou d'autres segments du football.

Votre rapporteur estime qu' une généralisation de cette taxation devrait être entreprise en Europe . La bonne fortune dont bénéficie le football est sans doute largement méritée par les qualités exceptionnelles de ce sport et de ceux qui l'animent. Le monde du football gagnerait un réel crédit en partageant davantage ce qui peut, malgré tout, être considéré, en partie, comme une manne. Enfin, la coexistence , en Europe , de situations où un tel partage intervient et de situations où il n'intervient pas handicape les clubs localisés dans les pays « altruistes » .

L'instauration d'une taxe, au taux minimum de 5 %, sur le produit des ventes des droits de retransmission télévisée des compétitions de football professionnel devrait être entreprise. Deux solutions d'affectation sont envisageables : dans le cadre des budgets nationaux ou à destination du budget de l'Union européenne. Dans l'un et l'autre cas, une utilisation des ressources à destination du sport ou de la jeunesse est recommandable.

b) Amplifier la solidarité au profit des fédérations relevant des pays les moins bien dotés

La FIFA et l'UEFA allouent une partie de leurs ressources à des activités de soutien aux fédérations les plus vulnérables. Ces actions devraient être résolument placées sous le sceau de l'aide au développement. Le montant des financements devrait être augmenté. Les clubs devraient être plus ciblés et gérés en partenariat avec les institutions concernées chargées du développement.

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