D. OBSERVATION DE L'ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE L'AUTORITE PALESTINIENNE (Lundi 24 janvier 2005) ET DÉBAT D'URGENCE SUR LES PERSPECTIVES DE PAIX AU PROCHE-ORIENT (Mercredi 26 janvier 2005)

Lord Kilclooney (Royaume-Uni - PPE), rapporteur de la commission ad hoc pour l'observation de l'élection du président de l'autorité palestinienne, cite le communiqué de presse unanime qui a été publié le 10 janvier ainsi que son rapport ( Doc. 10416 ). Trois territoires étaient concernés par l'élection du Président de l'autorité palestinienne. Pour des raisons de sécurité, les observateurs n'ont pu se rendre à Gaza. Le rapporteur estime ce fait dommageable et aimerait que, dorénavant, l'on puisse vérifier les sources lorsque des raisons de sécurité sont invoquées. La mission des observateurs s'est donc limitée à Jérusalem-Est et à la Cisjordanie.

Ils ont été fort impressionnés par le calme qui a présidé à cette élection, en faisant un exemple pour les pays arabes du Proche-orient. Les Palestiniens ont accepté de reconnaître la commission électorale comme une instance impartiale. La situation a toutefois laissé à désirer en ce qui concerne Jérusalem-Est où les autorités israéliennes ont imposé d'importantes restrictions au dernier moment, empêchant ainsi de nombreux Palestiniens inscrits de se rendre aux urnes. Le Hamas a également freiné la participation en encourageant l'abstention.

La venue au pouvoir de Mahmoud Abbas permet de développer des espoirs, pour autant qu'Israël et les États-Unis saisissent cette opportunité. D'une part, Israël doit arrêter d'accroître le nombre de colonies de peuplement illégales et, d'autre part, la Palestine doit éviter tout recours à la violence.

Des élections parlementaires se tiendront le 17 juillet dans les territoires palestiniens. La situation sera cette fois plus compliquée puisque trois grands partis seront en lice: celui de Mahmoud Abbas, celui du Dr Bargouti et le Hamas. Le rapporteur suggère au Bureau d'organiser une nouvelle mission d'observation à cette occasion.

Mme Josette Durrieu, Sénateur , intervient alors en ces termes : « Monsieur le Président, j'ai participé également à l'observation des élections en Palestine et je partage naturellement toutes les remarques et les points de vue qui se sont exprimés ici.

Ces élections ont été organisées de façon remarquable par les autorités palestiniennes et dans les pires conditions. Il faut le redire sans cesse, ce pays est occupé. Il est muré, verrouillé. Dans ce petit pays, pour 1 300 000 électeurs, on comptait 740 check-points. Ces élections ont été bien organisées, sauf à Jérusalem, où elles l'ont été par les autorités israéliennes. On ne votait pas dans des bureaux de vote, mais dans des bureaux de poste. Toute une symbolique jouait: on ne votait pas directement, mais par correspondance. Il n'y avait que 5 bureaux de vote. Alors qu'il aurait dû y avoir 124 000 inscrits, il n'y en avait que 5 000. En effet, beaucoup de pressions ont été exercées sur ceux qui ne se sont pas inscrits, notamment sur leurs droits dans la vie quotidienne. Bref, il y a l'ombre de Jérusalem. Soixante dix pour cent des Palestiniens ont réussi malgré tout à se faire inscrire sur l'ensemble de la Palestine. La mobilité, bien sûr, n'était pas assurée, la campagne ne s'est pas forcément bien déroulée. Mahmoud Abbas, qui a été élu, n'a pas pu aller faire campagne à Jérusalem-Est. Malgré cette situation totalement anormale, ces élections se sont déroulées dans des conditions que nous avons considérées comme bonnes. Il faut s'en réjouir. C'était le premier défi, les Palestiniens voulaient prouver quelque chose, ils l'ont fait.

Mahmoud Abbas a été élu avec plus de 60 % des voix. C'était aussi un objectif à atteindre, d'ailleurs pas très facile parce que le Hamas s'était prononcé pour l'abstention, Mahmoud Abbas étant le candidat des Américains et ce n'était pas non plus forcément le meilleur des slogans de campagne pour lui. Il n'empêche, le second, Moustafa Bargouti, a remporté près de 20 % des voix. Une opposition jeune et structurée se crée aussi, ce qui est un signe également assez positif dans cette situation politique.

Aujourd'hui, Mahmoud Abbas incarne à l'évidence un espoir. Y a-t-il une confiance absolue en lui de la part des Palestiniens, même de la part de ceux qui ont voté pour lui? Non, il reste beaucoup de peurs, de doutes sur ce que pourraient être les renoncements dans le cadre des négociations. Parlons-en de ces négociations, puisque la paix doit être négociée. Les Israéliens devront accepter que ce n'est pas par la force et à l'abri de murs que leur État pourra exister et durer. La paix négociée, oui, mais entre deux forces extrémistes de part et d'autre. D'un côté, la politique de Sharon, politique du fait accompli, avec l'objectif évident de liquider l'État palestinien en bénéficiant du soutien, jusqu'à aujourd'hui de Bush comme de Kerry.

De l'autre côté, maintenant, Mahmoud Abbas remplace Arafat. Sur quoi s'appuie-t-il ? Où est la communauté internationale ? Où est cette Europe à laquelle on fait dramatiquement référence en permanence ? Où est la force politique européenne ? Il n'y en a pas puisque le Quartet dont nous sommes est complètement dilué. La feuille de route n'est absolument pas d'actualité. Eh oui, il faut tout replacer dans l'actualité politique. La situation est assez accablante. Tout le monde souffre de part et d'autre. La paix est souhaitée par tous. Et elle est souhaitée par les Palestiniens.

Sont-ils prêts à des renoncements ? Je dirais oui. Certains ont été exprimés par M. Quorei, le Premier Ministre, quand nous l'avons rencontré. Les Palestiniens sont prêts à accepter le petit État symbolique qu'on finirait par leur donner, État non viable, c'est évident. Quand je lui ai demandé: à quoi ne renoncerez-vous pas, les frontières, les colonies, les retours et Jérusalem ? Il a répondu: nous ne renoncerons pas aux colonies, le reste est discutable. Si on considère Jérusalem comme une colonie, je pense que c'est ainsi qu'il fallait l'interpréter.

Il est évident que les Palestiniens veulent la paix. Oui, ils sont prêts à beaucoup de renoncements. Non, cet État ne sera pas viable. Les Palestiniens misent sur le temps, sur l'avenir, sur le nombre sûrement. Il ne faut pas les décevoir lorsque se réunira la première conférence en 2005 à Londres. Il faut qu'il en sorte un statut permanent pour ce petit État. »

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