CONCLUSION

En conclusion, nous voulons d'abord rappeler que la Bosnie-Herzégovine est géographiquement, historiquement et culturellement en Europe, et que, à ce titre, elle est appelée à entrer un jour dans l'Union. Cependant, elle ne pourra pas y entrer sans établir au préalable les conditions d'une paix durable entre ses trois peuples constituants.

Le Conseil européen de Thessalonique de juin 2003 a confirmé la vocation européenne des Balkans et il a précisé les conditions à remplir par la Bosnie-Herzégovine. Même si, le 19 mai 2005, la Commission européenne a estimé que ces conditions n'étaient pas remplies, il faut espérer que des solutions seront trouvées, à court ou moyen terme, pour entamer les négociations d'un accord de stabilisation et d'association.

Il ne faut cependant pas faire preuve d'un trop grand optimisme : seule une réforme profonde des institutions de Bosnie-Herzégovine, traduisant une véritable responsabilisation des dirigeants politiques, permettra à ce pays de réaliser des progrès dans sa démarche d'intégration européenne.

Depuis quelques mois, le pays a évolué positivement, mais sous la seule marche forcée du Haut Représentant. Il est désormais temps, alors que les prochaines élections générales auront lieu en octobre 2006, de réfléchir à un changement institutionnel significatif de nature à lever progressivement la tutelle qui continue de peser sur ce pays, tout en tenant compte des impératifs de sécurité.

En tout état de cause, seule la réconciliation entre les trois peuples constituants de Bosnie-Herzégovine, qui n'est malheureusement pas encore totalement réalisée, dix ans après une guerre qui a fait plus de 200.000 morts, leur permettra d'évoluer sur le chemin de la reconstruction et, à terme, de l'adhésion à l'Union européenne.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

La délégation s'est réunie le mardi 10 mai 2005 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Didier Boulaud, le débat suivant s'est engagé :

M. Hubert Haenel :

Il est regrettable que les médias ne parlent de la situation politique des États des Balkans qu'en situation de crise, sans témoigner de leurs progrès. Il appartient à notre délégation de faire un suivi de ces pays qui ont la qualité de candidats potentiels à l'entrée dans l'Union européenne. Par ailleurs, ce déplacement en Bosnie-Herzégovine nous a permis de constater que la défense européenne n'était pas encore opérationnelle et qu'elle s'en remettait encore aux moyens de l'OTAN. Nos interlocuteurs bosniens ne connaissent que l'OTAN pour assurer leur sécurité et voient dans l'Union européenne un simple espace de développement économique. Il faut changer cette vision des choses. Enfin, je souhaiterais vivement que le mandat du Haut Représentant soit revu : aujourd'hui, il impose des pans entiers de la législation, sans véritable contrôle démocratique, à l'avenir il devrait intervenir pour des cas de force majeure, un peu sur le modèle de l'article 16 de la Constitution française.

M. Jean Bizet :

Avez-vous le sentiment que la population de Bosnie-Herzégovine souhaite que le pays adhère à terme à l'Union européenne ?

M. Didier Boulaud :

Nous n'avons pas discuté directement avec les citoyens, mais avec leurs représentants. Ceux-ci nous ont tous affirmé leur désir d'entrer dans l'Union européenne. Il faut évidemment leur rappeler toutes les conditions de cette intégration. Par ailleurs, nous avons noté un vif intérêt de la part de nos interlocuteurs pour les débats européens en cours, et une certaine inquiétude, voire une incompréhension, à l'égard de l'évolution de la campagne référendaire française sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Mme Colette Melot :

Je vous confirme que cette campagne référendaire est observée avec beaucoup d'attention à l'étranger, y compris en Afrique où je me suis rendue récemment.

M. Hubert Haenel :

Deux échéances étaient importantes pour nos interlocuteurs bosniens : le 19 mai 2005, date de l'ouverture éventuelle de la négociation d'un accord de stabilisation et d'association et le 29 mai 2005, date du référendum français sur la Constitution européenne.

Notre collègue Monique Papon, présidente du groupe d'amitié France-Serbie et Monténégro, a accepté de faire devant la délégation une brève intervention sur le déplacement qu'elle vient d'effectuer au Kosovo et au Monténégro.

Mme Monique Papon :

Notre séjour était consacré en partie à l'établissement de liens durables avec les parlementaires serbes et monténégrins, qui appartiennent à un parlement monocaméral. Nous leur rendions la visite qu'ils nous avaient faite en décembre dernier. Nous avons, à cette occasion, voulu recueillir l'avis des trois communautés serbe, monténégrine et kosovare à un moment décisif de leur histoire.

Nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer tous les responsables politiques, présidents et premiers ministres, des deux États, les présidents des Assemblées et des personnalités politiques de l'opposition et de la majorité. Les parlementaires nous ont fait part de leur souhait d'en rester au statu quo actuel dans le cadre de l'État fédéral. Pour autant, la majorité de l'Assemblée du Monténégro, indépendantiste, tout comme l'opposition, pro-serbe, souhaitent un référendum, dont la date est déjà fixée à mars 2006.

La question du Kosovo est évidemment la question la plus délicate et la plus sensible, tant les positions kosovare, albanaise et serbe sont tranchées. A ces difficultés ethniques s'ajoutent des problèmes économiques, avec un taux de chômage qui dépasse 50 % de la population active au Kosovo. Pour vivre, la population est obligée de faire fonctionner une économie parallèle ou souterraine. Elle survit aussi grâce aux aides internationales. La KFOR (Kosovo Force), force sous commandement de l'OTAN et sous mandat des Nations unies, avec 17 000 hommes, dont 3 000 français, commandée par un général français, fait un travail de pacification remarquable. Nous avons également rencontré le préfet français représentant adjoint de la mission de l'ONU au Kosovo (MINUK).

Malgré ces efforts considérables de la communauté internationale, il nous semble que les progrès restent très limités du fait d'une séparation totale entre les deux communautés. Par exemple, les enfants sont scolarisés dans des écoles séparées, serbes ou kosovares. Les difficultés risquent donc de perdurer, voire de s'accentuer.

La priorité demandée par les autorités internationales porte sur le droit de retour des populations déplacées et sur la liberté de circulation. Mais la population supporte assez mal cette présence internationale durable. La question kosovare réclame à la fois de la prudence et de la fermeté en matière de sécurité et de respect des droits de l'homme, dans l'attente de l'adoption d'un statut définitif de cette province, peut-être à l'été 2005. Il faut surtout de la fermeté du fait de la criminalité organisée, de la traite des êtres humains et du trafic des stupéfiants.

Que deviendra le Kosovo quand l'aide et les troupes internationales se retireront du pays ? La police locale saura-t-elle faire face à la situation ? Il ne faut pas oublier non plus le différentiel démographique entre les deux populations, la démographie serbe correspondant à celle de nos pays tandis que la démographie albanaise est galopante, avec de très grandes familles.

M. Didier Boulaud :

La diaspora kosovare a joué un rôle important également pour le soutien de la population restée sur place. Dans l'esprit des habitants, les troupes de l'OTAN sont là encore pour longtemps. Naturellement, ils aspirent à faire partie de l'Europe, mais ils pensent pouvoir s'intégrer seuls, car l'autonomie est, pour eux, définitivement acquise.

Par ailleurs, j'ajouterai une initiative intéressante dont j'ai appris l'existence à l'occasion de mon voyage en Bosnie-Herzégovine, à savoir la création d'une COSAC des Balkans, c'est-à-dire d'une réunion de membres des commissions européennes des parlements de ces pays. La première réunion devrait se tenir à Sarajevo au mois de juin prochain. Cette initiative témoigne sans conteste de la forte mobilisation de ces pays en faveur de leur intégration européenne.

*

À l'issue de ce débat, la délégation a autorisé la publication d'un rapport d'information disponible sur internet à l'adresse suivante :

www.senat.fr/europe/rap.html

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