CHAPITRE VI : LES OBSTACLES AU DÉVELOPPEMENT DE LA TÉLÉMÉDECINE

SECTION 1 : LA QUESTION DE LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE EST MAL RÉGLÉE

La question de la responsabilité médicale est à la fois complexe et simple :

Elle apparaît relativement simple pour le patient qui peut engager la responsabilité du médecin en bout de chaîne, celui qui est en face de lui et signe la prescription. Mais, si ce dernier doit assumer vis-à-vis du patient l'intégralité de sa responsabilité, il peut ensuite, dans le cadre d'une action récursoire, se retourner vers ceux qui sont intervenus dans l'acte et ont pu commettre une faute.

Vos rapporteurs ont le sentiment que l'émergence de la télémédecine va venir dans cette seconde perspective considérablement complexifier le droit de la responsabilité médicale qui va être confronté à l'application de plusieurs législations et aux contradictions entre ces dernières comme nous avons pu l'examiner dans la première partie où nous avons mis en évidence des contradictions entre la loi informatique et liberté et le code de déontologie médicale :

Par exemple s'agissant du cryptage des données il y a deux régimes : un régime d'autorisation lorsqu'il s'agit d'assurer le secret des messages et un régime de déclaration lorsqu'il s'agit uniquement d'authentifier sa signature.

Les tiers de confiance détenteur de données nominatives pourront voir leur responsabilité mise en oeuvre (dans le cadre d'un régime de responsabilités spécifique qui reste à construire).

Par ailleurs , les techniques de télémédecine supposent de maîtriser la législation relative à l'échange de données informatisées, à l'Informatique et aux Libertés, au secret médical, à la sécurité des réseaux pour les informations qui transitent sur ces réseaux, à la preuve puisque les règles de preuve en France ne sont pas d'ordre public et que l'on peut aménager une convention sur la preuve dans les contrats.

Enfin à la responsabilité des fournisseurs puisqu'une opération de télémédecine nécessite à la fois un fabricant de matériel, un auteur de logiciel d'exploitation, d'application mais aussi un téléopérateur, un fabricant de logiciel, éventuellement de compression d'images et de décompression, et à chacun des bouts un praticien, si bien qu'effectivement on peut avoir là un cumul de responsabilités.

Tout cela suppose à la fois de bien identifier ces différentes législations et surtout d'aménager un cadre contractuel entre les différents intervenants à l'opération de télémédecine pour prévenir les éventuels dérapages et être capable en cas de problème de préciser les responsabilités de chacun.

Il est donc indispensable que les réseaux de télémédecine se coordonnent entre eux avec éventuellement le concours des pouvoirs publics pour mettre au point des conventions-type régissant les questions de responsabilité dans le cadre des opérations de télémédecine.

En effet, la formalisation des obligations respectives de chaque utilisateur dans un écrit, si besoin de nature contractuelle, serait certainement facteur de nature à clarifier ces questions et il serait utile de réfléchir à des solutions placées sous l'égide du Conseil de l'Ordre, qui pourraient éventuellement faire l'objet d'une loi ultérieurement.

L'exemple des accidents vasculaires cérébraux tel qu'il est décrit ci-dessous est particulièrement édifiant sur les questions de responsabilité.

Si une faute est commise dans la prise en charge du patient il se retournera contre l'hôpital où le médecin libéral qui l'a soigné et sera indemnisé. Il appartiendra ensuite à l'hôpital de déterminer les responsabilités et de se retourner contre celui où ceux qui ont failli dans une chaîne de prise en charge du patient particulièrement complexe.

« La mise en oeuvre de ces principes n'est pas toujours compatible avec les exigences de l'urgence vitale : Telle qu'elle est actuellement conçue, la téléexpertise en neurochirurgie met en exergue des difficultés organisationnelles liées aux structures hospitalières mais laisse également planer des incertitudes en termes de gestion des données télétransmises et de responsabilité des intervenants.

La téléexpertise en neurochirurgie paraît fonctionner selon un schéma simple qui frappe néanmoins par la multiplicité des intervenants (urgentiste, radiologiste émetteur, radiologiste récepteur, neurochirurgien) et surtout par le nombre des étapes qui conduisent à un grand formalisme dans la relation confraternelle. Il n'est pas certain que cette formalisation de l'aide diagnostique et thérapeutique soit compatible avec la notion d'urgence en raison de l'allongement des délais qu'elle peut induire.

L'intérêt de la téléexpertise réside dans la plus-value apportée par l'avis du référant. Encore faut-il que le neurochirurgien puisse rapidement et surtout personnellement se prononcer sur les dossiers qui lui sont soumis. L'identification de l'expert est donc capitale non seulement pour sécuriser l'accès à l'information mais aussi en terme de compétence. Le clinicien demandeur d'avis doit être assuré que les données dont il a demandé le transfert feront l'objet d'un examen par le neurochirurgien. Or, celui-ci peut être indisponible lors de la réception des images. Etant donnée la localisation des stations de travail, le plus souvent en radiologie, le radiologiste récepteur des images va solliciter, en interne, le neurochirurgien. En fonction de la taille des établissements, de la disponibilité de cet expert, il faudra de 10 mn à une heure pour que celui-ci soit joint. En situation d'urgence, c'est inévitablement au neuroradiologiste qu'incombera la réponse.

L'avis téléphonique et le compte rendu électronique qui s'ensuit auront pour destinataire le radiologiste émetteur et non le clinicien qui est à l'origine de la demande d'avis. Celui-ci est finalement peu associé à un procédé dont il est pourtant le commanditaire. Ainsi l'équipe médicale demandeuse d'avis (urgentiste) dispose rarement des informations figurant dans le compte rendu télétransmis au radiologiste et a parfois des difficultés à les obtenir.

Un rôle prépondérant est donc confié au radiologiste, qu'il soit l'émetteur ou le récepteur des images : le premier parce qu'il effectue un tri des clichés transmis et qu'il les commente par téléphone avec son confrère, le second, le radiologiste récepteur, parce qu'il joue le rôle de médecin coordonnateur que l'on vient de voir.

Il est assez frappant d'observer que, lors du second appel téléphonique, la conversation se réduit souvent à une indication de transfert ou de maintien du patient donnée par l'interne de garde à l'urgentiste en fonction des consignes que lui ont laissées les experts (neuroradiologiste et neurochirurgien). Le dialogue qui est censé s'établir entre neurochirurgien, urgentiste et radiologistes, n'existe que dans une version idéale de la répartition des rôles » 25 .

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