2. ... mais aussi dans des scénarios alternatifs où les autres agents contribuent davantage à la croissance

Dans les scénarios où les entreprises ou le commerce extérieur contribuent davantage à la croissance, la condition de réduction du taux d'épargne des ménages, pour être un peu moins stricte, reste déterminante.

a) un scénario de forte croissance de l'investissement
(1) Les perspectives offertes par une plus forte reprise de l'investissement...

Dans tous les scénarios à 2,25 % de croissance, l'investissement doit progresser plus vite que dans sa tendance récente.

COMPORTEMENT D'INVESTISSEMENT DANS LES 5 SCÉNARIOS

(en %, mm4)

Source : INSEE, calculs OFCE

Dans le compte central , l'investissement des entreprises évolue sur un rythme de 4,3 % en moyenne annuelle. Sa progression est plus rapide que celle observée historiquement (3,5 % entre 1985 et 1995 ; 3,2 % entre 1995 et 2005). Le taux d'investissement des entreprises 30 ( * ) , qui est représentatif de la part de la richesse créée par elles, affectée à l'acquisition des moyens de production durables (bâtiments, équipements...) se redresserait à 18,5 % en moyenne (soit 0,7 point de plus que sur la période 1995-2005).

Si ces évolutions témoignent d'une orientation plus favorable de la demande des entreprises, elles restent mesurées au regard de ce qu'on observe dans les épisodes de reprise économique. Ainsi, entre 1997 et 2000, l'augmentation annuelle moyenne de l'investissement des entreprises s'est élevée à près de 7 % en volume.

Une progression plus rapide de l'investissement des entreprises est donc une perspective « normale » quand l'économie sort d'un point bas du cycle .

Dans une simulation alternative au scénario central, dans lequel la croissance repose principalement sur la consommation des ménages, on a souhaité illustrer dans quelle mesure une contribution de l'investissement à la croissance plus en ligne avec les épisodes de reprise passés pourrait minorer les ajustements du comportement des ménages.

En supposant une croissance de l'investissement supérieure de 3,5 % par rapport au compte central (soit une augmentation annuelle de 7,8 % au cours de la période 2007-2010), la baisse du taux d'épargne des ménages compatible avec une croissance à 2,25 % l'an serait réduite de moitié (-1 point contre -2,4 points quand l'investissement des entreprises progresse de 4,3 %).

Cette simulation a pour utilité principale de montrer dans quelle mesure une plus grande dynamique de l'investissement viendrait « détendre » les contraintes de désépargne des ménages que suppose l'objectif de croissance retenu dans les projections dans un contexte d'ajustement structurel des comptes publics. Ses résultats montrent que, si une demande dynamique des entreprises serait un élément favorable , elle n'exercerait pas un effet d'entraînement de la croissance tel que les ménages puissent conserver leurs préférences pour l'épargne .

Toutefois, il faut observer que la simulation ici exposée est en partie « conventionnelle » et que sa présentation n'implique pas de jugement sur la probabilité d'un tel scénario .

Sur le premier point, on doit indiquer qu'une hypothèse importante a été posée au terme de laquelle le rythme très rapide de l'investissement n'exercerait pas d'effet défavorable sur le commerce extérieur. Or, le contenu en importations des investissements est relativement élevé par rapport à celui de la consommation des ménages, ce qui, à court terme 31 ( * ) est susceptible de dégrader la contribution du commerce extérieur par rapport à une situation où la croissance est « tirée » par la consommation.

(2) ...ne doivent pas être surestimées

Surtout, la probabilité d'une reprise de l'investissement aussi sensible que celle qui a été simulée apparaît des plus incertaines, pour des motifs conjoncturels et structurels .

Il apparaît des plus improbables que l'investissement puisse connaître une dynamique indépendante de la consommation des ménages.

Le maintien d'une politique monétaire accommodante pourrait favoriser une reprise de l'investissement des entreprises, dans un contexte où leur situation financière est assainie et où des besoins de rattrapage existent.

Mais, si les entreprises sont aujourd'hui mieux à même d'investir après leur redressement financier récent, il faut conforter leurs perspectives, ce qui plaide pour une politique de croissance.

La réduction très rapide du déficit public structurel , à marche forcée en quelque sorte, n'offrirait pas un contexte propice à l'investis-sement .

Dans la vie économique mondialisée que nous connaissons, il y a naturellement une propension à investir dans les zones qui offrent des coûts de production réduits. Mais, l'importance des perspectives de chiffre d'affaires ne doit pas être négligée. Même si la croissance en zone euro est moins rapide que dans les pays émergents, une bonne orientation de l'activité, même sur un rythme moins élevé, y recèle encore des occasions d'augmenter les chiffres d'affaires qui se comparent avec d'autres zones.

Il faut ainsi veiller à orienter nos politiques économiques vers un objectif de forte croissance en France mais aussi en Europe.

b) L'impact d'une contribution positive du commerce extérieur

Au cours de ces dernières années, la contribution du commerce extérieur à la croissance a été fortement négative. Le rattrapage du déficit de croissance ainsi accumulé permettrait de « détendre » quelque peu les conditions des scénarios de croissance présentés dans le programme de stabilité et dans les projections de votre Délégation. Mais, la probabilité d'un retour à une forte contribution positive des échanges extérieurs est faible et suspendue à des conditions d'environnement international peu maîtrisables.

(1) Une plus forte contribution des échanges extérieurs à la croissance favoriserait la réalisation des scénarios envisagés.

LE COMMERCE EXTÉRIEUR,
UNE CONTRIBUTION À LA CROISSANCE DEVENUE NÉGATIVE

Le solde des échanges de biens et services de la France s'est dégradé au cours des deux dernières années, passant d'un excédent de 17 milliards d'euros en 2003 à un déficit de 16 milliards d'euros en prévision pour 2005.

Deux éléments, hausse du prix du pétrole et taux de change effectif de l'euro, expliquent une part importante de ces mauvais résultats. Toutefois, ces deux éléments n'expliquent pas pourquoi la France est le pays de la zone euro qui a le moins profité du dynamisme de la croissance mondiale. En 2004, la contribution du commerce extérieur à la croissance a été fortement négative en France (-0,9 point de croissance en 2004). En 2005, elle pourrait atteindre entre -0,8 et -1 point alors qu'elle a été neutre dans la moyenne des pays de la zone euro.

Les raisons de cette sous-performance ne sont pas pleinement élucidées. Elles pourraient résider dans la spécialisation de la France :

- spécialisation géographique , tout d'abord : les échanges de la France sont davantage centrés sur la zone euro que ceux de l'Allemagne par exemple, ce qui ne lui a pas permis de « profiter » de la même manière de la forte croissance des pays émergents, des pays d'Europe de l'Est ou des États-Unis ;

- spécialisation géographique , tout d'abord : les échanges de la France sont davantage centrés sur la zone euro que ceux de l'Allemagne par exemple, ce qui ne lui a pas permis de « profiter » de la même manière de la forte croissance des pays émergents, des pays d'Europe de l'Est ou des États-Unis ;

- spécialisation sectorielle, ensuite : compte tenu de sa forte spécialisation dans l'aéronautique et dans les biens de consommation sensibles à l'effet prix (agroalimentaire), la France a relativement plus souffert de la crise du secteur aérien et de l'appréciation de l'euro.

Ces éléments - appréciation de l'euro et spécialisation - ne suffisent toutefois pas à expliquer en totalité les pertes de parts de marché enregistrées par la France depuis trois ans. Une explication complémentaire peut être recherchée dans la politique de restriction des revenus et de maîtrise des coûts salariaux conduite par l'Allemagne 32 ( * ) . A partir d'une estimation économétrique, l'OFCE évalue à 30 % des pertes de parts de marché subies par la France, l'impact de la politique de compétitivité conduite par l'Allemagne.

Dans les exercices de projections, il est d'usage de neutraliser les effets du commerce extérieur. On a posé comme hypothèse que sa contribution à la croissance serait nulle 33 ( * ) pour élaborer les scénarios centraux.

Pourtant, de nombreux épisodes de reprise économique sont caractérisés par un effet initial d'entraînement du commerce extérieur . Ce type de configuration ne manque pas de logique, soit qu'un pays bénéficie in fine des efforts entrepris pour améliorer sa compétitivité, soit que le creux conjoncturel connu par ses partenaires soit surmonté, soit encore que les chocs ayant provoqué la dégradation de son commerce extérieur s'estompent.

L' environnement économique actuel, qui est aussi celui des projections confère une certaine vraisemblance à une amélioration de la contribution du commerce international de la France à sa croissance qui pourrait aller au-delà d'un simple effacement de ses effets négatifs.

L'éventualité d'une poursuite de l'augmentation du prix du pétrole au même rythme que celle enregistrée pour la période de projection, sans pouvoir être écartée, semble incertaine comme le montre le récent rapport de votre Délégation sur l'économie du pétrole. Un repli sensible du prix du baril que les projections décrites plus haut n'intègrent pas exercerait tous les effets d'un contrechoc pétrolier. Une baisse du prix du baril à 45$ (contre 60 dans les projections) ferait gagner 0,3 points de PIB dès la première année.

De la même manière, un retour durable à un niveau de parité de l'euro contre les autres monnaies, le dollar mais aussi les monnaies asiatiques, peut être raisonnablement envisagé en fonction notamment des perspectives naturelles de croissance dissymétriques entre la zone euro et le reste du Monde. Il serait favorable à la compétitivité des pays européens.

Enfin, il n'est pas interdit d'espérer qu' une meilleure coordination entre les politiques économiques des pays de la zone euro permette d'interrompre la concurrence déflationniste qu'ils se livrent en restaurant les conditions de politiques économiques orientées vers la croissance.

C'est pourquoi, sans négliger les risques contraires exposés par ailleurs, deux variantes ont été élaborées pour mesurer les effets d'une contribution à la croissance plus favorable du commerce extérieur.

On a supposé que , après avoir été négative en moyenne annuelle à hauteur de 0,4 point de PIB entre 1995 et 2006, la contribution du commerce extérieur à la croissance serait positive entre 2007 et 2010 , dans la même proportion, et exercerait donc un effet favorable sur le PIB de 0,4 point en moyenne .

Dans un tel contexte, l' objectif d'une croissance à 2,25 % l'an continuerait à être conditionné à des modifications du comportement des agents économiques . Mais, leur ampleur serait assez nettement réduite par rapport à une situation de neutralité du commerce extérieur .

IMPACT D'UNE CONTRIBUTION POSITIVE DU COMMERCE EXTÉRIEUR
DE 0,4 POINT DE PIB EN MOYENNE ANNUELLE SUR LA PÉRIODE 2008-2010

2008

2009

2010

PIB

- Stabilisation du taux d'épargne
et du taux d'investissement aux niveaux de 2007

1,8

1,8

1,8

- Flexion du taux d'épargne et du taux d'investissement

2,25

2,25

2,25

ÉVOLUTION DU TAUX D'ÉPARGNE 1
COMPATIBLE AVEC UNE CROISSANCE À 2,25 %

- dans le cas de contribution neutre du commerce extérieur

14,2

13,1

12,3

- dans le cas de contribution positive du commerce extérieur

15,0

14,8

14,6

ÉVOLUTION DU TAUX D'INVESTISSEMENT 2
COMPATIBLE AVEC UNE CROISSANCE À 2,25 %

- dans le cas de contribution neutre du commerce extérieur

19,1

20,1

21,4

- dans le cas de contribution positive du commerce extérieur

18,4

18,7

18,9

1 Le taux d'épargne serait de 15,1 points en 2007
2 Le taux d'investissement serait de 18,3 points en 2007

Une contribution plus favorable du commerce extérieur, du moins si elle reste dans un ordre de grandeur envisageable, ne permet pas, à comportements inchangés des agents, d'atteindre l'objectif de croissance correspondant au scénario bas du programme pluriannuel des finances publiques. Pour rejoindre cet objectif, il faudrait que la contribution à la croissance du commerce extérieur s'élève durablement à 0,9 point par an.

(2) La probabilité d'une forte contribution du commerce extérieur à la croissance est faible et suspendue à des conditions d'environnement international plus ou moins maîtrisables.

Une telle perspective est peu vraisemblable.

Lorsque la contribution des échanges extérieurs à la croissance est nulle, le solde extérieur reste inchangé (lorsqu'il s'améliore, la contribution du commerce extérieur est positive). Partant d'une situation en 2005 où le solde est déficitaire, le retour à l'équilibre suppose que les exportations augmentent plus que les importations.

L'évolution des importations dépend de l'évolution de la demande intérieure, et l'élasticité de ces importations à la demande intérieure et de la compétitivité.

Selon le modèle, pour une demande intérieure qui augmente de l'ordre de 2,3 % par an en moyenne sur la période, les importations - à compétitivité inchangée - augmentent de 6,3 % par an en moyenne.

Pour rejoindre l'équilibre et s'y maintenir, il faut que les exportations augmentent plus rapidement - soit 6,5 % par an en moyenne - et toujours à compétitivité inchangée, il faut que la demande mondiale adressée à la France augmente de 7 % par an 34 ( * ) . Or, une progression annuelle de la demande étrangère adressée à la France de l'ordre de 7,5 % est caractéristique d'une phase haute du cycle de l'économie mondiale. Tendanciellement, la progression de la demande adressée à la France est plus proche de 6 % l'an.

Autrement dit, une croissance à moyen terme de l'économie française de 2,25 %, compatible avec une contribution nulle des échanges extérieurs à la croissance, suppose déjà une croissance de l'économie mondiale - et de la demande adressée à la France - plus rapide sur le moyen terme que sa tendance de longue période .

*

* *

L'effet d'entraînement du commerce extérieur sur la croissance permet de réaliser la croissance-cible moyennant une flexion moins accusée des comportements des agents. Mais, la détente des conditions pesant sur les agents domestiques est très limitée : le repli du taux d'épargne des ménages doit atteindre environ 1 point (contre -2,4 points dans le compte central) ; ou, si l'ajustement pèse sur elles, le taux d'investissement des entreprises doit augmenter de 0,8 point (contre 2,4 points dans le compte central).

* 30 Le taux d'investissement des entreprises rapporte leur investissement à leur valeur ajoutée.

* 31 A plus long terme, à supposer qu'il existe un lien entre progrès de productivité et accumulation de l'investissement, un effet de compétitivité positif est susceptible de s'enclencher ce qui est favorable à une contribution positive du commerce extérieur.

* 32 Les coûts salariaux unitaires allemands ont diminué depuis 2003, en niveau absolu comme par rapport à ses partenaires européens, dont la France.

* 33 Cette hypothèse suppose une nette amélioration du solde extérieur par rapport à la période la plus récente puisqu'en 2004 et 2005 la contribution à la croissance a été négative, de 1,1 et 1 point de PIB respectivement.

* 34 L'écart entre la progression de la demande mondiale et celle des exportations (7 % contre 6,5 %) traduit la perte tendancielle de parts de marché consécutive à l'émergence de nouveaux concurrents et l'ouverture des échanges.

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