C. PROMOUVOIR ENFIN L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES AU SERVICE DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT

1. Les enjeux de l'évaluation des politiques publiques

Il faut souligner l'importance des enjeux qui s'attachent à la promotion de l' évaluation des politiques publiques . Une fois de plus, l'évaluation des politiques publiques est en jachère alors que les besoins d'évaluation sont considérables si l'on souhaite retrouver le sens et l'efficacité des actions publiques et promouvoir une plus grande association des citoyens aux décisions publiques.

La réforme de l'État est, de longue date, un objectif politique majeur dont le principe, à défaut des modalités, est consensuel. L'évaluation des politiques publiques a trop souvent été considérée comme un élément, parmi d'autres, de ce projet sans cesse évoqué mais trop parcimonieusement mis en oeuvre. La diffusion de l'évaluation, comme élément essentiel de toute réforme de l'État, est à la fois une composante et un instrument de celle-ci.

En tant que telle , l'acclimatation réussie de l'évaluation des politiques publiques représenterait une novation majeure pour notre système politico-administratif. Elle ne peut intervenir qu'au prix d'une victoire sur les nombreuses forces qui lui font obstacle.

Ses apports seraient multiples : élever le niveau d'expertise de l'action publique, renforcer le fonctionnement de la démocratie en conférant aux décisions publiques un caractère plus transparent et participatif.

2. Un constat d'échec

Des moyens consacrés à l'évaluation des politiques publiques ont été développés. Mais, dans l'ensemble, ils n'ont pas efficacement contribué à l'essor de l'évaluation.

L'évaluation a été développée à plusieurs niveaux sans qu'on puisse réellement parler, à ces niveaux, d'institutionnalisation de l'évaluation. Les ressources ainsi déployées n'ont que peu fait progresser l'évaluation.

Au niveau des ministères , l'évaluation est devenue une préoccupation et a été très largement vulgarisée. Cette préoccupation a fait naître soit de nouvelles missions confiées à des structures existantes (inspections, services), soit de nouvelles entités positionnées dans la structure hiérarchique des départements ministériels ou en dehors (Haut conseil de l'évaluation de l'école, par exemple). Ce processus est parfaitement légitime mais il s'est déroulé sans qu'une stratégie cohérente ne vienne l'inspirer, en dépit des travaux consacrés à l'évaluation par le Comité interministériel à la réforme de l'État. Son apport à l'évaluation des politiques publiques est resté très limité.

Sauf exceptions, les ministères réalisent des travaux que leurs caractéristiques principales conduisent à ranger dans la catégorie des « auto-évaluations » . De telles réalisations, qui n'offrent que très peu de garanties de qualité pour leurs commanditaires (quasi-exclusivement, les ministres) ne peuvent, par nature, contribuer à la promotion de l'évaluation des politiques publiques au sens d'une évaluation pluraliste et experte. Ces derniers constats mis en regard de la situation de quasi-monopole de l'expertise par l'exécutif posent la question des moyens d'optimiser les ressources d'expertise attribuées à celui-ci .

Un meilleur partage de ces ressources est souhaitable . Deux voies sont possibles : la première consisterait à donner aux services d'études des ministères leur autonomie , la seconde à organiser les conditions de leur ouverture , autrement dit, de leur accessibilité aux citoyens et à leurs représentants.

Au niveau du Parlement , les essais de renforcement de l'institutionnalisation de l'évaluation se sont multipliés. Si, en effet, par nature, le Parlement exerce, à côté de sa fonction de législateur, une fonction de contrôle, il lui a semblé nécessaire de mieux organiser cette dernière mission et d'en dériver une fonction d'évaluation, qui a jusque très récemment été ignorée du droit positif déterminant les compétences du Parlement. La création d'un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, bicaméral, n'a pas réussi à institutionnaliser l'évaluation par le Parlement. Les solutions qui lui ont succédé, la Mission d'évaluation et de contrôle, à l'Assemblée nationale, le Comité d'évaluation des politiques publiques, au Sénat, représentent mieux que des « solutions de repli », mais sans avoir encore entièrement permis de consacrer l'évaluation dans l'activité parlementaire courante.

Le Parlement semble n'avoir pas encore pris la mesure des décisions qu'imposerait un développement satisfaisant de sa mission d'évaluation. En outre, des procédures d'évaluation qui ont été mises en place, le Parlement a été soigneusement écarté.

Il convient aujourd'hui de doter le Parlement de moyens institutionnels et matériels dédiés à l'évaluation, ainsi que l'a très justement proposé l'excellent rapport du Groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale présidé par notre collègue Daniel Hoeffel, et de consacrer pleinement son rôle dans les procédures à mettre en place pour favoriser l'essor de l'évaluation des politiques publiques.

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