B. LA LIBÉRALISATION DES PRODUITS MANUFACTURÉS

La déclaration ministérielle de DOHA a fixé un agenda de la libéralisation ambitieux pour les produits non agricoles (NAMA 28 ( * ) ).

Les travaux du CEPII permettent d'en évaluer les conséquences et, notamment, d'apprécier dans quelle mesure les réticences de nombreux pays en développement à libéraliser l'accès à leur propre marché sont fondées sur des intérêts objectifs.

Par rapport aux évaluations existantes, on retrouve dans les simulations du CEPII les mêmes avancées que pour les simulations agricoles :

- la prise en compte de la différence entre droits consolidés et droits appliqués, qui peut être considérable pour les produits manufacturés dans les pays en développement : une réduction des droits consolidés, négociée à l'OMC, laisse dans de nombreux cas les droits appliqués inchangés ;

- la prise en compte des accords préférentiels, qui permet de s'intéresser à la question de leur érosion ;

- enfin, la comparaison des scénarios définis au niveau fin des produits, qui permet de prendre la pleine mesure de l'impact des différentes formules envisagées.

Ces améliorations modifient les résultats de l'évaluation du Cycle de Doha : l'impact apparaît ainsi plus limité et plus contrasté pour les pays en développement.

Compte tenu de fortes disparités dans la protection douanière actuelle, la libéralisation aura des impacts très différenciés selon les pays considérés :

- la protection moyenne est très faible à l'entrée des marchés industrialisés (inférieure à 4 % en moyenne), en particulier vis-à-vis des exportations des pays les moins avancés ;

- la situation est très différente à l'entrée de marchés des pays en développement où la protection pour les produits industriels reste élevée : supérieure à 10 % en moyenne en Argentine, au Brésil, dans le Maghreb, en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud, et même égale à 30 % en Inde.

Il faut souligner enfin que les pays les moins avancés et l'Asie du Sud vont être de facto peu affectés par une baisse des tarifs douaniers : en effet, ces pays ont un « taux de consolidation » très bas, ce qui signifie qu'ils ont notifié des droits de douane (« consolidés ») à l'OMC sur un nombre réduit de produits et que la part restante (« non consolidée ») n'est pas touchée par une baisse des tarifs douaniers.

Les principaux résultats sont les suivants :

la libéralisation commerciale des produits manufacturés entraîne une baisse des prix mondiaux . En effet, les biens intermédiaires importés représentent aujourd'hui une part substantielle du coût total dans de nombreux secteurs : réduire les droits de douane se traduit ainsi par une baisse des coûts de production répercutée dans les prix de vente.

Il en résulte une légère appréciation des termes de l'échange dans les pays industrialisés et une détérioration dans les pays en développement.

Celle-ci est modérée pour les pays intermédiaires mais plus prononcée pour les pays pauvres.

Le second résultat manquant porte sur l'évolution des exportations. En raison des contraintes pesant sur la balance des paiements, les variations des exportations et des importations sont très liées. On observe ainsi une forte progression du commerce des produits industriels dans les régions initialement fortement protégées comme l'Inde ou le Maghreb . Le commerce augmente également de façon significative pour les pays ayant des positions concurrentielles initiales fortes, comme la Chine, le Japon et la Corée.

L'Afrique subsaharienne, comme l'Asie du Sud, sont pour l'essentiel exemptées d'engagements en matière de libéralisation : leurs importations n'augmentent donc pas significativement. Mais en même temps, ces pays doivent faire face à l'érosion de leurs préférences, ce qui pénalise leurs exportations.

Ces pays enregistrent ainsi une perte de revenu dans les scénarios de libéralisation, qui s'explique à la fois par l'érosion des préférences et la dégradation des termes de l'échange .

Un autre résultat manquant est que les conséquences de la libéralisation des produits manufacturés pour les pays « intermédiaires » seraient très contrastées : les pays du Maghreb, la Russie, les « Tigres » asiatiques et la Turquie enregistreraient des gains. Toutefois, les autres pays en développement enregistreraient une perte de revenu, du fait d'une dégradation des termes de l'échange.

Surtout, les travaux du CEPII montrent qu'un scénario ambitieux de la libéralisation entraînerait une forte concurrence entre pays en voie de développement, en raison de leur spécialisation similaire en termes de secteurs et de gamme de qualité .

*

Les simulations du CEPII montrent donc que les gains positifs de la libéralisation des produits industriels pourraient être limités au niveau mondial, mais que celle-ci entraînerait des effets redistributifs :

- les économies industrialisées, et plus particulièrement les économies asiatiques, obtiendraient des gains à la libéralisation du fait d'un accès facilité aux marchés extérieurs et d'une amélioration des termes de l'échange ;

- les pays pauvres, et plus particulièrement les pays d'Afrique subsaharienne seraient affectés négativement ;

- les effets contrastés et inégalitaires de la libéralisation pour les pays intermédiaires seraient d'autant plus marqués que celle-ci est ambitieuse.

Ces simulations permettent ainsi de mieux comprendre les intérêts - « défensifs » ou « offensifs » - de chaque pays ou groupe de pays dans la négociation sur la libéralisation du commerce des produits manufacturés .

* 28 Non Agricultural Market Access.

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