F. L'HYDROGÈNE ET LA PILE À COMBUSTIBLE : LE RÊVE EST-IL POSSIBLE ?

La vingtième édition du « Shell éco-marathon » à Nogaro, dans le Gers, a été marquée par la première victoire d'une voiture à pile à combustible (PAC) présentée par l'université de Valenciennes et l'École polytechnique fédérale de Zurich. Elle a en outre battu le record de l'épreuve avec une distance extrapolée parcourue de 3 836 km avec un litre de carburant 47 ( * ) . En 1985, le gagnant n'avait parcouru que 680 km. Cette victoire est particulièrement symbolique marquant les progrès considérables effectués en matière de consommation et pour la maîtrise de la technologie de la PAC.

La question est désormais de savoir quand et par qui sera commercialisé le premier des véhicules de série à pile à combustible .

Les États-Unis et General Motors sont engagés très fortement. Ainsi, M. Larry Burns, le vice-président chargé des nouvelles technologies de GM a indiqué que le groupe serait à même de produire 1 million de véhicules à hydrogène en 2010, dont les performances et le coût seraient comparables aux véhicules essence, alors qu'aujourd'hui il ne produit que quelques prototypes. Le programme de recherche lancé en 1997, ayant mobilisé plus d'un milliard de dollars et près de 600 personnes, serait sur le point d'aboutir. Pourtant, en termes de coût, GM serait encore dix fois plus cher que le moteur à essence (50 $/kW) et sa pile ne serait capable d'effectuer que 100.000 km environ, contre un objectif de 220.000 correspondant à la durée de vie d'une voiture classique.

Un fossé reste donc à franchir et pose la question de savoir si cette technologie sera à même de s'imposer aussi rapidement et donc de rendre caduques d'autres voies, comme les hybrides ou les biocarburants, ramenées à de simples transitions. La plupart des autres constructeurs rencontrés par vos rapporteurs ne croient pas en de tels scénarios et n'imaginent pas une percée des véhicules à PAC avant une décennie compte tenu des obstacles économiques et technologiques.

La PAC s'imposera-t-elle à grande échelle dès 2010, ou faudra-t-il attendre 2020 ou 2030, ou plus tard encore ?

La pollution urbaine, les émissions de gaz à effet de serre, la dépendance des transports vis-à-vis des hydrocarbures - à hauteur de 95 % - et les difficultés d'approvisionnement, tout concourt à ce que l'hydrogène soit devenu l'option centrale des politiques énergétiques du futur. Le calendrier et les conditions du passage à « l'économie de l'hydrogène » sont devenus des enjeux majeurs .

Les questions à se poser sont donc multiples :

- Quelles formes d'utilisation de l'hydrogène pour la propulsion des véhicules ?

- Quels modes de production pour en disposer suffisamment et ne pas avoir d'incidence environnementale ?

- Quelles infrastructures sont nécessaires pour assurer la distribution aux usagers ?

Synthèse de l'économie de l'hydrogène. Source - RDT info n°42, août 2004, p.4.

L'hydrogène est une sorte de « pierre philosophale » de l'automobile, puisqu'un moteur ainsi alimenté ne fabriquerait que de l'eau, cette eau pouvant elle-même être traitée pour la production d'hydrogène et d'oxygène. La voiture à PAC serait donc le véhicule « zéro émission » s'affranchissant des limites du véhicule électrique à batteries (temps de recharge et faible autonomie). La production d'hydrogène via des sources d'énergies renouvelables aléatoires (solaire, éolien ...) permettrait de pallier les problèmes d'intermittence en autorisant le stockage de l'énergie produite. Last but not least , l'hydrogène est l'un des éléments les plus présents à travers le monde, il assurerait l'indépendance énergétique des nations dépourvues d'hydrocarbures.

Aujourd'hui, entre 600 et 800 véhicules équipés d'une PAC sont à l'essai dans le monde et environ 70 stations-service hydrogène.

Trois constructeurs seulement poursuivent la voie de l'utilisation directe d'hydrogène dans des moteurs « classiques ».

Les autres étudient la possibilité d'utiliser l'hydrogène dans des piles à combustible soit directement, issu d'un réservoir embarqué, soit après reformage d'un combustible liquide. Cette pile pourrait dans un premier temps être un générateur auxiliaire puis/ou fournir l'énergie nécessaire à la propulsion de la voiture.

Mais cette technologie, qui a déjà fait l'objet d'un rapport de l'Office, pose de très nombreuses difficultés 48 ( * ) .

La production d'hydrogène en grande quantité, son stockage, son transport et sa délivrance en toute sécurité et en respectant l'environnement ne semblent pas suffisamment maîtrisés pour un usage de masse dans l'automobile.

1. L'hydrogène direct : une voie marginale ?

L'utilisation directe de l'hydrogène dans un moteur à combustion interne est explorée par trois constructeurs dans le monde. BMW, Mazda et Ford.

Ford a mis au point un Ford C-Max de 4 cylindres, 2,3 litres et 100 CV. Trois réservoirs permettent de stocker 2,75 kg d'hydrogène à 350 bars de pression, soit 119 litres. Son autonomie est d'environ 200 km. Il est injecté à 5,5 bars dans le moteur doté d'une compression variable, ce qui permet de conserver la puissance produite et d'adapter la consommation aux besoins.

BMW poursuit des recherches dans ce domaine car il souhaite répondre à la demande de clients particulièrement exigeants en termes de couple et de puissance.

Un prototype baptisé H2R a été mis au point et montré à la presse à Miramas. Il avait pour but de démontrer la faisabilité de cette technologie et ses potentialités en termes de performances et de plaisir de conduite. Sa motorisation est un V12 de la 760i développant 286 CV, dont les performances sont très élevées : 0 à 100 km/h en moins de 6 secondes, 320 km/h en vitesse de pointe...

Sur cette base, BMW met au point une série 7 hydrogène dont la commercialisation pourrait s'effectuer au tournant de la décennie. Elle serait à bicarburation essence et hydrogène et assurerait une autonomie de 345 km avec l'hydrogène et de 800 km supplémentaires avec l'essence.

L'hydrogène est stocké sous forme liquide à -253 °C. Son injection dans le moteur nécessite de le réchauffer entre le réservoir et le moteur.

BMW semble assez seul sur cette voie. Pourtant, les chercheurs y affichent une réelle confiance dans le potentiel de cette technologie qui est aujourd'hui au stade de la précommercialisation. Des essais poussés ont été réalisés (150 000 km avec 15 véhicules).

Les émissions d'oxydes d'azote, l'un des principaux handicaps de cette filière, semblent avoir été très fortement réduites par BMW, elles seraient inférieures aux normes californiennes les plus strictes (SULEV - Super utltra low emission vehicle)

Pour BMW, le potentiel de ces véhicules est supérieur à celui des moteurs classiques en termes de puissance.

* 47 Cette distance est extrapolée, les concurrents n'effectuant avec les prototypes que 7 tours du circuit, soit 25, 272 km en un temps maximal de 50'34'', soit 30 km/h de moyenne.

* 48 MM. Robert galley et Claude gatignol, députés, Les perspectives offertes par la technologie de la pile à combustible, n°3216 Assemblée nationale, N°426 Sénat, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, 2000-2001, 163 p.

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