c) Comment le transporter et le stocker ?

Si l'hydrogène n'est pas produit à bord du véhicule, deux problèmes doivent être résolus, son transport et son stockage. Toute la difficulté vient du caractère très léger et inflammable de l'hydrogène.

• Le stockage

Plus léger que l'air, seuls cinq à sept kilos suffiraient pour assurer une autonomie supérieure à 500 km à un véhicule, mais 1 kg d'hydrogène représente un volume de 12 m 3 .

Pour résoudre cette difficulté, trois solutions sont possibles : la compression, la liquéfaction et l'incorporation à des hydrures ou des matériaux nanostructurés. En la matière, les objectifs à atteindre ont été définis par le DOE. Ils constituent le fil rouge des chercheurs car aucune technologie ne satisfait les objectifs 2015 :

La compression est la solution la plus répandue car elle ne consomme que 5 à 10 % du pouvoir calorifique de l'hydrogène (PCI). Elle s'effectue dans des bonbonnes en alliage d'aluminium renforcé de fibre de verre imprégnée de résine époxy qui permettent une compression de l'ordre de 350 bars. Les prototypes actuels stockent moins de 4 kg d'hydrogène. Les solutions actuelles sont également très chères, de l'ordre de 1.000 €/kg, quoique certaines sources l'estiment au quadruple... C'est donc 7 à 28.000 € qu'il faudrait aujourd'hui dépenser pour s'assurer la même autonomie qu'avec un réservoir de 40 l à 100-150 €... Des progrès spectaculaires devront donc être accomplis.

Les réservoirs hyperbares sont classés en quatre types : I entièrement métalliques, II métalliques avec frettage en fibre de verre, III composites avec liner métallique (revêtement interne), IV composites avec liner polymère.

Le poids des types I et II exclut tout usage embarqué. L'ensemble des travaux de recherche se focalisent sur les types III et IV. Le gain de poids est au minimum de 25 % et au maximum de 75 %. Entre les types III et IV, le gain est moindre, de l'ordre de 4 %. Les types IV présentent a priori tous les avantages : poids, durée de vie, résistance. Ce sont vraisemblablement les seuls réservoirs qui permettront d'atteindre les objectifs et une pression de 700 bars.

Le CEA développe des réservoirs de ce type depuis 1998. En 2000, un réservoir de 3 litres et 300 bars a été réalisé dans le cadre du programme Physe. Dans le cadre du 6 e PCRD, un projet Storhy et un sous-programme Pressure, CEA est responsable du développement d'un réservoir de 48 à 150 litres à 700 bars.

La liquéfaction à - 253 °C est une solution très intéressante, 5 kg d'hydrogène étant contenus dans 70 litres à cette température. La faible pression (0,5 bar) autoriserait des réservoirs multiformes plus faciles à intégrer dans les automobiles. Sur la 750 hl de BMW, un réservoir de 120 litres contenant 8 kg d'hydrogène est placé derrière la banquette. Des pompes robotisées permettent de faire le plein en 3 minutes.

Mais cette opération utiliserait jusqu'à un tiers du PCI. Il rend l'hydrogène difficile à manipuler et nécessite une très bonne isolation des réservoirs et le réchauffement de l'hydrogène pour son utilisation. Très volatile, l'hydrogène a aussi tendance à s'évaporer rapidement, jusqu'à 5 % du volume chaque jour.


Réservoir d'hydrogène liquide susceptible d'être placé à bord d'une série 750 hl

L'un des systèmes d'avenir serait le stockage solide . L'hydrogène sous pression se lierait à des cristaux de métal pour former des hydrures métalliques. Ils sont classés en trois groupes en fonction du type de liaison : ionique, covalente et métallique. Seuls les métaux de transition formant des liaisons métalliques permettent un stockage réversible (hydruration et déshydruration) et seraient donc utilisables dans l'automobile. Il s'agirait en quelque sort d'une éponge libérant l'hydrogène grâce à la chaleur de la pile. Seraient ainsi éliminés une grande partie des risques liés à la manipulation de l'hydrogène gazeux (étanchéité, sécurité). Le stockage solide égalerait la solution liquide en termes de compacité.

Le programme européen StorHy (6 e PCRD) est consacré en partie à ces recherches. Les alliages les plus légers sont explorés : magnésium, nickel, lithium, à base d'aluminium (alanates) ou de bore (borohydride). Les hydrures de sodium et les hydrures d'aluminium sont également étudiées par General Motors et Sandia.

Ces réservoirs ont plusieurs inconvénients. Pour l'instant, le poids des réservoirs est de l'ordre de 300 kg. Plusieurs sont pyrophoriques, c'est-à-dire qu'ils prennent feu spontanément au contact de l'air. Enfin, les températures et les pressions nécessaires sont souvent très élevées. Cela conduit certains experts à considérer que cette voie ne pourra pas être utilisée dans l'automobile.

Des recherches plus prospectives sont néanmoins menées dans le domaine du stockage solide.

Des chercheurs néerlandais de l'université de Delft cherchent à stocker l'hydrogène dans la glace en formant des hydrates d'hydrogène. Ces recherches permettraient le stockage de 6 kg d'hydrogène dans un volume de 120 litres.

Les nanomatériaux carbonés, nanotubes ou charbons actifs, offrent des perspectives intéressantes. Depuis 1997 58 ( * ) , de nombreuses publications ont été faites sur les nanotubes, notamment par des laboratoires japonais. Il n'est cependant pas possible d'avoir une certitude sur l'avenir de cette filière. Les charbons actifs pourraient être utilisés dans des réservoirs cryogéniques. Le CEA travaille sur ce sujet dans le projet Cash (Charbons actifs pour le stockage de l'hydrogène) en partenariat avec Veolia et l'École des mines. Pour l'instant, aucun prototype de réservoir n'a été construit.

• La distribution

La diffusion de voitures à pile à combustible est bloquée par la faiblesse du nombre de stations de ravitaillement. Il en existe 70 dans le monde et encore nombre d'entre elles sont uniquement expérimentales et ne peuvent en aucun cas servir le grand public. Est d'ailleurs expérimentée en même temps la production in situ d'hydrogène.

Honda exploite un site pilote dans l'état de New-York, aux États-Unis (Latham) qui produit, par vaporéformage du gaz naturel, l'hydrogène nécessaire à une seule voiture chaque jour. Honda dispose également d'une autre station en Californie (Torrence) qui fabrique de l'hydrogène pour une seule voiture par jour mais par électrolyse de l'eau grâce à l'électricité fournie par des panneaux photovoltaïques. A la connaissance de vos rapporteurs, une seule station existe en France, sur la piste d'essai de Miramas.

En réalité, très peu de stations sont proches d'un modèle grand public. Le groupe Total met en oeuvre une station-service de ce type à Berlin. Les réservoirs d'hydrogène sont enterrés et la pompe d'hydrogène jouxte celles des autres carburants. Elle donne une bonne idée de ce que pourrait être ce type d'installation à l'avenir. Mais alors l'hydrogène n'est pas fabriqué sur place.

La création d'un véritable réseau de stations à hydrogène n'est toutefois pas hors de portée. General Motors espère diffuser rapidement des modèles aux États-Unis et a fait réaliser une étude qui évalue entre 10 et 15 milliards d'euros la construction de 11 700 stations, ce qui permettrait de disposer d'une station tous les trois kilomètres en zone urbaine et tous les 40 km sur autoroute.

L'État de Californie, ainsi que le Canada en Colombie britannique à l'occasion des JO de Vancouver, ont entrepris la construction d'une « autoroute de l'hydrogène ». En Californie, d'ici 2010, 150 à 200 stations-service devraient être construites (une tous les 35 km) le long des principales routes de l'État. L'hydrogène devrait être produit par des panneaux solaires. Cela semble difficile car les performances actuelles sont insuffisantes et la plupart des stations existantes ne fonctionnent pas selon ce principe, selon ce qu'ont pu constater vos rapporteurs.

Par ailleurs, l'existence de stations ne résoudrait pas le problème de leur alimentation soit par canalisation, soit par camion citerne. Les deux solutions se pratiquent déjà mais les déployer à tel niveau n'est pas sans inquiéter. Des accidents anciens ont entraîné une forte défiance vis-à-vis de l'hydrogène.

Les questions de sécurité sont fondamentales. Le risque est un peu différent de celui du méthane : 8 fois plus léger, il se diffuse 4 fois plus vite, ce qui réduit les risques. Par unité volumique de gaz, l'énergie explosive théorique est 3,5 fois plus faible. En revanche, sa limite inférieure d'inflammation est plus basse (4 % au lieu de 5 %) et sa limite supérieure d'inflammation (concentration à partir de laquelle il n'est plus inflammable) est nettement plus élevée (75 % contre 15). L'énergie nécessaire pour l'enflammer est 10 fois plus faible. Enfin, si la flamme d'hydrogène rayonne peu, elle se propage 7 fois plus vite.

De très nombreux travaux sont menés à ce sujet aux États-Unis, en Allemagne ou au Japon. Vos rapporteurs ont pu voir à plusieurs reprises les résultats des études et des tests.

Modélisation de l'explosion d'un camion citerne en ville, 10 secondes après la fuite59 ( * )

De même, dans un tunnel, la phase d'inflammation est très rapide et, surtout, l'hydrogène ne reste pas au niveau des véhicules et des passagers mais monte immédiatement au niveau du toit du tunnel où il se diffuse. Sa combustion utilise

* 57 La part station-service représente plus de 75  % du coût de l'infrastructure, le transport par pipeline environ 10  %.

* 58 A.C. Dillon, Nature n°386, p.377

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