6. Débat avec la salle

• M. André DOUAUD, CCFA

Je voudrais poser une question aux deux derniers intervenants, au sujet de leurs études, très intéressantes. Celles-ci prennent-elles aussi en compte les autres environnements que celui extérieur et la pollution d'origine automobile ? Je pense notamment à la qualité de l'air à l'intérieur des bâtiments, où l'on n'est pas seulement exposé à la pollution de la rue ?

• Mme Valérie PERNELET

Les différentes études que j'ai évoquées se basent en termes de qualification et quantification de l'exposition sur les niveaux de fond ambiants, c'est-à-dire que l'on considère que c'est l'exposition minimale. On peut penser que cela minimise le risque. Si l'on devait prendre en considération la pollution intérieure, on pourrait trouver des associations plus fortes. Mais la réponse est pour l'instant négative, les expositions intérieures n'étant pas prises en compte pour le moment. Les liens qui ont été démontrés concernent la pollution de fond et les maladies.

• M. Jean-Bernard RUIDAVETS

Je donnerai la même réponse. Nous avons surveillé quatre cent mille personnes, mais nous n'avons pas installé un capteur derrière chaque individu. C'est impossible à réaliser. De la même façon, on ne peut pas mesurer dans chaque appartement ou maison la pollution intérieure. Mais ce que vient d'indiquer Mme PERNELET est tout à fait exact. En prenant une valeur moyenne basse, on minimise les relations. En ce qui concerne la pollution extra-domicile, les relations ne pourraient être que supérieures à ce que l'on observe.

• M. Christian CABAL

Merci pour ces réponses.

• M. Pascal DOUARD, ministère des Transports

J'ai une question un peu naïve sur l'influence des oxydes d'azote sur la santé. Pour qualifier cette influence, vaut-il mieux raisonner sur l'ensemble des oxydes d'azote ou sur le NO 2 ?

• Mme Valérie PERNELET

Au sein de la famille des oxydes d'azote, c'est exclusivement le dioxyde d'azote qui pose problème sur la santé.

• M. Christian CABAL

C'est une réponse claire et précise.

• Pr. Etienne FOURNIER, Académie de médecine

Lorsqu'on décrit l'ozone et sa dispersion dans la région parisienne, on décrit une bande avec une zone plus marquante au niveau des agglomérations, mais la bande se prolonge très loin. Retrouve-t-on les mêmes phénomènes dans les hôpitaux parisiens, dans les hôpitaux du Sud, du Nord, et y a-t-il des corrélations établies permettant une comparaison peut-être un peu plus étendue ?

• Mme Valérie PERNELET

En ce qui concerne l'étude de l'ORS sur la région Ile-de-France, les corrélations qui ont été mises en évidence entre indicateurs de pollution atmosphérique et indicateurs sanitaires ont concerné l'ensemble de l'agglomération. Cela recouvrait Paris et les départements de la Petite couronne, mais l'étude n'a pas été jusqu'à mettre en évidence de distinction entre les différentes zones de cette couverture géographique qui avait été prise en compte.

• M. Philippe LAMELOISE

Ce type d'études complémentaires n'existe pas en France, mais de nombreuses études ont été réalisées aux Etats-Unis, où l'on a étudié les capacités respiratoires d'enfants dans des camps d'été éloignés de 100 à 150 km de Los Angeles, sur les montagnes. On a pu identifier clairement des problématiques plus importantes pour ces enfants, exposés à des niveaux plus forts que ceux existant en ville.

• M. Claude GATIGNOL

Nous avons constaté sur les graphiques une baisse des émissions de nos véhicules. Comment peut-on l'intégrer dans la conséquence vis-à-vis de la santé ? Nous avons des mesures, et la photographie concernant les conséquences sur la santé, qui sont enregistrées depuis plusieurs années : peut-on faire une réflexion sur ce sujet ?

• Mme Valérie PERNELET

En termes de parts attribuables aux émissions du trafic routier et ce que l'on pourrait mettre en face en termes d'indicateurs sanitaires, on n'arrive pas à le faire pour l'instant. On part d'indicateurs de pollution mesurée dans l'environnement général et qui considèrent l'ensemble des sources contribuant à ce niveau de pollution. On ne peut pas, pour la population générale, montrer de lien particulier entre la pollution spécifiquement liée au trafic et l'état sanitaire d'une population. On peut le faire pour un indicateur de pollution atmosphérique général, mais pas spécifiquement lié aux émissions du trafic.

• M. Claude GATIGNOL

Est-il possible de faire des approches différentes entre le moteur diesel qui est produit par un constructeur en 2005 et celui qui roule toujours, qui a été produit en 1990, par exemple ?

• M. Philippe LAMELOISE

Il existe en effet des différences en termes d'émissions qui sont très importantes. En particulier, en matière d'émission de particules fines. C'est intégré dans nos calculs et notre inventaire d'émissions, mais c'est quelque chose que je n'ai pas eu le temps de développer. Un véhicule diesel actuel émet, avec presque un ordre de grandeur à facteur 10, de particules en moins qu'un véhicule non équipé d'il y a une dizaine d'années.

• M. Claude GATIGNOL

M. SELLES, représentant de la Commission, a signalé le choix de celle-ci de ne pas réglementer à ce jour les oxydes d'azote. Pouvez-vous nous donner quelques précisions supplémentaires sur les raisons qui vous ont amené à nous dire cela ?

• M. Laurent SELLES

J'ai été très bref. Les oxydes d'azote, pour les véhicules particuliers, les voitures de tourisme, ont été réduits de plus de 80 % entre Euro 1 et Euro 4, en application depuis le 1 er janvier 2005. Euro 5 va entrer en application en 2009, et nous proposons une réduction de 20 % par rapport à Euro 4. Pour les particules, c'était plus facile, car le filtre à particules développé par le groupe PSA a permis de les réduire. En demandant que dans Euro 5, en 2008, les filtres à particules soient obligatoires, on réduit tout de suite de facteur 10 les émissions de particules. Pour les oxydes d'azote, c'est plus compliqué car la technologie est beaucoup plus chère. On risque donc de tuer le marché des petites voitures diesel. Sur les grosses voitures, il n'y a pas tellement de différences. On s'aperçoit que sur une voiture de 1 000 cm il y a une différence de prix entre l'essence et le diesel de 1 000 à 2 000 €. Pour les voitures à plus de 30 000 €, il n'y a plus de différence. On fait attention au risque de dérapage.

Le gros problème, c'est l'effet de parc. On établit des normes, mais cela ne concerne que les voitures neuves. Le parc moyen a sept ans d'âge. Cela veut dire que certaines voitures ont vingt ans, sans parler des camions et des motocyclettes. Il faut attendre dix ans pour que les bienfaits d'une réglementation européenne se traduisent dans l'air des villes, et des campagnes.

• M. Christian CABAL

Justement, sur ce point de méthodologie de définition des normes Euro 4 et Euro 5, dans quelle instance, au niveau de la Commission, et sous quelle forme, sont élaborées ces normes ? Sur un avis d'experts, en fonction de considérations liées à l'industrie ? Quels sont les paramètres qui jouent pour définir ces normes ?

• M. Laurent SELLES

D'abord, nous nous appuyons sur les études menées dans les Etats membres essentiellement, sur ce qui est faisable. On obtient ainsi un nuage de points, et l'on examine quel est le niveau de sévérité, en estimant combien de véhicules on va retirer du marché. Il faut être ambitieux, mais pas trop, au risque d'être contre-productifs. Les niveaux de pollution vont continuer à décroître, mais on ne peut pas aller trop vite.

Des études sont faites dans les Etats membres, on fait l'analyse, comme je l'ai indiqué, selon les trois pôles du développement durable : l'impact économique, l'impact du bénéfice social, sur la sécurité (combien de morts pourront être sauvés), l'impact sur l'environnement, et c'est toujours en fonction de ces trois critères que l'on définit un niveau. Les décisions sont prises par les Etats membres. Nous proposons à la Commission, et le Conseil va se réunir dès le début 2006 pour réfléchir sur la proposition Euro 5. C'est lui qui décidera, dans sa sagesse, avec l'aide du Parlement, si c'est trop sévère, pas assez, ou s'il faut une année de plus ou de moins pour mettre cela en application.

• M. Christian CABAL

La pratique, ces dernières années, vous a-t-elle montré que vos propositions étaient suivies, ou y a-t-il des réticences ou des objections ?

• M. Laurent SELLES

En général, les propositions sont suivies. Par expérience, le Parlement européen est imprévisible, ce qui n'est pas forcément négatif. Pour ce qui est du Conseil, on arrive à savoir car avant de soumettre notre position, on la teste à Paris, à Londres, pour savoir si elle est viable. Au Parlement européen, c'est plus délicat, car on ne peut pas interroger sept cent trente-deux députés. En général, on fait beaucoup d'analyses d'impact afin d'étayer complètement nos propositions de façon à ce qu'elles ne puissent pas être trop amendées. On réagit sur les amendements en arguant, mais le dernier mot, c'est le Parlement et le Conseil qui l'ont.

• M. Christian CABAL

Il n'y a pas eu de situations conflictuelles...

• M. Laurent SELLES

Pas sur les émissions. Les industriels sont tout à fait favorables au marché intérieur des véhicules, et en matière de sécurité routière et d'émissions des véhicules, nous n'avons jamais eu de gros problèmes au Parlement, ni au Conseil.

• Un auditeur

A propos de la consommation de 140 g de CO2/km, cela concerne la consommation normalisée, qui est souvent différente de la consommation réelle des véhicules. Au niveau européen, on essaie d'être plus en rapport avec la consommation réelle, en particulier l'influence de l'utilisation de la climatisation sur la consommation. Pouvez-vous nous dire quelque chose à ce sujet ?

• M. Laurent SELLES

La question des protocoles d'essai est très compliquée, car la consommation d'un véhicule est une série, qui monte et descend, sur un facteur 100. Il convient donc de lisser cela avec un modèle qui colle le plus possible à la réalité. Comme le marché, la production est mondiale, et le cycle d'essai doit être normalisé au niveau des Nations unies. Nous travaillons avec les groupes de rapporteurs des Nations unies des quarante-quatre pays afin d'obtenir un cycle d'essai normalisé au niveau mondial pour les poids lourds, mais aussi pour les deux roues. La semaine dernière, une proposition a été faite pour les voitures particulières. Mais c'est difficile car chaque culture automobile est différente, aux Etats-Unis, au Japon, en Europe. Il est assez difficile de définir des cycles d'essai. De plus, on note une complication. Les voitures sont maintenant des boîtes auto-adaptatives, semi-automatiques ou des systèmes X-Drive, avec quatre roues motrices et toutes les applications à bord, comme l'air conditionné. C'est donc difficile mais on y travaille. Le problème concerne le consensus car on n'a que des cas particuliers.

• M. Claude GATIGNOL

Puisque nous avons la chance d'avoir les représentants d'Airparif et de l'AFSSE, j'aurais voulu savoir comment vous définissez à la fois les objectifs et les seuils d'Airparif, par exemple, pour 2010. Est-ce une réflexion propre à votre structure ? Vous inspirez-vous d'une réglementation internationale, ou européenne, avec les difficultés que l'on vient de nous signaler ? Comment cela se passe-t-il dans vos définitions de vos objectifs et de vos seuils ?

• M. Philippe LAMELOISE

Airparif ne définit ni les objectifs ni les seuils. Dans le cadre de travaux menés jusqu'à maintenant par l'Etat et qui vont l'être aussi par le Conseil régional dans le cadre de la remise en chantier du Plan régional de qualité de l'air (PRQA), avec l'élaboration par l'Etat du Plan de protection de l'atmosphère (PPA), on confie à Airparif, ou à d'autres, un certain nombre de travaux pour évaluer l'efficacité des actions qui vont être mises en oeuvre dans ce qu'elles permettent ou non d'atteindre les objectifs de la qualité de l'air définis au niveau européen ou au niveau national. Un certain nombre d'engagements au niveau français sont définis au niveau des directives de l'Union européenne en matière de qualité de l'air, que l'on doit respecter à un certain horizon, celui de 2010 étant important de ce point de vue. A travers des modèles de simulation, Airparif calcule, en fonction des différentes actions et des réductions d'émissions qu'elles génèrent, si elles permettent ou non d'atteindre les objectifs de qualité de l'air que l'on s'est assignés ou que l'on a acceptés pour 2010.

• M. Claude GATIGNOL

Ces propositions vont-elles par exemple jusqu'à des analyses des flux de circulation sur certains axes ?

• M. Philippe LAMELOISE

On part d'une description du trafic relativement précise. Pour utiliser des termes techniques, on a 256 matrices de trafic qui décrivent tous les grands types de jours, ouvrables, sachant qu'il y a des nuances dans les jours ouvrables, les vendredis ne ressemblant pas aux jeudis, et différentes heures de circulation entre les heures de pointe du matin et du soir, l'heure d'activité de la journée, ou heures creuses de la nuit. Ce sont de grands outils.

• M. Christian CABAL

S'il n'y a pas d'autre question sur cette première série d'interventions, je propose que nous marquions une pause avant de prendre la deuxième série d'interventions de la matinée.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page