C. LA PERTINENCE DES OBJECTIFS DE RÉDUCTION DE LA POLLUTION ET DE LA PRIORITÉ ACCORDÉE À LA TECHNOLOGIE

Face à ces défis : consommation croissante d'énergie, demande toujours plus forte de mobilité, de confort, de sécurité, des mentalités encore peu sensibilisées à un usage raisonné de la voiture, vos rapporteurs se sont interrogés sur les actions les plus susceptibles d'accélérer la mise sur le marché de véhicules plus propres permettant d'atteindre les objectifs globaux de réduction des émissions. Les actions réglementaires et coercitives à l'encontre des conducteurs ayant notamment pour objectif de leur faire abandonner leurs voitures étaient-elles les seules pertinentes ? Les objectifs ambitieux que se sont fixés la France et l'Europe peuvent-ils être atteints par d'importantes évolutions technologiques ?

Ces questions peuvent être utilement éclairées par l'étude menée sur les transports dans l'arc alpin par l'OCDE. Vos rapporteurs se référeront ici à l'analyse de cette étude rédigée par Bernard Chateau, directeur de l'ENERDATA SA, et Alain Morcheoine, directeur de l'air et du bruit de l'ADEME.

1. L'étude réalisée sur l'arc alpin à l'horizon 2030

L'étude menée sur les transports dans l'arc alpin est très novatrice et particulièrement intéressante puisque cette région est très vulnérable et que sa configuration géographique rend la gestion des transports complexes et peu sujette à d'importantes modifications. La pollution atmosphérique dans les vallées est bien souvent aussi importante que dans les grands centres urbains du fait de l'encaissement et de la météorologie. Les densités de population y sont aussi comparables puisque très peu de zones sont réellement habitables (13 % seulement au Tyrol par exemple). L'espace utile est peu important et doit être affecté à de multiples usages dont les transports représentent une bonne part. Il est d'ailleurs fréquent que toutes les voies de communication, quel qu'en soit le mode (train ou route), empruntent le même itinéraire. En outre, l'arc alpin reliant deux des zones les plus développées d'Europe (Italie du Nord et bassin rhénan) les échanges y sont très importants et concentrés sur quelques itinéraires souvent congestionnés.

Cette étude a donc été menée, à partir de 1994, par le groupe de prévention et contrôle de la pollution de l'OCDE, au sein duquel la France, l'Autriche, la Suisse et l'Italie ont été étroitement associées.

Pour établir des « transports écologiquement viables », l'OCDE a établi six critères majeurs pour l'année 2030, fondés sur des considérations de santé publique, de grands équilibres écologiques et d'équité sociale :

- critère relatif au CO 2 : réduction des émissions pour stabiliser la concentration de GES au niveau de 1990 . Le total des émissions imputables aux transports ne devrait pas dépasser 20 % des émissions totales de 1990.

- critère relatif aux dioxydes d'azote (NOx) et aux composés organiques volatils (COV) : le total des émissions de NOx et de COV liées aux transports ne devrait pas dépasser 10 % au total des émissions du transport en 1990 .

- critère relatif aux particules : la réduction des émissions de particules fines (inférieure à 10 microns) serait de 90 % en 2030 par rapport à 1990 .

- critère relatif au bruit : une réduction du bruit lié aux transports à un niveau égal ou inférieur à un maximum de 55 dB en période diurne et de 45 dB en période nocturne et à l'intérieur des habitations.

- critère relatif à l'emprise au sol : une réduction, par rapport à 1990, des espaces urbains et non urbains consacrés aux infrastructures de transport.

Cette étude a été menée à partir du résultat à atteindre . Une approche téléologique a été retenue car les prévisions ne peuvent se fonder uniquement sur les phénomènes contemporains, les objectifs ne pouvant être atteints que par des discontinuités, voire des ruptures de tendance. Chateau et Morcheoine citent cette définition de la méthode suivie : « La caractéristique des analyses de type backcasting - téléologiques - est de se préoccuper, non pas du futur susceptible de se produire, mais de quelle façon les futurs souhaitables peuvent être atteints . Elle est ainsi explicitement normative et suppose de travailler à rebours d'une situation particulière future souhaitable vers le présent afin de déterminer la faisabilité physique de ce futur, ainsi que les décisions politiques qui seraient exigées pour atteindre ce point ».

Ainsi, dans l'étude sur l'arc alpin, cinq étapes ont été suivies :

* définition des objectifs par rapport aux effets sur l'environnement ;

* description du système actuel de transport ;

* analyse de différents scénarios ;

* analyse des impacts des différentes solutions pour obtenir une cohérence entre objectifs, moyens et résultats ;

* détermination des mesures à prendre.

Évidemment, la construction de ces scénarios pose un certain nombre de difficultés. Dans le cadre d'un scénario tendanciel ne remettant pas en cause les relations en croissance économique et demande de transport, se pose tout de même la question des phénomènes de saturation susceptibles d'apparaître. Il y en a essentiellement deux : la saturation des infrastructures, spécifiques à l'arc alpin, et plus généralement celle de l'équipement en automobile des ménages.

Pour les scénarios non tendanciels c'est-à-dire écologiquement viables, il est nécessaire d'intégrer des ruptures de comportement ou des ruptures technologiques dont l'ampleur n'est pas toujours facile à évaluer. Certains scénarios envisagent par exemple que 60 % du parc automobile pourraient être électriques, alimentés par une pile à combustible (PAC).

Quatre scénarios ont été finalement élaborés pour évaluer la viabilité de transports écologiquement soutenables : un scénario tendanciel dit « laisser-faire », insoutenable écologiquement parlant mais permettant d'étalonner les autres, trois scénarios visant à décrire le champ des solutions possibles et les options des décideurs politiques.

Deux grandes options sont en réalité envisageables : la technologie et la gestion de la demande. Le premier scénario ne se fonde que sur la technologie (TEV 1), le second que sur la gestion de la demande (TEV 2), et le 3 e est une combinaison des deux précédents (TEV 3).

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