II. UN PAYS QUI RESTE FRAGILE

A. UNE UNANIMITÉ POLITIQUE QUI NE CACHE PAS LES PROFONDES DIVISIONS DU PAYS

1. Un « vivre ensemble » difficile à mettre en oeuvre

En se rendant en Macédoine, votre rapporteur a pu rencontrer les différents ministres et parlementaires, de tous les partis politiques, qui ont tous affirmé leur ardent désir de rejoindre l'Union européenne et l'entente multiethnique créée depuis les accords d'Ohrid.

De fait, il est intéressant de constater que les mesures prises dans le prolongement de l'accord d'Ohrid ne sont pas remises en cause , comme en témoignent les résultats du référendum de novembre 2004.


Le référendum de novembre 2004 sur le projet de loi de décentralisation

Organisé à la demande de l'opposition nationaliste macédonienne , qui craignait que l'augmentation des droits de la minorité albanaise (actuellement 25 % de la population) ne conduise à terme, à une partition du pays, le référendum de novembre 2004 visait à revenir sur certains engagements pris lors des accords d'Ohrid, en rejetant les dispositions du projet de loi de décentralisation. L'opposition macédonienne avait recueilli plus de 150 000 signatures, lui permettant d'organiser ce référendum.

Le projet de loi de décentralisation , qui prévoyait un nouveau découpage administratif des municipalités, était jugé trop favorable aux Albanais par l'opposition slave. Trois dispositions suscitaient les plus vifs débats. La première, qui intégrait des villages albanais dans la municipalité de Skopje, portant ainsi à plus de 20 % la population albanaise recensée dans la capitale, ce qui conduisait à installer des panneaux officiels en langue albanaise. Les deux autres dispositions, qui redécoupaient les limites des municipalités actuellement macédoniennes de Struga et Kicevo (au sud-ouest du pays), et leur permettaient de se doter mécaniquement d'un maire albanais.

Opposé au référendum, dont il craignait qu'il ne retarde le processus d'adhésion de la Macédoine à l'Union européenne, le gouvernement macédonien avait préconisé l'abstention, misant sur une participation inférieure au taux de participation minimum de 50 %, nécessaire pour valider le scrutin. Son appel a été largement suivi, puisque seuls 26 % du 1,7 million d'électeurs se sont rendus aux urnes. Le référendum n'a donc pas été validé.

Les résultats du référendum de 2004, qui ont conduit à renforcer les accords d'Ohrid, ne doivent pas cacher un malaise toujours présent dans la population.

En effet, malgré l'unanimité des responsables politiques qui souhaitent que la Macédoine rejoigne le plus vite possible l'Union européenne, votre rapporteur a le sentiment d'une réalité plus contrastée sur le terrain . Les communautés slave et albanaise se séparent de plus en plus, et le ressentiment reste vif, même s'il ne se traduit pas par de la violence. Dans la capitale Skopje, les deux communautés habitent des quartiers bien distincts, et cette séparation se reproduit dans toutes les localités de Macédoine. Les slaves macédoniens et les Albanais ne vivent pas ensemble, mais à côté les uns des autres, avec une méfiance réciproque.

La mise en oeuvre des accords d'Ohrid donne tout de même des résultats tangibles et, notamment, une meilleure représentation des Albanais dans la fonction publique, y compris dans l'armée et dans la police. D'après les données transmises par le gouvernement macédonien à l'Union européenne, les Albanais représentaient 11,65 % des fonctionnaires en 2002, et 14,54 % en 2004. Ce progrès devrait s'intensifier puisque l'objectif est de se rapprocher du pourcentage de cette minorité dans la population totale (25 %). Dans l'armée, les résultats sont plus spectaculaires puisque, en 2001, les Albanais ne représentaient que 2,25 % des effectifs. En 2005, ils devaient représenter 11,56 % mais seulement 5,7 % des officiers. Il faudra cependant du temps pour que cette intégration se traduise par un changement des mentalités.

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