II. RÉINSÉRER LE CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS LES MÉCANISMES DE L'ÉCONOMIE MONDIALE

Les principaux ressorts de l'économie mondiale (concurrence sur les prix, allocation de facteurs de production indépendamment du coût des émissions de gaz à effet de serre dans leur transport, flux tendus, préférences pour les résultats financiers de court terme) concourent à amplifier le changement climatique .

La réponse proposée par le mécanisme mis en place par le protocole de Kyoto (action volontariste des États de réduction des émissions de CO 2 , constitution collatérale de marchés des émissions de CO 2 ) est appropriée en ce qu'elle vise à réinsérer dans le calcul économique mondial la déséconomie externe menaçante du réchauffement climatique.

Mais l'on sait que les obligations de Kyoto - au demeurant timides au regard de l'accélération des émissions mondiales - ne concernent que la moitié des émissions.

Et on peut concevoir des doutes sérieux concernant la réussite du cycle de Kyoto :

• quant au comportement très préoccupant des Etats-Unis vis-à-vis de la renégociation - et de la ratification - d'un cycle Kyoto II,

• et quant au statut des pays dits émergents , et notamment la Chine et l'Inde, dont les caractéristiques économiques (très forte expansion, architecture énergétique reposant sur le charbon 49 ( * ) ) qui n'ont actuellement aucune obligation et n'auront, au mieux, que de faibles obligations à l'issue du cycle Kyoto II . On doit, d'ailleurs, relever qu'une erreur stratégique a été commise en écartant ces pays à forte croissance des obligations figurant au premier protocole. Car le déploiement gigantesque d'équipements auquel donne lieu, par exemple, la croissance chinoise, aurait pu être l'occasion d'une réorientation de la croissance de cette économie vers un développement plus durable.

La perspective d'une seule insuffisance de résultat du cycle de Kyoto conduit à insister sur le fait qu'il ne sera plus possible d'admettre des distorsions de concurrence qui deviendront de plus en plus insupportables entre les pays qui luttent contre l'effet de serre et ceux qui aggravent le changement climatique.

Il est donc indispensable d'activer l'extension du protocole de Kyoto par un mécanisme incitateur.

Les pays ayant des obligations de diminution des émissions au terme du protocole de Kyoto I pourraient édicter une taxe carbone compatible avec les règles de l'OMC . Celle-ci serait applicable au plan national et aux produits importés sur la base de certificats énergétiques correspondant aux technologies de fabrication les plus économes en gaz à effet de serre. Cette taxe serait remboursée, comme la TVA, à l'exportation.

Mais, pour être conforme aux règles de l'OMC, cette taxe ne concernerait pas les émissions imputables à la production d'énergie qui est la plus importante source d'émission de CO 2 . Elle serait donc limitée .

Le problème de la mutation des règles qui gouvernent le commerce international se posera donc rapidement.

On ne pourra plus longtemps accepter qu'un des mécanismes directeurs de l'économie mondiale fonctionne sur des schémas conceptuels hérités du 19e siècle alors que le changement climatique et la raréfaction des carburants fossiles changent fondamentalement la donne économique mondiale.

C'est là un nouveau chantier qui doit être ouvert au sein de l'OMC, à l'initiative de la France, avec le soutien actif de l'Europe.

* 49 Rappelons que la Chine tire plus des deux tiers de son énergie du charbon et qu'elle envisage, en 2020, d'en tirer encore près de 60 %.

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