C. LES CONSÉQUENCES

1. Des effets physiques certains mais pas toujours perceptibles

Depuis une décennie, l'Europe est atteinte par les premiers effets physiques du réchauffement climatique : canicule de l'été 2003, tempête de 1999, inondations, fonte des glaciers, modification de la pluviométrie, etc.

Toutefois ces phénomènes climatiques, pour cruels et dévastateurs qu'ils soient quelquefois, ne sont pas encore systématiquement répétitifs. Et donc pas ancrés dans les mentalités collectives. Au demeurant, l'opinion est mithridatisée par les médias qui l'informent en flux continu des catastrophes climatiques qui affectent régulièrement le reste du monde : typhons, cyclones, sécheresses de grande ampleur, inondations diluviennes. D'où une perception déformée de ce que pourraient être les conséquences physiques concrètes du changement climatique et l'idée naïve qu'il existe des possibilités de réponses « à la hollandaise » du style : « si la mer monte, on relèvera le niveau des digues ».

Une telle vision traduit la méconnaissance de la nature des effets du changement climatique dont les incidences sont loin de se limiter à ces phénomènes extrêmes.

Ces incidences varieront en fonction de l'ampleur de la hausse des températures et affecteront de façon très inégale l'ensemble de la planète.

Leurs conséquences ne sont donc pas immédiatement perceptibles, ni immédiatement descriptibles.

Mais il faut prendre conscience que déjà ont eu lieu des événements comme la poursuite du retrait des glaciers alpins et la translation d'une partie de la flore de quelques degrés latitude Nord. Ces phénomènes s'amplifieront, et s'y ajouteront le stress hydrique qui risque de frapper le sud de l'Europe, l'arrivée d'espèces invasives, la création de milieux plus favorables à la propagation virale ou la montée du niveau des océans auront des conséquences profondes sur nos modes de vie.

Si le danger n'est pas immédiatement perceptible, si son ampleur n'est pas encore quantifiable, il est certain.

On aurait tort d'oublier qu'à l'échelle des temps le climat tempéré qui a permis l'essor de l'Europe n'est qu'une rareté au milieu de périodes géologiques caractérisées par une très grande sécheresse. C'est tout le climat tempéré sur la planète qui est en cause.

2. Des effets financiers déjà quantifiables

a) Le coût actuel des changements climatiques

Avant d'évaluer les conséquences financières du changement climatique, il n'est pas inutile de garder à l'esprit un ordre de grandeur : le PIB mondial atteint environ 35.000 milliards de $.

Dès maintenant, on est en mesure de chiffrer le coût des dérèglements climatiques enregistrés ces dernières années.

Aux Etats-Unis, le coût des événements climatiques toutes causes confondues a atteint 120 milliards de $ en 2004, et 200 milliards de $ en 2005, dont la majeure partie est représentée par la succession des grands événements cycloniques.

L'Europe n'est pas épargnée. Depuis trente ans, le coût annuel a été multiplié par 15 en Europe.

Les inondations de l'an 2000 en Allemagne ont causé des dommages évalués à 9,2 milliards d'€.

Le coût de la canicule de l'été 2003, qui s'est étendue à toute l'Europe, a été supérieur à 10 milliards d'€.

Sur les dix dernières années, la France a subi deux événements centenaires : la tempête de 1999 et les inondations de 2002-2003 (phénomène dont la période de retour est normalement de 500 ans).

En France, de 1989 à 2004, les dommages économiques causés par la sécheresse (et en particulier les dégâts cumulatifs sur les bâtiments construits sur des terrains argileux sans fondations adéquates) ont coûté 4 milliards d'€, dont 1,5 milliard pour la seule canicule de 2003 .

Au-delà de la montée certaine des coûts du changement climatique, ces données mettent en évidence que nos sociétés, plus complexes mais aussi plus fragiles, sont beaucoup plus vulnérables à ces assauts du climat qu'elles ne pouvaient l'être il y a quelques centaines d'années. L'état actuel de la ville de La Nouvelle-Orléans, près d'un an après le cyclone qui l'a détruite, en témoigne.

b) Les prévisions

Le simple constat de l'importance relative de ces dommages économiques (0,6 % du PIB mondial pour les seuls Etats-Unis en 2005 - ce qui est un pourcentage très important), alors même que le changement climatique n'en est qu'à ses prémices, conduit à s'interroger sur l'évolution de la charge financière des événements climatiques futurs .

L'Institut allemand pour la recherche économique (DIW) a essayé de modéliser ces coûts :

• sur la base d'un accroissement de la température au sol de 1°C en 2050 (soit l'hypothèse basse du rapport du GIEC de 2001),

• et en agrégeant, assez largement, les dommages directs et indirects (santé, transformation des écosystèmes, dommages aux biens) de ce niveau au réchauffement climatique.

Les résultats de cette modélisation, qu'il faut naturellement considérer comme des ordres de grandeur assez grossiers 5 ( * ) compte tenu de la nature de l'exercice, sont assez impressionnants :

• sur la période 2004-2050, la hausse de 1° C de la température causerait un coût global de 214 000 milliards de $ ;

• en 2050, pour les seuls Etats-Unis, ces coûts représenteraient 2.000 milliards de $ (soit 10 fois plus qu'en 2005) et 6 % du PIB mondial actuel.

• pour la seule Allemagne, ce coût atteindrait 137 milliards d'€ en 2050.

Il est indispensable que d'autres études soient entreprises sur les coûts futurs du changement climatique, en particulier à l'horizon d'une génération. En effet, les dépenses à régler pour les catastrophes rendront bientôt plus difficiles encore les investissements nécessaires pour changer de mix énergétique mondial.

*

* *

En conclusion de cette analyse succincte de l'état de nos connaissances et de nos interrogations sur le changement climatique, on peut avancer, avec de quasi-certitudes, que :

1. le changement climatique est principalement d'origine anthropique ,

2. sa vitesse dès maintenant acquise aura des conséquences pendant plusieurs générations même si nous arrivons à stabiliser les émissions de gaz à effet de serre ,

3. ses conséquences seront beaucoup plus profondes humainement et beaucoup plus coûteuses économiquement que la population ne l'imagine au seul vu des accidents climatiques actuels,

4. si les émissions de gaz à effet de serre ne sont non seulement pas stabilisées mais s'accroissent durablement, il existe des risques d'emballement et de début de dérèglement climatiques graves contre les effets desquels nos sociétés ne sont pas armées.

* 5 Mais probablement sous-estimés car l'hypothèse basse du GIEC, sur laquelle ces travaux sont assis, est déjà obsolète en 2006.

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