C. LES DIFFICULTÉS

La politique européenne de soutien à la paix en Afrique n'est encore qu'en construction. Pour vos rapporteurs, elle constitue l'essence même de la politique étrangère et de sécurité commune qui n'est pas tant la défense du territoire de l'Union, assurée par les Etats membres ou par l'OTAN, que la protection de ses intérêts bien compris par la contribution à la stabilité de son environnement.

Si les progrès ont été rapides, des difficultés importantes persistent cependant.

1. Un édifice institutionnel complexe

En s'impliquant dans la gestion des crises en Afrique, l'Union européenne apporte une double « valeur ajoutée » : elle permet de dégager un consensus et fonde une légitimité ; elle peut agir en recourant à une palette d'instruments d'intervention très divers. Mais ces atouts potentiels sont aussi, pour l'heure, autant de difficultés.

En l'état actuel des institutions communautaires, l'utilisation cohérente des instruments dont l'Union dispose au service d'une stratégie reste un véritable défi.

De facto , la structure en piliers conduit en effet à cantonner les structures du deuxième pilier en marge des activités de la Commission, y compris sur les questions de sécurité. Dans ce domaine, la répartition des compétences nécessite un dialogue constant entre la Commission, le Conseil et les Etats membres.

Devant ces difficultés, on constate une tendance croissante, de la part de la commission, à l'élargissement de facto de ses compétences 11 ( * ) au détriment du Conseil, soit pour combler un vide, comme c'est le cas pour la facilité de paix , soit pour inclure dans ses responsabilités des sujets complémentaires.

Cette démarche, bien que non conforme aux traités, pourrait à tout le moins permettre une meilleure efficacité de l'action européenne, si elle n'était pas porteuse, à terme, d'un véritable risque: celui de vider la PESC de son contenu et ne plus lui laisser que des responsabilités strictement militaires pour des seules opérations de basse intensité que l'OTAN accepterait de lui laisser.

Cela finirait par empêcher l'Union européenne de mettre en oeuvre tant sa politique que ses outils de gestion intégrée des crises dont elle a pourtant vocation à assumer les risques et les bénéfices politiques.

2. Des incidences sur le financement

Les difficultés institutionnelles se traduisent aussi par une forte disparité des modes de financement.

Pour réagir dans les délais requis par certaines situations d'urgence, le mécanisme de réaction rapide a été créé en 2001, autorisant la Commission à utiliser des fonds disponibles, sans devoir suivre la longue procédure d'un programme de développement.

D'autres instruments se sont « sédimentés » sur des fondements géographiques et thématiques, à mesure des besoins.

Face à l'émiettement des instruments financiers de l'action extérieure de l'Union, la Commission a proposé une rationalisation bienvenue pour les prochaines perspectives financières (2007-2013).

Sur le modèle du mécanisme de réaction rapide, un instrument de stabilité , conçu pour répondre aux situations de crise, ainsi qu'aux questions intéressant la sécurité et la stabilité à long terme regroupera différents instruments épars pour permettre une réponse continue, de la phase aigue de la crise à la reconstruction.

Le périmètre initialement envisagé pour cet instrument comprenait le soutien à des opérations de maintien de la paix, ce qui posait la question de son articulation avec la PESC.

Les actions communes décidées par le Conseil en matière de PESC, qui portent sur la composante civile de la gestion des crises (mission de police en Bosnie, mission « Etat de droit » en Iraq ...) sont financées à partir d'un chapitre spécifique de la rubrique 4 « Actions extérieures ».

Pour ce qui concerne la PESD en revanche, les traités prévoient que les dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense ne peuvent être à la charge du budget communautaire et relèvent donc des Etats membres. Le secrétariat général du Conseil bénéficie toutefois d'une dotation de « dépenses administratives », lui permettant, par exemple, de financer l'envoi d'experts.

En février 2004, un mécanisme de financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense , appelé Athéna, a été mis en place afin de faciliter la phase de lancement d'une opération. La définition des coûts communs est assez restrictive, mais ce mécanisme représente un premier pas vers le partage de la charge financière des opérations de l'Union, qui repose presque entièrement sur les Etats membres participant au déploiement de la force.

La frontière entre civil et militaire étant parfois ténue pour ce type d'opérations, les modes de financement sont d'une singulière complexité : pour l'opération AMIS II de soutien à la mission de surveillance de l'Union africaine au Darfour, le volet civil est financé sur budget PESC, les coûts communs du volet militaire par le mécanisme Athéna, l'envoi d'experts par le secrétariat général du Conseil et les dépenses opérationnelles par les différents Etats membres contributeurs...

Cette complexité à mobiliser des ressources nuit à l'évidence à la réactivité de l'Union européenne ; elle conduit aussi à faire reposer l'essentiel des coûts sur les Etats membres dont les armées disposent des capacités nécessaires, notamment de transport et de réaction rapide, comme la France et le Royaume-Uni.

Pour avoir une chance de voir le jour, les interventions européennes doivent en outre coïncider avec les priorités politiques et les capacités des pays contributeurs, ce qui nuit à leur caractère « européen ». De fait, il a semblé à vos rapporteurs que l'Union européenne n'était pas toujours perçue, par ses interlocuteurs sud-africains ou sénégalais, comme agissant de son propre chef et en tant que telle mais mue le plus souvent, pour ce qui concerne l'Afrique, par les initiatives du Royaume-Uni ou de la France.

Le développement des opérations européennes, que vos rapporteurs considèrent comme un objectif essentiel, nécessiter non seulement une augmentation substantielle du budget PESC dans un premier temps mais aussi, à l'instar de l'OTAN, une réflexion sur une plus grande mutualisation du coût des opérations militaires.

* 11 et même de jure, comme en témoigne le recours pendant devant la CJCE de la Commission contre le Conseil à propos de la compétence dans le domaine de la lutte contre la prolifération des armes de petit calibre.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page