CHAPITRE 8 - QUELLES TENDANCES POUR LA DETTE PUBLIQUE ?

La programmation pluriannuelle des finances publiques confirme que la dette n'est un problème que quand elle doit être remboursée. Pour être complet, on peut ajouter qu'elle l'est également quand elle devient trop chère.

En effet, dans la programmation pluriannuelle des finances publiques, le poids de la dette publique dans le PIB recule continûment. La limitation des dépenses publiques est entièrement consacrée au désendettement des administrations publiques, qui est donc l'objectif de la politique budgétaire 42 ( * ) .

Pour s'en tenir au scénario dit « bas », la dette publique est réduite de 5,6 points de PIB entre fin 2007 et 2010, soit de 1,9 point par an.

C'est le résultat d'une situation où le besoin de financement public atteint un niveau inférieur à celui qui permet de stabiliser la dette dans le PIB .

Ce niveau, qui dépend de la dette initiale et de la croissance économique, est de 2,25 points de PIB avec une dette de 63,6 % en début de période et une croissance nominale du PIB de 3,5 % (2 % de croissance en volume, en ligne avec la croissance potentielle, et 1,5 % d'augmentation des prix du PIB) 43 ( * ) .

A supposer que l'équilibre budgétaire décrit dans le scénario bas soit maintenu, la dette publique refluerait dans les dix ans suivants (à l'horizon 2020) jusqu'au niveau de 41,1 % du PIB. En 2044, la dette publique serait entièrement effacée.

La baisse du poids de la dette publique dans le PIB , décrite dans le programme pluriannuel présenté par le Gouvernement, représente un allégement de la dette publique de 8,8 % . Toutes choses égales par ailleurs, elle entraînerait une économie de charges d'intérêt récurrente de 3,6 milliards d'euros constants de 2007, chaque année à l'horizon de 2010 (0,2 % du PIB) .

Quelles appréciations formuler sur de telles orientations ?

I. A LA RECHERCHE DE LA SOUTENABILITÉ DE LA RÉDUCTION DE LA DETTE PUBLIQUE

La réduction de la dette publique est un objectif qui n'est pas sans risques macroéconomiques alors que ses bénéfices sont plutôt incertains car dépendants largement d'hypothèses exogènes, comme le niveau des taux d'intérêt.

En l'Etat des choses la réduction de la dette publique est une opération à risques ce qui conduit à s'interroger sur l'existence éventuelle d'options permettant de réduire ceux-ci.

La réduction de la dette publique décrite dans la programmation pluriannuelle est, comme on l'a indiqué, particulièrement importante. Elle « rapporte » 0,2 point de charges d'intérêt mais coûte a priori 2,1 points de croissance (qui correspondent au cumul des effets négatifs sur l'activité économique de la réduction du déficit public) soit, compte tenu du taux de prélèvements obligatoires de 43,7 %, 0,9 point de PIB de recettes fiscales.

Cette arithmétique déplaisante n'apparaît pas dans la programmation des finances publiques puisque, dans le scénario macroéconomique qui lui est associé, la baisse du déficit public semble ne pas peser sur l'activité. Les agents privés l'absorbent et seul est affiché le gain de la réduction du besoin de financement public (0,2 point de PIB).

Il faut observer que ce gain est limité aux administrations publiques, puisque, dans une telle hypothèse les agents privés prennent le relais de l'endettement, ce qui alourdit leurs charges financières.

Surtout, on peut juger incertain que l'impulsion budgétaire négative soit complètement compensée par une modification du comportement des agents privés, ce d'autant que l'accompagnement de cette stratégie par la politique monétaire n'est pas acquis. Pour que la réduction programmée soit gagnante pour les finances publiques, il faudrait qu'elle « coûte » en croissance moins de 0,4 point de PIB . Il n'en irait autrement que si une tension sur le coût de la dette se produisait. Elle rendrait plus « rentable » la réduction de la dette. Mais, comme elle n'épargnerait vraisemblablement pas les agents privés, elle compliquerait aussi les conditions d'un ajustement budgétaire économiquement indolore.

D'autres voies moins risquées sont-elles disponibles ?

C'est pour répondre à cette question que votre Délégation a souhaité explorer d'autres politiques des finances publiques.

Dans l'une des projections de votre Délégation, la stratégie des finances publiques est guidée par l'objectif d'un retour de la dette publique au niveau de 60 % du PIB en 2011, niveau qui est celui fixé par le Pacte de stabilité et de croissance européen.

Ce scénario peut être analysé comme une illustration des conséquences d'un choix alternatif portant sur le niveau souhaitable de la dette publique.

Tableau n° 1
PRINCIPAUX AGRÉGATS DE FINANCES PUBLIQUES DANS LE SCÉNARIO ALTERNATIF
AVEC UN OBJECTIF DE RETOUR À UNE DETTE PUBLIQUE DE 60 POINTS DE PIB

(en points de PIB)

2007

2008

2009

2010

2011

Variation
2011/2007

Capacité de financement
des administrations publiques

-2,9

-2,4

-1,8

-1,9

-2,1

-0,8

Dépenses publiques

53,2

52,5

51,9

52,1

52,2

-1,0

Prélèvements obligatoires

43,9

43,7

43,7

43,7

43,7

0,2

Dette publique

64,0

63,5

62,3

61,1

60,1

-3,9

Source : Rapport économique, social et financier (RESF) - PLF 2007, MINEFI

Dans ce scénario (tableau n° 1), en 2011, la dette publique reflue de 3,9 points de PIB. Elle est de 60,1 points de PIB soit 3,5 points de PIB au-dessus du niveau qu'elle atteint dans un scénario suivant les enchaînements décrits par la programmation pluriannuelle du Gouvernement qu'illustrent les résultats suivants (tableau n° 2).

Tableau n° 2
PRINCIPAUX AGRÉGATS DE FINANCES PUBLIQUES DANS LE SCÉNARIO CENTRAL D'AMÉLIORATION ANNUELLE DU SOLDE STRUCTUREL DE 0,5 POINT DE PIB

(en points de PIB)

2007

2008

2009

2010

2011

Variation
2011/2007

Capacité de financement
des administrations publiques

-2,9

-2,3

-1,4

-0,6

0,1

+3,0

Dépenses publiques

53,2

52,4

51,5

50,7

50,0

-3,2

Prélèvements obligatoires

43,9

43,7

43,7

43,7

43,7

-0,2

Dette publique

64,0

63,3

61,8

59,6

56,6

-7,4

Source : Rapport économique, social et financier (RESF) - PLF 2007, MINEFI

La dette publique rétrograde de 6 % et l'économie sur les charges d'intérêt est de l'ordre de 0,14 point de PIB.

Cette politique conduit donc à des résultats financiers de moindre ampleur pour les administrations publiques mais elle est moins risquée au plan macroéconomique (v. supra ) et nettement moins exigeante en termes de finances publiques.

Ces conclusions valent encore davantage pour un dernier scénario (tableau n° 3) où l'impulsion économique de la politique budgétaire serait nulle, les dépenses augmentant au rythme de la croissance potentielle.

Tableau n° 3
PRINCIPAUX AGRÉGATS DE FINANCES PUBLIQUES DANS LE SCÉNARIO TENDANCIEL
SANS MODIFICATION DU SOLDE STRUCTUREL

(en points de PIB)

2007

2008

2009

2010

2011

Variation
2011/2007

Capacité de financement
des administrations publiques

-2,9

-2,7

-2,4

-2,2

-1,9

-1,0

Dépenses publiques

53,2

52,9

52,7

52,4

52,1

-1,1

Prélèvements obligatoires

43,9

43,9

43,9

43,9

43,9

0

Dette publique

64,0

63,5

62,8

62,0

61,0

-3,0

Source : Rapport économique, social et financier (RESF) - PLF 2007, MINEFI

Dans ces deux scénarios, le risque macroéconomique est incontestablement réduit. Inversement, l'ajustement budgétaire qui se produit, est de moindre ampleur :

- la réduction du déficit public est plus modeste ; elle provient, pour l'essentiel, d'un effet conjoncturel 44 ( * ) et laisse moins de marges de manoeuvre en cas de ralentissement économique ;

- atteignant un niveau permettant de financer par la dette des dépenses susceptibles d'augmenter durablement le rythme de croissance futur, et donc de réduire les besoins de financement prévisibles, le déficit public reste toutefois tel, qu'à l'horizon de la projection , il ne se traduit pas par une baisse de la dette publique aussi prononcée que dans le scénario central.

Aucun critère unique de soutenabilité de la réduction de la dette publique ne peut être proposé avec certitude. Mais les travaux de votre Délégation ambitionnent de cadrer les choix qui sont multiples.

Sur le plan économique, à court-moyen terme, l'arbitrage à rendre semble devoir dépendre de la plus ou moins grande confiance dans l'éventualité de voir les agents privés compenser les efforts de réépargne des administrations publiques. Mais, le seul arbitrage économique doit être complété par la prise en compte de données financières relatives à la soutenabilité de la dette publique.

* 42 La diminution des dépenses publiques n'est pas « restituée » aux agents privés sous forme de baisse des prélèvements obligatoires.

* 43 Le fameux critère de Maastricht plafonnant le déficit autorisé à 3 % du PIB résulte d'un calcul où la dette publique de 60 points de PIB pouvait être stabilisée à ce niveau avec un déficit maximal de 3 % et une croissance de 5 % (3 % en volume et 2 % d'inflation).

* 44 Toutefois, si l'on estime que la croissance potentielle pourrait être supérieure à 1,7 % à l'avenir, une partie de l'ajustement est structurel.

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