IMPACT DES REVISIONS DE POPULATION ACTIVE* ( * )

L'INSEE a récemment publié de nouvelles projections de population active à l'horizon 2050 69 ( * ) . Le nouveau scénario affiché par l'INSEE modifie en profondeur le paysage de l'activité française à long terme. Les précédentes projections 70 ( * ) dressaient un tableau beaucoup plus sombre quant à l'évolution du nombre d'actifs pour le demi-siècle à venir. De telles révisions ont en premier lieu pour effet un relèvement significatif de la croissance potentielle sous l'impulsion de la nouvelle dynamique de l'offre de travail. Un tel relèvement a déjà eu lieu en Italie, mais pas encore en Allemagne. Mais ces révisions engendreraient aussi une évolution des dépenses de retraite et de santé moins soutenue en raison d'un ratio de dépendance plus favorable et d'un vieillissement moins prononcé.

Après avoir présenté dans la partie 1 les dernières projections démographiques et de dépenses de protection sociale pour l'UE25 de la Commission européenne, nous présentons dans la partie 2 les nouvelles projections de population active en France, en comparaison avec celles de l'Allemagne et de l'Italie, qui incluent des projections plus récentes que celles de la Commission. La partie 3 évalue l'impact de ces nouvelles projections sur les croissances potentielles de ces trois pays. La partie 4 décrit ensuite pour la France, comment ces révisions vont influencer le rythme des dépenses de protection sociale.

I. LES PROJECTIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE ET LE SOMBRE AVENIR DE L'EUROPE

Dans une récente communication sur l'avenir démographique de l'Europe 71 ( * ) , la Commission Européenne reprend les résultats d'un nouveau rapport sur la soutenabilité des finances publiques dans l'Union européenne 72 ( * ) . Les évolutions démographiques présentées à l'horizon 2050 mineraient le potentiel de croissance économique, exigeant une remise en cause des systèmes de retraites et des réformes douloureuses. Trois facteurs seraient à l'origine de cette situation : une baisse du taux de fécondité, le passage des baby-boomers à l'âge de la retraite et une forte augmentation de l'espérance de vie. L'immigration resterait soutenue (+900 000 par an en moyenne dans l'UE25), mais insuffisante à compenser ces facteurs. En raison de ces tendances, la population de l'Union se réduirait et deviendrait beaucoup plus âgée.

Sur le plan économique ces évolutions ne seraient pas sans conséquences : la population en âge de travailler diminuerait de 48 millions d'ici 2050 et le taux de dépendance devrait doubler, avec seulement deux actifs pour chaque retraité en lieu des quatre aujourd'hui. Avec la baisse de la population en âge de travailler à partir de 2010, le nombre de personnes ayant un emploi continuerait à augmenter du fait surtout d'un taux d'emploi des femmes et des personnes âgées plus élevé. Il en résulterait néanmoins un ralentissement du taux de croissance du PIB, qui passerait de 2,4% à 1,2% en moyenne annuelle. L'Europe serait obligée de s'appuyer de plus en plus sur les gains de productivité comme source majeure de croissance économique et la progression de la productivité du travail s'accélérerait de 1,5 en moyenne sur la période 2004-2010 à 1,7% en 2050. Autant le vieillissement que le ralentissement de la croissance conduiraient à des pressions significatives sur les dépenses publiques, notamment celles liées à l'âge, qui progresseraient de 4 points de PIB dans l'UE25. Afin de maintenir un ratio dette/PIB à 60 % à l'horizon 2050, une restriction budgétaire permanente de l'ordre de 2 points de PIB en moyenne dans l'UE25 serait nécessaire pour compenser les effets du vieillissement sur les finances publiques. Pour certains pays membres de l'Union, ces restrictions pourraient atteindre le 7 points de PIB (Hongrie et Portugal).

Les trois grands pays membres de la zone euro, France, Allemagne et Italie, ne sont pas parmi les plus mal lotis en Europe. Les évolutions démographiques, à l'exception de la France, y sont certes moins favorables que dans la moyenne de la zone euro (tableau 1).

Tableau 1 : Principales hypothèses démographiques dans le rapport de la Commission européenne

France

Allemagne

Italie

Zone euro

Hypothèses démographiques

Taux de fertilité

2004

1,9

1,3

1,3

1,5

2050

1,8

1,4

1,4

1,6

Solde migratoire en moyenne annuelle

2004-2050

60 000

200 000

150 000

700 000 soit 60 000 en moyenne par pays membre

Population en millions

2004

59,9

82,5

57,9

308,6

2050

57,9

77,7

53,8

308,4

Population en âge de travailler (15-64) en millions

2004

39,0

55,5

38,5

206,5

2050

37,4

45,0

29,3

174,2

Sources : Commission européenne

En ce qui concerne les évolutions macroéconomiques en Allemagne et en Italie, la hausse du taux d'activité et du taux d'emploi, d'une part, et la baisse du taux de chômage, d'autre part, seraient en ligne avec la moyenne de la zone. Elles sont en revanche un peu plus faibles en France. Cependant, les réformes mises en place, notamment en matière de retraites, induiraient en France un moindre fardeau lié au vieillissement qu'en moyenne dans la zone euro ; plus que la moitié de l'effort de consolidation budgétaire serait plutôt imputable à la mauvaise situation actuelle des comptes publics (Tableau 2).

Tableau 2 : Principales hypothèses macroéconomiques dans le rapport de la Commission européenne

France

Allemagne

Italie

Zone euro

Hypothèses macroéconomiques

Taux d'activité

2004

69,3

72,6

62,9

69,1

2050

73,1

79

70,3

76,3

Taux de chômage

2004

9,0

9,9

8,9

9,0

2050

7,0

7,0

6,5

6,4

Taux d'emploi (15-64)

2004

63,1

65,4

57,2

62,9

2050

68,0

73,5

65,7

70,5

Variation de l'emploi

2004-2050

969 000

-337 3000

-263 7000

-639 2000

Productivité du travail taux de croissance moyen

2004-2010

1,4

0,9

0,7

1,1

2030-2050

1,7

1,7

1,7

1,7

PIB potentiel taux de croissance moyen

2004-2010

2,2

1,7

1,9

2,1

2030-2050

1,6

1,2

0,9

1,2

Dépenses liées à l'âge variation en point de PIB

2004-2050

+3,2

+2,7

+1,7

+3,8

Dont dépenses de retraite variation en point de PIB

2004-2050

+2,0

+1,7

+0,4

+2,6

Indicateur de soutenabilité des finances publiques

Ajustement budgétaire annuel (en point de PIB) nécessaire pour maintenir le ratio dette/PIB à 60% en 2050

2004-2050

3,2

3,5

3,4

2,1

Variation due au déséquilibre budgétaire initial

2004-2050

1,4

1,8

2,1

0,2

Variation due aux dépenses liées au vieillissement

2004-2050

1,8

1,7

1,3

1,9

Sources : Commission européenne

* * Ont contribué à cette étude : Matthieu Lemoine, Paola Monperrus-Veroni, Mathieu Plane et Frédéric Reynès.

* 69 E.Coudin : « Projections 2005-2050 : Des actifs en nombre stable pour une population âgée toujours plus nombreuse », INSEE première, n°1046, juillet 2006.

* 70 E. Nauze-Fichet et F.Lerais : « Projections de population active 2000-2050 : un retournement progressif », INSEE première, n°832, mars 2002.

* 71 « L'avenir démographique de l'Europe, transformer un défis en opportunité »

* 72 « The Long-Term Sustainability of Public Finances in the European Union », European Economy n° 4/2006.

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