CONCLUSIONS ET PRÉCONISATIONS

Au terme de ce travail de synthèse et d'analyse sur les armes à sous-munitions, vos rapporteurs parviennent aux principales conclusions suivantes :

- les conditions dans lesquelles des armes à sous-munitions ont pu être massivement utilisées par certaines armées ont engendré, dans les zones de conflit concernées, des dommages humanitaires disproportionnés ; au sein des populations civiles, des sous-munitions non explosées continuent de provoquer des accidents graves et souvent mortels des années après la cessation des hostilités , les enfants constituant une forte proportion des victimes ;

- tous les types d'armement sont susceptibles de provoquer des dommages aux populations civiles, soit durant le conflit, soit après le conflit lorsque les munitions n'ont pas explosé ; nombre d' armes à sous-munitions actuellement en service présentent cependant un degré de risque humanitaire plus élevé que d'autres types d'armes en raison de leurs caractéristiques propres (effet de dispersion, taux de non fonctionnement importants sur nombre de modèles, dangerosité des sous-munitions non explosées), ce risque étant lui-même fonction de nombreux facteurs (condition d'emploi et précision de l'arme, nombre de sous-munitions, présence ou absence de mécanismes d'autodestruction ou d'autoneutralisation, vieillissement de l'arme) ;

- la France fait preuve d'une extrême retenue vis-à-vis des armes à sous-munitions et ne peut être mise en cause dans les dommages humanitaires qu'elles ont provoqués ; en effet, un seul cas d'utilisation par l'armée française a été répertorié, en 1991, avec une bombe à sous-munitions qui n'est plus en service aujourd'hui et dont les stocks ont été détruits ; la situation de la France à l'égard des armes à sous-munitions se caractérise par un nombre de systèmes actuellement en service dans l'armée française très réduit, dont aucun n'a été exporté par notre pays , des stocks limités et une doctrine d'emploi très restrictive ; aucun système d'armes à sous-munitions n'est actuellement en développement ou en projet en France ;

- pour autant, la France doit continuer à toujours mieux concilier impératifs militaires et impératifs humanitaires , notamment dans le domaine des armes à sous-munitions ; sur le plan interne , elle doit se fixer des objectifs élevés de précision et de fiabilité pour ses armements et conserver une doctrine d'emploi restrictive ; sur le plan international , elle doit participer aux réflexions qui vont s'engager sur les moyens d'améliorer le cadre juridique existant de manière à rendre plus effectif le respect du droit international humanitaire, notamment le principe de discrimination entre objectifs civils et militaires, et à apporter des réponses à la question de « la guerre après la guerre », c'est-à-dire des munitions non explosées; c'est sur ces deux points que vos rapporteurs souhaitent centrer leurs recommandations.

Préconisations

1 - Au plan national : se conformer à des objectifs élevés de précision et de fiabilité des armes à sous-munitions et conserver une doctrine d'emploi restrictive de nature à minimiser les risques pour les populations civiles.

Parmi les quatre systèmes d'armes utilisant des sous-munitions actuellement en service dans l'armée française, deux échappent à la problématique des risques humanitaires : le missile de croisière anti-piste Apache , arme de précision destinée à traiter un objectif très spécifique, et l'obus antichar Bonus , qui ne comporte que deux sous-munitions dotées d'un système de guidage vers la cible, de systèmes d'autodestruction et d'autoneutralisation.

L' obus à grenades OGR emporte quant à lui 63 sous-munitions dotées d'un système d'autodestruction. Les tests effectués avant la réception de la munition par les armées font apparaître un taux d'échec de l'ordre de 1 %. Par ailleurs, des tests sont régulièrement réalisés aux différentes étapes de la vie de l'arme. Cette munition est soumise à des règles d'emploi strictes et claires , et elle est destinée à la destruction d'objectifs exclusivement militaires , dans le cadre d'un combat symétrique de haute intensité et dans le respect du principe de proportionnalité . Vos rapporteurs estiment que pour parer les risques liés aux sous-munitions non explosées, une mention figurant sur la sous-munition et indiquant clairement le danger encouru est nécessaire.

En revanche, la roquette de conception américaine M-26 qui équipe actuellement nos lance-roquettes multiples ( LRM ), apparaît comme un héritage de la guerre froide. Destinée à la riposte face à une attaque blindée massive, elle n'est plus adaptée aux engagements actuels du fait de l'insuffisance de sa précision et de sa fiabilité . Dans ces conditions, il est souhaitable d' accélérer le remplacement de la roquette M-26 par une nouvelle roquette à charge unitaire et d'établir un calendrier pour la destruction des stocks existants. Vos rapporteurs souhaitent également que la France indique clairement qu'il n'est pas dans ses intentions d'utiliser les actuelles roquettes à sous-munitions d'ici leur remplacement.

Enfin, sur un plan plus général et pour l'avenir, trois directions doivent être privilégiées :

- l' amélioration de la fiabilité et de la précision des munitions qui doit être recherchée par un ensemble de mesures (nombre beaucoup plus réduit de sous-munitions, mise au point de systèmes de guidage ou de correction de trajectoire, dans la lignée du concept Spacido pour munitions d'artillerie, et accentuation des actions de recherche et de développement dans ce domaine, incorporation de dispositifs d'autodestruction ou d'autoneutralisation , processus rigoureux de tests et de certification) ;

- le maintien de l'actuelle pratique restrictive en matière d'exportation d'armes à sous-munitions ;

- la poursuite de la prise en compte du droit international humanitaire dans la formation et l'entraînement des personnels comme dans les règles d'engagement en opérations.

2 - Au plan international : agir pour la mise en oeuvre du protocole V et pour le respect des principes du droit international humanitaire, tout en s'impliquant activement dans les réflexions sur de nouvelles initiatives internationales.

L'entrée en vigueur du protocole V à la convention sur certaines armes classiques , auquel la France a adhéré, constitue une avancée importante en instaurant un principe de responsabilité des Etats pour les restes explosifs de guerre laissés sur les zones de conflit, notamment les sous-munitions. Vos rapporteurs considèrent qu' il appartient désormais à la France :

- d'agir pour l'universalisation du protocole V ;

- de contribuer à la mise en oeuvre des mesures d'assistance internationale prévues par le protocole en matière d'enlèvement et de destruction des restes explosifs de guerre, en synergie avec les structures existantes pour l'assistance au déminage humanitaire ;

- de maintenir son engagement en faveur de la définition et de la promotion des mesures techniques préventives prévues par le protocole pour renforcer la fiabilité des munitions tout au long de leur vie, et notamment des armes à sous-munitions.

Deuxièmement, l'exemple des conflits récents souligne la nécessité de rappeler les principes du droit international humanitaire dans les conflits armés . Il s'agit, particulièrement en matière d'emploi des armes à sous-munitions :

- d'appeler les Etats parties au protocole I de 1977 à en respecter pleinement les dispositions en se dotant de règles d'engagement adaptées ,

- et d' inciter les Etats qui ne l'ont pas encore ratifié à rejoindre ce protocole .

Enfin, l'expérience a montré que nombre de systèmes d'armes à sous-munitions étaient caractérisés par une grande imprécision et par des taux d'échec importants , et qu'ils avaient été utilisés en si grande quantité que l'imprécision et les taux d'échec en avaient été démultipliés, et cela dans des environnements où civils et combattants se trouvaient mêlés, de sorte que le principe de discrimination ne pouvait pas être respecté. Dans ces conditions, il est légitime de définir, au plan international, des critères permettant d'écarter les armes dont les caractéristiques techniques les rendent, de facto , peu compatibles avec le respect des exigences humanitaires .

Alors que les discussions sur les armes à sous-munitions vont se poursuivre au plan international au cours des prochains mois, il paraît à vos rapporteurs indispensable :

- que la France puisse faire valoir les mesures qu'elle a prises et qu'elle continuera de prendre à titre national , car elles s'inscrivent totalement dans la volonté de mettre fin aux dommages provoqués par les armes à sous-munitions pour les populations civiles,

- qu'elle reste attentive et réactive à toutes les initiatives internationales d'où qu'elles viennent,

- et qu'elle s'implique activement dans les réflexions à venir sur l'évolution du droit international .

A ce titre, vos rapporteurs estiment que la France est en mesure d'apporter une contribution précieuse à l'identification des éléments constitutifs d'une régulation internationale des armes à sous-munitions , notamment l'élaboration de critères techniques de référence . Ces critères pourraient notamment porter sur la précision des armes à sous-munitions, sur la présence de mécanismes d'autodestruction ou d'autoneutralisation et sur les limites au nombre de sous-munitions contenues dans chaque arme.

Toute évolution en la matière, a fortiori si elle doit déboucher sur un nouvel accord de droit international, devra cependant répondre à deux conditions :

- d'une part, veiller à s'accorder sur une définition commune des armes à sous-munitions , compte tenu de l'extrême variété des systèmes relevant de cette appellation générique, des objectifs qu'ils ont vocation à traiter et des effets produits par leur utilisation ;

- d'autre part, favoriser l'implication des principaux pays producteurs ou utilisateurs d'armes à sous-munitions qui participent à la convention sur certaines armes classiques dans un instrument à vocation universelle.

RÉSUMÉ DES PRÉCONISATIONS

1 - Au plan national : se conformer à des objectifs élevés de précision et de fiabilité des armes à sous-munitions et conserver une doctrine d'emploi restrictive de nature à minimiser les risques pour les populations civiles.

? Accélérer le remplacement des roquettes à sous-munitions M-26 du lance-roquettes multiple ( LRM ) , dont la précision et la fiabilité sont très insuffisantes, par de nouvelles roquettes à charge unitaire .

? Maintenir des règles d'emploi strictes et claires pour l'utilisation de l'obus d'artillerie à grenades OGR .

? Pour l'avenir, privilégier des critères garantissant un degré élevé de fiabilité et de précision des munitions, notamment : un nombre beaucoup plus réduit de sous-munitions, la mise au point de systèmes de guidage ou de correction de trajectoire, dans la lignée du concept Spacido pour munitions d'artillerie, l'incorporation de dispositifs d'autodestruction ou d'autoneutralisation , des processus rigoureux de tests et de certification.

? Continuer à prendre en compte le droit international humanitaire dans la formation et l'entraînement des personnels comme dans les règles d'engagement en opérations.

? Maintenir l'actuelle pratique restrictive en matière d'exportation d'armes à sous-munitions .

2 - Au plan international : agir pour la mise en oeuvre du protocole V et pour le respect des principes du droit international humanitaire, tout en s'impliquant activement dans les réflexions sur de nouvelles initiatives internationales.

? Agir pour l'universalisation du protocole V sur les restes explosifs de guerre, contribuer à la mise en oeuvre des mesures d'assistance internationale qu'il prévoit et maintenir l'implication de la France dans la définition et la promotion des mesures techniques préventives prévues par le protocole pour renforcer la fiabilité des munitions tout au long de leur vie, et notamment des armes à sous-munitions.

? Appeler les Etats parties au protocole I de 1977 sur la protection des victimes des conflits armés internationaux à en respecter pleinement les dispositions en se dotant de règles d'engagement adaptées et inciter les Etats qui ne l'ont pas encore ratifié à rejoindre ce protocole .

? Assurer une implication active de la France dans les réflexions en cours sur l'encadrement international des armes à sous-munitions, notamment la recherche de critères permettant d'écarter les armes dont les caractéristiques techniques sont les moins compatibles avec le respect des exigences humanitaires . Dans ce but, veiller à ce que la France reste attentive et réactive à toutes les initiatives internationales d'où qu'elles viennent et chercher à favoriser l'implication des principaux pays producteurs ou utilisateurs d'armes à sous-munitions, qui participent à la convention sur certaines armes classiques, dans un instrument à vocation universelle .

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