B. ADAPTATION AU CHANGEMENT GLOBAL ET AUX MILIEUX EXTRÊMES

Deux grandes thématiques de recherche sont développées : l'adaptation des animaux au changement climatique et les mécanismes particuliers qu'ils ont développés pour survivre dans ces milieux extrêmes.

1. Adaptation au changement climatique

En raison du réchauffement beaucoup plus rapide dans les zones polaires qu'ailleurs sur la planète, la faune et la flore y sont soumises de manière beaucoup plus intense. Elles constituent donc des témoins importants.

En matière de faune , l'un des outils principaux est la base de données démographiques sur longue période. Celle-ci a d'ores et déjà permis de montrer un changement de régime climatique entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1980, lié à une hausse de la température . Les évolutions démographiques sont très nettes sur le manchot empereur, le manchot royal, le manchot Adélie, le gorfou sauteur, plusieurs espèces d'albatros, le fulmar, l'éléphant de mer et le phoque à fourrure. Le plus étonnant est sans doute que les évolutions ne sont pas univoques. Ainsi, plusieurs espèces voient leur population baisser : le manchot empereur, le gorfou sauteur, l'albatros à sourcils noirs et l'éléphant de mer. Au contraire d'autres espèces ont l'air de profiter de l'évolution climatique de cette période pour se stabiliser à un niveau plus élevé de population : le manchot royal, le manchot Adélie ou le phoque à fourrure. Enfin, quelques-unes ne montrent pas de tendance marquée comme le fulmar. Il est très intéressant de noter que lorsque les données de plusieurs îles sont disponibles pour la même espèce (y compris des îles étrangères), leur comparaison est profitable car l'intensité des évolutions n'est pas identique.

L'évolution de la population du manchot empereur a fait l'objet d'une publication dans Nature en 2001. Les chercheurs de Chizé y montraient qu'en l'espace de 4 à 5 ans (1975-1980), le nombre d'oiseaux reproducteurs avait brutalement chuté, passant d'une fourchette comprise entre 5 et 6 000 à une fourchette comprise entre 2 et 3 000 environ. Cette évolution s'explique par une surmortalité des adultes liée à la réduction de l'étendue de la glace de mer qui a entraîné une diminution de l'abondance du krill 17 ( * ) . La surmortalité est encore plus marquée chez les mâles qui jeûnent pendant 3 mois et demi l'hiver pour assurer la couvaison et peuvent perdre jusqu'à 30 % de leur poids.

En revanche, cette réduction de la glace de mer a vraisemblablement été favorable au manchot Adélie, bien qu'elle soit sans doute trompeuse, car une poursuite du réchauffement entraînerait certainement une diminution de la population des manchots Adélie.

Ce mécanisme explique également, pour une large part, l'évolution des populations des autres oiseaux puisqu'ils vont se nourrir dans le front polaire, dont la position varie en fonction de la température. Plus il fait froid, plus il se déplace vers le nord, et inversement.

La flore est elle aussi soumise à ces évolutions climatiques. La flore spécifique à l'Antarctique est très peu nombreuse. Elle est plus importante dans les îles subantarctiques avec un fort taux d'endémisme.

Le principal risque pour la flore est celui d'invasion due au réchauffement du climat . En effet, auparavant, elle était soumise à des invasions de plantes importées volontairement ou non par les hommes travaillant sur les bases scientifiques, mais la rigueur du climat empêchait toute diffusion. Par exemple une plante ou un insecte ne pouvait pas survivre hors de la serre servant à fournir la nourriture fraîche de la base. On constate depuis plusieurs années une progression constante en milieu sauvage des espèces échappées. Ce sont le plus souvent des espèces très communes et très résistantes de nos régions qui trouvent un milieu favorable à leur épanouissement. Dotées d'un métabolisme plus actif que les espèces locales, elles ont tendance à les remplacer. Par exemple, aux Kerguelen où la température moyenne a augmenté de 1,3°C en 50 ans, la mouche bleue de nos régions, Calliphora vicina , a commencé à coloniser l'île principale à partir de la base dans les années 1980, exerçant une pression toujours plus forte sur l'espèce locale qui n'a pas d'ailes (cf. ci-dessus). Ainsi, dans des milieux déjà très dégradés par l'homme parce qu'il y a introduit et une faune (chat, rat, mouton, vache, lapin) et une flore étrangères (par exemple le pissenlit), la suppression d'un élément peut avoir un effet aggravant sur le milieu, comme par exemple la suppression du lapin lorsque celui mange les pissenlits.

Un autre exemple est fourni par l'introduction des vaches sur les îles Saint-Paul et Amsterdam pour fournir des vivres frais aux navires de passage. Sur ces îles existaient, lors de leur découverte, une végétation arbustive très dense jusqu'à 250 m d'altitude, constituée essentiellement de Phylica arborea (arbuste endémique de 3 à 4 m de haut). Cette végétation a quasiment entièrement disparu en raison du surpâturage, des incendies et des navires qui s'arrêtaient faire du bois. Elle est aujourd'hui entièrement protégée grâce aux clôtures et à un programme de replantation.

La meilleure solution reste donc l'augmentation des précautions pour éviter les invasions, notamment par les touristes (pédiluves, vêtements spéciaux) et une connaissance précise des milieux pour tenter leur restauration .

* 17 Le krill est une crevette pélagique qui joue un rôle central dans l'ensemble de la chaîne alimentaire de l'océan austral. Durant l'hiver, il vit sous la banquise qui lui fournit une protection.

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