3. Les enseignements des programmes internationaux de recherche en glaciologie

M. Pierre Jouventin , directeur de recherche au CNRS, a rappelé que les recherches françaises en glaciologie avaient notamment permis de mettre en évidence l'augmentation de CO2 grâce à l'étude de la mémoire des glaces, découverte actuellement au centre de la problématique mondiale.

Estimant que l'on pouvait reprocher aux chercheurs de ne pas avoir suffisamment communiqué sur l'importance de la recherche polaire, il a indiqué que depuis les expéditions de Paul-Emile Victor, le sujet avait été quelque peu oublié. Il s'est félicité que l'Institut polaire ait pris conscience de la nécessité de se faire entendre et pris des mesures pour que cette considération soit au premier plan, soulignant que l'année polaire internationale avait d'ailleurs fait l'objet d'une campagne de communication.

M. Michel Fily , directeur du laboratoire de glaciologie et de géophysique de l'environnement, rappelant que les débuts de la glaciologie remontaient à une cinquantaine d'années, a souligné la nécessité de poursuivre l'étude des archives que constituent les calottes polaires. Ces archives ont permis d'obtenir des résultats considérables, en particulier pour établir la relation entre la température et les gaz à effet de serre.

Il a indiqué que les recherches sur les archives polaires permettaient également de découvrir de nouveaux indicateurs. A l'heure actuelle, des travaux sont par exemple menés sur la chimie de l'ozone. Alors que les mesures disponibles sur l'ozone correspondent à des mesures contemporaines, les recherches menées devraient permettre d'obtenir des mesures correspondant à la situation passée.

Il a précisé que les calottes polaires étaient également concernées par un autre enjeu fondamental : le niveau des mers. L'impact des calottes polaires sur le niveau des mers risque d'être considérable dans les années à venir, même si sa portée est encore incertaine. Soulignant que les scientifiques avaient montré que le Groenland fondait, il a insisté sur la nécessité de déterminer la vitesse à laquelle se poursuivrait cette fonte. Un carottage a été effectué en vue d'essayer de découvrir ce qui s'est passé il y a 120 000 ans, lorsque le niveau des mers était 7 mètres au-dessus de son niveau actuel et que leur température était supérieure de quelques degrés.

Il a expliqué que les activités de recherche portaient également sur les atmosphères polaires et les grands cycles biochimiques (cycle du souffre, du mercure, etc.) et qu'en Antarctique, l'étude des lacs sous-glaciaires était riche en enseignement. Ainsi, le forage de Vostok 7 ( * ) à plus de 3 600 mètres permet de remonter à 400 000 ans. En-dessous de Vostok, se trouve en effet un lac, aussi grand que la Corse, isolé du milieu extérieur depuis au moins un million d'années. Les études portant sur la glace qui a regelé au-dessus du lac peuvent livrer aux chercheurs des informations sur la vie passée et sur l'évolution de la vie sur Terre.

M. Michel Cara , directeur de l'école et observatoire des sciences de la Terre de Strasbourg, a expliqué que seule une observation de longue durée dans les régions polaires permettait de disposer de données sur l'intérieur de la Terre. Précisant que la variation dans le temps du champ magnétique terrestre était liée à des mouvements très profonds du noyau de la Terre qui est liquide, il a indiqué que des résultats récents tendent à suggérer l'existence d'une corrélation entre un affaiblissement du champ magnétique terrestre et des évolutions climatiques.

Il a estimé que la nécessité d'une observation permanente pour suivre les séismes démontrait l'utilité des stations australes. Considérant que la connaissance du sous-sol était fondamentale pour l'étude de la Terre, il a expliqué que des méthodes de sismique passive permettaient d'établir une imagerie assez détaillée du sous-sol de la calotte glaciaire.

* 7 Le lac Vostok, situé à l'aplomb du forage de Vostok, est l'objet de nombreux travaux. Enfoui sous 4 km de glace, grand comme le lac Ontario (environ 14.000 km²), il est isolé de la surface depuis environ un million d'années. En 1998, le forage a été stoppé à 120 mètres au dessus de la surface du lac afin de prévenir tout risque de contamination de l'eau du lac par le fluide injecté dans le forage pour éviter qu'il se referme.

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