4. La relation dose-effet ou dose réponse

La relation dose-effet est le lien entre la dose de substance dangereuse mise en contact avec l'organisme et l'occurrence d'un effet toxique .

Ce lien se traduit par un indice ou une valeur toxicologique de référence (VTR) qui précise le risque de survenue d'un effet pour une dose déterminée.

Il doit être rappelé qu'il existe des effets toxiques à seuil et des effets toxiques sans seuil.

Les effets toxiques à seuil d'innocuité

Ce sont les effets aigus et les effets à long terme, non mutagènes, non cancérogènes, non génotoxiques dont la gravité est proportionnelle à la dose .

En dessous d'une certaine dose, la toxicité n'apparaît pas ; il est convenu qu'existe alors un seuil d'innocuité . Néanmoins, il faut rappeler qu'un tel seuil édicté à tort pour les fibres d'amiante, sous l'appellation d'usage contrôlé, fut fatal à de très nombreuses victimes.

Pour une exposition orale ou cutanée , il s'agit de la dose journalière admissible (DJA) , exprimée en mg/kg/j, c'est-à-dire la quantité de toxique, rapportée au poids corporel de l'individu, qui peut vraisemblablement lui être administrée sans provoquer d'effets néfastes .

Pour une exposition par la voie respiratoire , il s'agit de la concentration admissible dans l'air (CAA) , exprimée en mg/m 3 ou en ug/m 3 , c'est-à-dire la teneur maximale théorique en composé toxique de l'air ambiant qu'un individu peut vraisemblablement inhaler sans s'exposer à un effet nuisible .

Les valeurs toxicologiques de référence des effets à seuil sont fixées d'après la méthode NOAEL /facteurs de sécurité , le NOAEL , ou DSENO en français, étant la dose la plus forte n'ayant pas entraîné d'effet observable .

Pour aboutir à la valeur toxicologique de référence, cette DSENO est divisée par le produit de plusieurs facteurs de sécurité afin de prendre en compte :

- la variabilité inter-espèces pour transposer à l'homme les résultats d'expériences pratiquées sur les animaux ;

- la variabilité intra espèces ou interindividuelle (presque toujours retenue à sa valeur maximale du fait de populations dites sensibles) ;

- l' inadéquation éventuelle de la durée de l'étude ;

- l' usage éventuel d'une dose minimale avec effet nocif observé (DMENO ou LOAEL ) au lieu d'une dose sans effet nocif observé (DSENO ou NOAEL ) ;

- l' inadéquation éventuelle de la voie d'exposition observée (voie respiratoire au lieu de la voie orale, par exemple), etc...

Ces facteurs de sécurité varient de 1 à 100 en fonction des équipes de recherche et cela peut même être également le cas pour des conclusions élaborées à partir d'une même étude toxicologique.

Il serait souhaitable que se dégage un consensus sur les facteurs de sécurité qui sont au minimum de 100 .

Il faut noter que ces indices toxicologiques ne sont définis que pour un temps d'exposition donné . Cela signifie que doit toujours être vérifiée l'adéquation entre les valeurs toxicologiques utilisées dans une évaluation de risque et la durée d'exposition considérée dans une étude .

Les effets toxiques sans seuil d'innocuité

Il s'agit des effets mutagènes et cancérogènes génotoxiques pour lesquels la fréquence est proportionnelle à la dos e.

Ces effets peuvent apparaître quelle que soit la dose reçue par l'organisme . En fait, une seule molécule peut provoquer des changements dans une cellule, celle-ci se trouvant alors à l'origine d'une lignée cancéreuse . Par exemple, avec les aflatoxines produites par des cacahuètes mal conservées.

Les valeurs toxicologiques de référence sans seuil d'innocuité sont fixées en fonction de l' excès de risque unitaire (ERU) de cancer qui peut être défini comme la limite supérieure de la probabilité supplémentaire - par rapport à un sujet non exposé - qu'un individu contracte un cancer s'il est exposé toute sa vie à une unité de dose du composé chimique cancérogène.

Pour l'exposition par la voie orale ou par la voie cutanée , l'excès de risque unitaire est l'inverse d'une dose et s'exprime en (mg/kg/j) -1 , c'est-à-dire la probabilité individuelle théorique de subir une exposition cumulée sur la durée d'une vie entière égale à 1mg/kg/j de produit toxique.

Pour la voie respiratoire , l'excès de risque unitaire est l'inverse de la concentration dans l'air et s'exprime en (ug/m 3 ) -1 , c'est-à-dire la probabilité individuelle théorique de contracter un cancer pour une concentration de produit toxique de 1 ug/m 3 dans l'air inhalé par un individu pendant toute sa vie.

Dans son expertise collective de 1999 sur les éthers de glycol, l'INSERM a relevé que « dans la plupart des cas, les études portent sur de fortes doses de produits chimiques , les probabilités de survenue d'un cancer aux niveaux d'exposition environnementale étant d'ordinaire trop faibles pour avoir une traduction statistiquement mesurable au cours des études expérimentales ou épidémiologiques : il faudrait pour cela disposer de milliers d'animaux ou d'hommes exposés de manière identique ».

Il est indispensable de toujours étudier la relation dose-effet et de prendre en compte, par exemple, le temps de latence entre l'exposition à une substance et l'apparition des symptômes d'une allergie ou d'une maladie.

Il faut également considérer la notion de fréquence d'utilisation d'un produit et la liste des produits utilisés . Mais, pour la majorité des populations, même professionnelles, ces deux données manquent la plupart du temps .

De plus, il peut ne pas venir à l'esprit de collecter certaines données plus importantes encore que les données recueillies de prime abord . Ainsi, il sera plus révélateur d'étudier les effets des pesticides sur la santé dans une vigne traitée en s'intéressant, non seulement aux personnes qui ont pulvérisé ces produits, mais aussi à celles qui sont passées travailler à leur suite dans les rangs de la vigne.

A cet égard, l'actuelle et conflictuelle gestion des séquelles du chlordécone utilisé pour le traitement des bananeraies antillaises pose le problème, non seulement de la non-précaution mais aussi de l'évaluation du scénario de contamination de chacun des acteurs, riverains, et utilisateurs, et donc des doses reçues.

Enfin, la collecte de certaines données domestiques est totalement oubliée . Par exemple, en cas de vaporisation d'un anti-moustique dans une chambre , une nuit passée dans cette pièce peut équivaloir à l'absorption d'autant de pesticides que le total de ceux présents dans l'eau de boisson absorbée au cours de toute une année.

Par ailleurs, le célèbre adage de Paracelse (1493-1541) « Tout est poison. Rien n'est poison. Le poison, c'est la dose », très souvent cité et admis comme une vérité éternelle, mérite d'être diversement nuancé voire totalement contredit.

En effet, si on l'interprète comme la dose d'un seul poison reçue en une seule fois, le danger du cumul des doses dans le temps est oublié . Aujourd'hui, on peut considérer que c'est aussi la période qui fait le poison.

S'il s'agit d'entendre la dose de divers poisons pris un à un, le cumul des doses en un même instant ou dans le temps de ces divers poisons est oublié, de même que les interactions entre eux .

Enfin, le mot « la dose », suggérant une gradation allant de la dose minime à la dose massive, risque de masquer que des microdoses peuvent être dangereuses , de laisser entendre à tort qu'une dilution peut suffire pour venir à bout de l'effet d'un poison - ce qui est inexact, d'autant plus que certains n'ont même pas d'antidotes - et de masquer que des effets mortels peuvent résulter de doses minimes d'un produit qui ne ressemble pas à un poison , par exemple les fibres d'amiante ou l'état physique de nanoparticules.

Dans le même sens, il a pu être observé que même des niveaux relativement faibles de pollution pouvaient augmenter des effets à court terme sur la santé (hospitalisation, mortalité). C'est le cas, par exemple, pour des niveaux d'exposition à des pollutions de l'air extérieur inférieures aux valeurs limites d'exposition.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page