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M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND, Chargé du programme « toxiques »

(31 mai 2006)

Après avoir relevé que la recherche des polluants dans l'habitat correspondait à une mode actuelle, M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a estimé que le sujet de l'étude de l'OPECST était très vaste et qu'il était difficile d'établir la liste des produits dangereux.

Il a indiqué qu'il était un spécialiste de l'éco-physiologie et de l'éco-toxicologie, ce qui le conduisait à étudier les perturbations ayant pour origine les pollutions chimiques. Dans ce cadre, les maisons constituent des environnements chimiques par excellence et des éco-systèmes dans lesquels les molécules ne sont pas forcément stabilisées comme, par exemple, dans le cas des écosystèmes créés par les appareils à vapeur du fait de l'humidité et de la température qui en accompagnent l'utilisation. Cela conduit à ne pas se concentrer uniquement sur l'air. De plus, des molécules partent aussi des objets (télévision neuve...) et, enfin, il existe des transferts entre les poussières et l'air.

Toutefois, en dépit de cette complexité, de grandes cibles peuvent être repérées : les colles, les plastiques - même s'il n'y a pas de règles d'ensemble pour ceux-ci - les produits d'entretien, les parfums, les colorants, les matériaux de construction, certains objets usuels (moquettes, appareils électroniques, jouets d'enfant...). M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a insisté sur le caractère artificiel du cloisonnement, souvent établi, entre l'étude de l'habitation et celle de l'environnement extérieur . En effet, les circulations dans les deux sens sont fréquentes entre les deux milieux

Il lui est apparu souhaitable que soit établie d'abord une liste des molécules les plus inquiétantes avant de décider leur mise sur le marché ; en effet, certaines molécules sont persistantes et s'accumulent dans les organismes.

Interrogé sur les limites des tests , M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND s'est demandé si on ne passait pas à côté de molécules dangereuses ; à cet égard, il a relevé le cas de certaines molécules qui ne sont pas testées car non solubles dans l'eau. Sur ce point, la subtilité des amendements proposés au système REACH montre que le souci d'éviter certains tests a contribué à ouvrir autant de portes de sortie d'un système qui se veut sans faille. Autre exemple, une certaine taille de molécules et une certaine solubilité peuvent réduire l'efficacité des tests car la pénétration de ces substances dans l'organisme n'est alors pas aisée. De plus, les molécules ne s'accumulent pas seulement dans les liquides, et la convention de Stockholm est à consulter sur ce point. Enfin, il peut y avoir toxicité réelle, même en l'absence d'accumulation, notamment en cas d'inhalation constante à faibles doses . Enfin, si les produits pharmaceutiques sont contrôlés, il arrive que, dans la vie quotidienne, l'individu s'administre des produits qui ne sont pas des médicaments .

Pour M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND, les pays nordiques , le Danemark en particulier, sont plus sérieux que la France sur ces questions, en effet les organismes rattachés aux pouvoirs publics établissent des listes noires de produits avant de les interdire, jouant ainsi sur la compétitivité des entreprises.

M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a également relevé le cas des composés perfluorés comme les revêtements de type Téfal ou le tissu Goretex (anti-tâches, imperméable, anti-adhésif) ; les pays nordiques ont interdit certains de ces composants.

Aux États-Unis d'Amérique, l' Environment Protection Agency (EPA) a décidé de mettre hors marché l' acide perfluoro-octanoïque (PFOA).

Pour repérer rapidement les produits suspects, M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a recommandé la consultation des sites de WWF ou de « Que choisir ? ». De même, WWF consulte les listes de l'EPA, du CIRC ou de la Convention de Stockholm . Ces listes s'allongent sans cesse et c'est un très gros travail que d'affirmer qu'une molécule est ou non toxique. En général, les réglementations suivent une sévérité décroissante allant des médicaments aux produits d'usage courant en passant par les cosmétiques.

M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a précisé ensuite que WWF s'intéressait à tout l'environnement, ce qui inclut l'homme. Il a déploré que les tests des fabricants soient souvent limités ; par exemple, lorsqu'ils sont effectués sur le rat et non sur la souris, ce qui n'a l'air de rien de prime abord, alors que les résultats peuvent être différents. Dans ces conditions, il faudrait vraiment se demander comment évaluer les produits chimiques mis sur le marché.

Revenant sur sa carrière, M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a signalé qu'il avait travaillé en laboratoire sur toutes les molécules et qu'il avait noté qu' une littérature scientifique très abondante était éliminée car non conforme à des normes ISO, AFNOR ... Il a souligné aussi qu' une molécule n'est classée cancérogène que si une étude épidémiologique a prouvé cette caractéristique mais, évidemment, une molécule non étudiée peut être cancérogène tout de même . A titre d'illustration de la valeur relative des tests , M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a évoqué celui qui consisterait à tester la qualité d'un pneu d'un coup de pied sans s'intéresser à son rainurage. C'est ce qu'on appelle une batterie de tests simplifiés. A l'inverse, il a évoqué les études menées sur les cellules d'oursin, proches de celles de l'homme. En effet, les produits chimiques peuvent avoir un impact sur toutes les cibles de l'oursin et, même s'il est impossible de les étudier toutes, il est possible d'élargir les batteries de tests menés grâce à l'oursin.

M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a beaucoup insisté sur le fait qu' à l'échelle de l'ADN la notion de dose n'a aucune signification car une seule molécule peut se transmettre de génération en génération .

Il a ensuite rappelé que si un chercheur a publié, cela signifie qu'il a respecté les règles scientifiques en vigueur ; ainsi les tests toxicologiques ne sont admis réglementairement que s'ils ont été l'objet de négociations avec les industriels et ils constituent un point de passage obligé.

Par exemple, pour étudier une molécule de l'air intérieur, il faut lire la littérature scientifique, en évaluer les tests - ce que seul un scientifique peut faire -, apprécier cela à partir d'un savoir de terrain - par exemple, savoir distinguer entre l'injection d'une substance et l'ingestion de celle-ci, car les résultats des tests peuvent être différents dans l'un ou l'autre cas . Évoquant à cet égard la polémique liée à l'Appel de Paris lancé par le Pr. Dominique BELPOMME, M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a observé que celui-ci peut être tenté de sélectionner seulement une partie de la littérature à l'appui de sa thèse tandis que ses détracteurs vont opérer de même.

Cependant, la littérature scientifique devrait pouvoir donner l'alerte avant la mise sur le marché des produits , même s'il est impossible de tester tous les effets de tout. Des groupes pilotes pourraient être mis en place à cette fin.

Interrogé sur les ressources humaines face à ces enjeux, M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a estimé que les ressources disponibles n'étaient pas à la hauteur. Il a signalé qu'il avait travaillé avec l'Agence de l'environnement britannique mais qu'au même moment ni l'INRS, ni l'INERIS, ni l'AFSSET ne proposaient de poste. Quant au BERPC, il fonctionne par mise à disposition de personnel de la part des autres organismes.

En réponse à une question sur les interactions entre les substances et les mélanges de substances , M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a répondu qu'il n'était pas impossible d'analyser ces interactions et ces mélanges puisque cela revient à analyser un cocktail au lieu d'analyser chaque produit de base. L'air intérieur constitue un milieu d'élection pour cela.

Il a estimé ensuite que l'expérimentation des molécules associées était envisageable, mais qu'elles sont à tester sur différentes cibles de l'organisme humain et ce type d'analyse devient à la mode. A titre d'exemple, il a cité l'aromatase qui produit des oestrogènes chez l'homme comme chez la femme car cet enzyme et sa production même sont affectés par le désherbant Round up . Cependant, si l'adjuvant seul est sans danger, il n'en va plus de même lorsqu'il est associé au produit glyphosate. Or, REACH n'a pas d'approche par mélange .

Revenant sur l'Agence de l'environnement au Royaume-Uni , il a indiqué que tout ce qui concernait l'environnement y était regroupé et que, de plus, tout particulier pouvait s'y renseigner directement en se rendant sur son site.

M. Olivier LE CURIEUX-BELFOND a déploré l'excessive multiplicité des organismes en France du fait de la tendance à toujours en rajouter de nouveaux par rapport aux structures existantes. Avec pour résultat des organismes de taille trop réduite , où, en réalité, quelques personnes constituent tout l'organisme, ce qui est scientifiquement dangereux car éloigné du caractère contradictoire de l'expertise scientifique. Cela pose aussi un problème pour la restitution des travaux et génère le risque de répétitions à la suite d'un chef de file.

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