B. UNE DESTRUCTION DE LA FORÊT AMAZONIENNE ?

A de multiples reprises, votre délégation a abordé le thème de la déforestation de l'Amazonie avec plusieurs interlocuteurs issus de divers horizons . La plupart d'entre eux lui ont fait valoir l'inadaptation du climat et du sol de la région amazonienne pour accueillir des cannaies, jugeant par conséquent que la politique nationale de développement des biocarburants n'était pas responsable de la déforestation. Tous ont d'ailleurs estimé que la situation de la forêt amazonienne était souvent présentée de manière caricaturale à l'étranger.

Une des principales critiques, formulée notamment par les sénateurs fédéraux que la délégation a rencontrés à Brasilia, tient à l' assimilation erronée que les médias occidentaux feraient, de bonne foi ou non, entre la forêt amazonienne et « l'Amazonie légale » , zone administrative définie depuis les années soixante et débordant très largement au sud du biome forestier. Cette Amazonie légale bénéficie de mécanismes, notamment fiscaux, incitatifs au développement économique : à ce titre, l'extension de l'activité agricole « en Amazonie », non seulement n'aurait rien d'illégal, mais serait au contraire expressément recherchée pour rééquilibrer ces territoires face aux Etats plus développés du sud du pays. Et contrairement aux affirmations médiatiques, l'extension des cultures ou des élevages dans cette « Amazonie » ne s'accompagnerait d'aucune déforestation, la forêt amazonienne se situant à des centaines de kilomètres au nord des espaces concernés.

La délégation a été frappée par le caractère sensible de cette question, que les Brésiliens considèrent comme un enjeu de souveraineté nationale . Le gouvernement brésilien revendique au demeurant l'exercice d'une surveillance attentive de l'évolution de la forêt amazonienne et note que la déforestation ne peut être imputée aux seules activités pratiquées sur le territoire brésilien puisque la forêt amazonienne s'étend sur neuf pays différents.

Il est incontestable qu'une politique plus active de protection du bassin amazonien a été mise en oeuvre par le président Lula da Silva depuis son élection. Alors que près de 17 % de la forêt amazonienne brésilienne ont été détruits au cours des trente dernières années, en raison principalement d'une exploitation « sauvage » du bois tropical et de la transformation de zones forestières en terres agricoles, le gouvernement se trouvait dans l'obligation d'inverser une évolution dommageable à l'écosystème mondial et à la réputation internationale du pays. La déforestation a par ailleurs été favorisée par le statut incertain des terres amazoniennes, sur lesquelles les droits de propriété ne sont pas toujours clairement définis. Cette indétermination a de facto longtemps rendu aisée et rentable l'appropriation et le déboisement de terres auparavant libres de toute activité humaine. Le gouvernement a par conséquent créé des unités de conservation afin de protéger la forêt amazonienne. Cette politique a eu une certaine efficacité puisque, depuis l'élection du président Lula da Silva en 2002, 20 millions d'hectares de forêt ont rejoint les 30,7 millions d'hectares déjà légalement protégés . Les aires déboisées auraient en conséquence diminué de 31 % sur la période août 2004-juillet 2005. Cette politique aurait également permis d'assainir les conditions de l'exploitation forestière.

Toutefois, la nécessité de consacrer des surfaces toujours plus étendues à la culture de la canne à sucre crée, à l'évidence, une pression sur les usages de la terre et favorise un report des autres activités agricoles vers les terres amazoniennes. Il semblerait d'ailleurs qu'après trois années de recul, les activités de déboisement aient récemment retrouvé une certaine actualité 46 ( * ) . Des contrôles satellitaires auraient ainsi mis en évidence une nette accélération de la déforestation sur les cinq derniers mois de l'année 2007 : plus de 7.000 kilomètres carrés de forêt auraient été détruits par brûlage entre le mois d'août et le mois de décembre 47 ( * ) , ce qui constitue un record depuis la mise en place des contrôles par satellite en 2003 : 53 % des surfaces concernées se situeraient dans l'Etat du Mato Grosso, suivi par les Etats du Para (17 %) et de Rondonia (16 %).

Cette reprise de la destruction du biome amazonien a contraint le gouvernement à définir de nouvelles mesures de protection, au nombre desquelles l'interdiction de la destruction des arbres dans les 36 localités les plus touchées au cours de la période récente. En outre, les parcelles devront désormais être cadastrées, les produits issus des zones défrichées ne pourront plus être commercialisés et les banques publiques seront tenues de suspendre leurs financements à toute personne contrevenant à ces règles. Enfin, le gouvernement a annoncé sa volonté de renforcer les effectifs des fonctionnaires chargés de la surveillance des zones protégées.

D'après certains membres du gouvernement brésilien, le développement des surfaces consacrées à l'élevage et à la culture du soja serait pour partie responsable de cette reprise des activités de déforestation. Dans un contexte de hausse du prix des matières premières agricoles tirée par la demande internationale, l'utilisation de terres auparavant inexploitées apporte en effet un bénéfice économique assuré et immédiat. Cette explication est d'autant plus plausible que le ralentissement de la déforestation depuis 2005 coïncidait avec la diminution des cours du soja et de la viande bovine. D'autres observateurs y voient également un effet indirect de l'expansion de la culture de la canne à sucre puisque l'usage de la terre pour planter des cannaies a repoussé l'élevage vers le nord, c'est-à-dire vers l'Amazonie.

* 46 Libération du jeudi 24 janvier 2008 (« L'Amazonie part en fumée ») et du samedi 2 février 2008 (« Opération antidéforestation au Brésil »).

* 47 Soit 60 % de la déforestation enregistrée entre le mois d'août 2006 et le mois de juillet 2007.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page