N° 178

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 janvier 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur les opérations extérieures sous le contrôle du Parlement ,

Par MM. Josselin de ROHAN, Didier BOULAUD, Christian CAMBON, Jean-Louis CARRÈRE, Robert del PICCHIA, Mme Michelle DEMESSINE, MM. André TRILLARD et André VANTOMME,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En application de l'article 35 de la Constitution 1 ( * ) , le Gouvernement fera une déclaration à l'Assemblée nationale et au Sénat, suivie d'un débat et d'un vote, sur la prolongation des opérations extérieures menées par la France sur quatre théâtres d'opérations, en Côte d'Ivoire, au Kosovo, au Liban, au Tchad et en République centrafricaine, le 28 janvier 2009. Un débat de même type avait déjà été organisé le 22 septembre 2008 sur l'engagement des troupes françaises en Afghanistan.

Au cours de l'année 2008, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s'est rendue en Côte d'Ivoire, en Afghanistan, au Liban, au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine et, en 2009, au Tchad.

Ces déplacements poursuivaient un double objectif :

- le premier était d'informer la commission et le Sénat sur la pertinence politique et stratégique de nos engagements extérieurs et de contrôler l'adéquation des moyens mis en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés ;

- le second était de manifester l'intérêt, l'attention et la considération de la représentation sénatoriale pour l'action menée par les soldats français au service de la paix internationale et de notre sécurité.

Ces missions, qui se sont voulues le plus opérationnel possible ont, à chaque fois, engagé deux membres sur une base paritaire majorité-opposition.

Côte d'Ivoire

Mme MichèLe Demessine (CRC)

M. Jacques Peyrat (UMP)

14-17 avril 2008

Afghanistan

M. Robert del Picchia (UMP)

M. Jean-Louis Carrère (SOC)

26 avril-2 mai 2008

Liban

M. Josselin de Rohan (UMP)

M. Gérard Roujas (SOC)

5-8 mai 2008

Bosnie-Herzégovine

M. Christian Cambon (UMP)

M. Didier Boulaud (SOC)

4-9 mai 2008

Kosovo

M. André Trillard (UMP)

M. Didier Boulaud (SOC)

12-15 octobre 2008

Tchad

M. Josselin de Rohan (UMP)

M. André Vantomme (SOC)

5-7 janvier 2009

Ces missions ont été préparées en étroite coordination avec le ministère des affaires étrangères et avec le ministère de la défense. En particulier, des briefings ont été systématiquement organisés avec le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l'état-major des armées.

Les programmes de ces missions ont, à chaque fois, comporté un volet politique et un volet militaire. Dans chaque pays, des entretiens ont été ménagés avec les autorités de l'exécutif comme du pouvoir législatif avant de se rendre sur le terrain. Dans toute la mesure du possible, ces missions ont eu lieu à l'occasion de relèves en accompagnant les unités en VAM (Vol aérien militaire) et en partageant les conditions de vie des militaires sur le terrain.

En vue du débat du 28 janvier 2009, le présent rapport d'information a pour objet de mettre les informations et les réflexions recueillies sur le terrain à la disposition du Sénat et de disposer ainsi d'un éclairage sur la pertinence de la prolongation de nos opérations extérieures.

I. QUELS CRITÈRES POUR LES OPEX ET LEUR PROLONGATION ?

Membre fondateur de l'Union européenne, comptant parmi les premiers contributeurs en hommes et en contribution budgétaire de l'OTAN et membre permanent du Conseil de sécurité, la France a une responsabilité particulière dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Cette responsabilité mondiale engage notre pays et justifie nos engagements. Pour autant, ceux-ci doivent être contrôlés et pleinement justifiés au regard des objectifs politiques et stratégiques définis et décidés par le Président de la République. Comme l'indique le Livre blanc « afin de respecter le principe de séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, les conditions et modalités opérationnelles d'engagement de nos forces resteront du seul ressort du chef de l'État et du Gouvernement ».

Le Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale a déterminé quatre zones critiques pour la France et l'Europe :

- « arc de crise » Mauritanie-Pakistan, où les intérêts français et européens peuvent être directement touchés par l'apparition de conflits ;

- Afrique sub-saharienne ;

- continent européen (stabilisation non achevée des Balkans et politique de puissance de la Russie vis-à-vis de l'étranger proche) ;

- Asie, avec impact possible pour l'Europe sous diverses formes (mise en jeu de la clause de défense collective en cas d'implication des Etats-Unis ; routes maritimes et approvisionnements stratégiques ; effets économiques et financiers).

Un premier élément d'appréciation se trouve donc naturellement dans la définition géographique des menaces.

Mais le Livre blanc a aussi appelé à une sélectivité dans nos engagements extérieurs , en retenant 7 principes directeurs (outre l'appréciation politique de la nécessité de l'action militaire, la nécessité d'une capacité d'engagement de niveau suffisant et une définition de l'opération dans l'espace et, si possible, dans le temps, avec une évaluation de son coût).

Engagement des forces armées à l'étranger :
sept principes directeurs

- Caractère grave et sérieux de la menace contre la sécurité nationale ou la paix et la sécurité internationale.

- Examen, préalable à l'usage de la force armée, des autres mesures possibles, sans préjudice de l'urgence tenant à la légitime défense ou à la responsabilité de protéger.

- Respect de la légalité internationale.

- Appréciation souveraine de l'autorité politique française, liberté d'action, et capacité d'évaluer la situation en permanence.

- Légitimité démocratique, impliquant la transparence des objectifs poursuivis et le soutien de la collectivité nationale, exprimé notamment par ses représentants au Parlement.

- Capacité d'engagement français d'un niveau suffisant, maîtrise nationale de l'emploi de nos forces et stratégie politique visant le règlement durable de la crise.

- Définition de l'engagement dans l'espace et dans le temps, avec une évaluation précise du coût.

Source : Livre blanc sur la défense et sécurité nationale

Ces critères ont récemment été précisés par le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, qui avait défini, le 13 juillet 2007, une « règle simple » : « chaque soldat français engagé en opération le sera de manière utile, au service d'une cause légitime, pour mettre en oeuvre une politique lisible ».

Lors de ses voeux aux armées, présentés depuis le camp du bataillon français de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), le 6 janvier 2009, il a précisé cette règle en souhaitant que l'on puisse s'assurer :

- « que nos engagements correspondent bien à la défense de nos intérêts stratégiques,

- que la nature et le volume de nos contributions nous procurent bien l'effet de levier diplomatique et militaire escompté pour apporter une solution rapide à la résolution des crises dans lesquelles nous nous impliquons. »

Ces différents éléments d'analyse créent progressivement une jurisprudence de l'emploi de l'article 35 de la Constitution. Si l'application de celui-ci ne pose naturellement aucun problème pour les opérations nouvelles, la question se pose de déterminer quand et pourquoi le Gouvernement se doit de venir devant le Parlement afin de solliciter son autorisation pour prolonger l'intervention des forces françaises sur des théâtres d'opérations extérieures.

S'agissant de l'Afghanistan, de la Côte d'Ivoire, du Liban, du Kosovo ou du Tchad et de la République Centrafricaine, on peut constater que, dans ces différents exemples, des modifications du contexte sont intervenues :

- en Afghanistan, la décision prise par le Gouvernement de renforcer le contingent français de la FIAS justifie pleinement la consultation du Parlement ;

- en Côte d'Ivoire, alors même que les effectifs ont déjà été considérablement déflatés, la poursuite des négociations dans le cadre du processus de Ouagadougou et le report de l'élection présidentielle pourraient inciter à une réflexion sur le bon niveau des effectifs français dans ce pays ;

- au Liban, où notre pays est traditionnellement fortement impliqué, les récents événements à Gaza ont montré le rôle puissamment stabilisateur de la Finul ;

- s'agissant du Kosovo la stabilisation de ce pays, indépendant depuis le 17 février 2008, et le déploiement de la mission EULEX, permettent de s'interroger sur le maintien du format et de la participation française à la KFOR ;

- enfin, la fin programmée de l'opération Eufor-Tchad-RCA au 15 mars 2009 devrait naturellement entraîner un retrait de nos effectifs de la force internationale de l'ONU et pourrait se traduire, à l'inverse, par un renforcement du dispositif Epervier.

Avant d'aborder la question du coût et du surcoût des OPEX il convient de présenter un bilan global des engagements extérieurs de la France.

* 1 Art. 35. - La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement.

Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote.

Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Il peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l'ouverture de la session suivante.

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