LIBAN

MM. Josselin de Rohan, président, et Gérard Roujas, ont présenté, le mercredi 28 mai 2008, une communication sur la mission qu'ils ont effectuée au Liban, auprès du contingent français de la Finul, du 5 au 8 mai 2008.

La carte ci-dessous constitue une actualisation des données recueillies par la mission au mois d'avril 2008.

M. Josselin de Rohan a tout d'abord rappelé l'historique de la mise en place de la Finul à la suite de l'invasion du Sud Liban par l'armée israélienne en 1978. A la suite de ces événements, une force d'interposition de l'ONU avait été envoyée afin de confirmer le retrait des forces israéliennes, de rétablir la paix et la sécurité internationales et d'aider le gouvernement libanais à assurer la restauration de l'effectivité de son autorité dans la région.

En dépit de cette présence, l'armée israélienne est intervenue à nouveau en 1982 et a occupé une partie importante du Liban jusqu'en juin 2000. La guerre de 2006 a été d'une nature particulière puisque, pour la première fois, l'armée israélienne s'est trouvée opposée à une très forte résistance du Hezbollah, qui disposait d'infrastructures militaires et de troupes aguerries qui ont conduit à bloquer l'avancée de Tsahal et qui a abouti, in fine, à de très importantes difficultés politiques pour le gouvernement israélien et à un demi-échec militaire.

A la suite de ces événements, la Finul a reçu pour mission de l'ONU de poursuivre son action d'interposition, mais en disposant d'un mandat « robuste ». Pour la première fois, une force des Nations unies est équipée de moyens lourds et, en particulier, de chars Leclerc, et a la possibilité de réagir contre tous les actes hostiles qui s'opposeraient à la réalisation de ses missions et de ses obligations, dans le cadre du mandat qui lui a été confié par le Conseil de sécurité. Aujourd'hui, 12 500 hommes, appartenant à 25 pays, dont 15 de l'Union européenne, sont déployés au Liban sud. Le contingent le plus important a été fourni par l'Italie qui assure le commandement de la Finul et qui compte 2 815 soldats. La France est le deuxième contributeur, avec environ 1 685 soldats.

M. Josselin de Rohan, président, et M. Gérard Roujas ont pu constater la profonde implication des forces françaises sur le terrain d'opération libanais. Le Groupement tactique interarmes (GTIA) assume, en parallèle, deux missions. La première est la responsabilité de la force de réaction rapide, qui agit directement sous les ordres du commandant de la Finul, le général italien Grazziano, et peut intervenir dans l'ensemble de la zone d'opérations comprise entre, au sud et à l'est, la ligne bleue qui sépare le Liban et Israël et, au nord, le fleuve Litani. Elle assure également les missions de surveillance nécessaires à l'application de la résolution 1701 de l'ONU.

Outre ses missions de contrôle de la zone, le contingent français assure un ensemble d'actions au profit de la population libanaise, en particulier en matière de dépollution et de déminage, d'aide médicale et de projets ciblés de reconstruction. Les forces françaises sont parfaitement intégrées au sein du contingent international et se coordonnent avec les unités voisines, qu'elles soient italiennes, ghanéennes, belges, indonésiennes ou népalaises.

L'un des aspects les plus importants de cette opération consiste dans les contacts avec l'armée libanaise, représentante du gouvernement central dont l'action au sud du Litani correspond à l'affirmation de l'autorité de l'Etat libanais sur l'ensemble de son territoire. Le redéploiement de l'armée libanaise au sud du Litani est un signe particulièrement important du rétablissement du Liban en tant qu'Etat constitué. De ce point de vue, il n'est pas indifférent que ce soit le chef d'état-major de l'armée, le général Sleimane, qui, candidat de consensus à la présidence de la République, vienne d'être élu.

Lors du séjour de la délégation au Sud Liban, il a été possible de rencontrer l'ensemble des unités françaises impliquées et de visiter les sites d'implantation. Ces rencontres ont permis de constater l'excellente tenue des troupes confrontées à une mission complexe au niveau politique, économique, religieux et militaire.

M. Josselin de Rohan, président, a ensuite abordé le contexte politique et sécuritaire qu'avait connu la mission. S'agissant du rôle de la Finul, il a constaté l'efficacité du dispositif mis en place, l'excellente coopération internationale qui s'est instaurée entre les différentes forces présentes en son sein, tout en remarquant, sur le terrain, la fragilité d'une situation éminemment réversible à tout moment.

Il a souligné, qu'au-delà de ce contexte onusien de sécurisation et d'interposition entre Israël et le Hezbollah, la situation intérieure libanaise était d'une extrême fragilité. La mission sénatoriale s'est déroulée à un moment particulièrement délicat de l'évolution libanaise, qui s'est traduit par des affrontements très importants ayant conduit à de très nombreux morts.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé les origines de la crise libanaise qui a conduit, depuis 18 mois, à un blocage institutionnel. Les affrontements récents, quels que soient leurs éléments déclencheurs, ont abouti à un déblocage de la situation dont l'avenir confirmera éventuellement la pérennité. A la suite de la médiation opérée par le Qatar et la Ligue Arabe, un accord a pu être trouvé qui a mené à l'élection, le 25 mai dernier, du président de la République, le général Sleimane. L'accord conclu permet également la mise en place d'un gouvernement qui comportera 30 membres, dont 16 ministres appartenant à la majorité, 11 à l'opposition et 3 qui seront nommés directement par le président élu. Cet accord donne à l'opposition, et en particulier au Hezbollah, une capacité de blocage sur l'ensemble des décisions du gouvernement libanais, influence qui sera vraisemblablement accentuée par l'attribution à l'opposition du ministère des finances, responsable d'une co-signature de près de 90 % des décrets adoptés par le gouvernement. Il s'agit d'un succès important pour le Hezbollah, dont l'un des objectifs principaux consistait, depuis juin 2006, à faire reconnaître, dans les faits, son poids politique et militaire réel. M. Josselin de Rohan a toutefois relevé que, tout au moins au niveau du langage, les dirigeants du Hezbollah affirmaient que leur objectif n'était pas la conquête du pouvoir et qu'ils inscrivaient leur action politique dans le cadre des accords de Taëf.

L'autre aspect fondamental des accords de Doha porte sur la réaffirmation de l'engagement du Hezbollah à ne pas utiliser sa force militaire pour résoudre des conflits internes, mais de souligner que son refus du désarmement, pourtant prévu par les accords de 2006 et la résolution 1701, était dû à la nécessité de maintenir opérationnelle une force d'opposition à Israël.

M. Josselin de Rohan, président, a relevé que la clef de lecture des événements récents se trouvait en très large partie hors des frontières libanaises. En particulier, l'ouverture, rendue publique récemment, des négociations entre Israël et la Syrie, sous l'égide de la Turquie, explique, de manière importante, la présente crise. Le gouvernement israélien actuel estime que des négociations de paix avec la Syrie -dont le principal élément consisterait en une restitution du Golan- permettraient une dissociation de la Syrie et de l'Iran et, ainsi, une diminution de l'influence politique et militaire du Hezbollah, dont la puissance pèse indiscutablement sur le flanc nord d'Israël. A l'ouverture syrienne, dont l'assassinat d'un dirigeant du Hezbollah à Damas pourrait être un signe, correspondrait une reconnaissance de facto de l'influence de ce pays sur le Liban, qui reste la priorité absolue de la politique étrangère syrienne.

Pour autant, l'accord de Doha, même s'il correspond à un pas extrêmement important, unanimement salué par la communauté internationale, est encore extrêmement fragile. L'un des éléments d'incertitude majeurs consiste, du reste, dans l'avenir de l'actuel Gouvernement israélien. Comme l'a indiqué M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, « tout reste à faire ».

En conclusion, M. Josselin de Rohan a constaté que les prémices de cette résolution de crise semblaient s'accompagner d'une certaine éviction, de fait, des Etats-Unis, d'autant plus marquante qu'elle se situe juste après la visite officielle du président américain dans la zone, et un certain affaiblissement de la position européenne au profit de la Ligue Arabe dont il convient, néanmoins, de souligner la convergence totale des objectifs poursuivis avec la diplomatie française.

A la suite de cette intervention, M. Gérard Roujas est intervenu pour souligner la pertinence des missions effectuées sur les théâtres d'opération, à l'initiative du président de la commission, qui permettent de confronter les analyses et les informations dont elle dispose avec les réalités de terrain. Il a souligné le professionnalisme, la technicité, les moyens importants de l'armée française sur ce théâtre d'opération. Il a enfin rappelé les circonstances de la mission, située à un moment particulièrement tendu du conflit inter-libanais, qui l'ont conduite à quitter la région via Damas, puisque l'aéroport international de Beyrouth était bloqué et que des affrontements sérieux se déroulaient non seulement dans la ville, mais aussi au nord du pays et dans le Chouf.

Répondant à une interrogation de M. André Dulait, qui s'interrogeait sur l'état d'esprit des militaires français, M. Josselin de Rohan, président, a souligné le professionnalisme des troupes, mais a également relevé les inquiétudes qui résultent des discussions en cours sur la révision générale des politiques publiques, le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale et la future loi de programmation militaire. Il a, par ailleurs, relevé, avec M. Gérard Roujas, le vieillissement des matériels et les carences en matière de petit équipement des soldats.

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